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ben adam lehavero et la nouvelle "religion alaha"

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Docdam
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Bonjour
Pourriez-vous m'expliquer pourquoi les halahot de ben adam lehavero ne sont pas etudiées avec autant d'assiduité que les halahot ben adam lamakom ?
Il s'agit d'une vraie question et pas du tout polemique.
Je trouve que les etudiants de kollel sont bien plus raffinés que les etudiants d'unversité
mais je suis intrigué de voir qu'ils peuvent repondre du tac au tac sur les halahot permettant de choisir son etrog et qu'ils ne connaissent pas beaucoup mieux que moi les halahot concernant le respect des parents ou de ne pas se venger...
Pour quelle raison ces halahot ne font pas partie du cursus classique ?

Merci et ktiva vehatima tova


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Rav Binyamin Wattenberg
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Tout d'abord ce n'est pas tout à fait vrai;
Il y a bien des spécialistes sur des domaines ben adam la'havéro, comme sur le Lashon Ara par exemple.

Ensuite un ba'hour yeshiva "normal" en sait beaucoup sur le respect des parents, ne serait-ce que par les gmarot qu'il étudie à la yeshiva et ce, malgré que la bekiout soit souvent sacrifiée au profit d'un pseudo-iyoun, car il se trouve que plusieurs des dapim généralement affectionnés par les yeshivot comportent des détails sur kiboud av vaem. Comme Kidoushin 30-31-32, (ou aussi Yevamot 5b 6a et Baba Metsia 32a qui donnent une idée de cette mitsva de manière différente et se trouvent encore parmi les "dapim étudiés dans les yeshivot").

Mais il est vrai qu'il y a plus de spécialités et de spécialisés en ben adam lamakom.

Je pourrais vous répondre que dans la mesure où vous constatez que les étudiants des kollelim sont raffinés au niveau des midot, c'est qu'ils ont un besoin plus urgent de s'instruire en ben adam lamakaom, étant donné que le ben adam la'havéro leur est déjà partiellement acquis de par une éducation et une mentalité prônée dans les milieux de Thora, ce qui ne saurait être possible pour les lois du Etrog.

Mais je crois qu'il y a une raison plus triste à souligner.

De nos jours nous assistons à une volonté de spécialisation en ala'ha chez les étudiants de Thora qui imite bien ce qui se passe dans d'autres domaines dans le monde des sciences séculières.

Considérons le domaine médical qui vous est certainement plus proche et connu; il est impossible qu'une même personne soit "à la pointe" en cardiologie tout en étant spécialiste du décollement de la rétine et numéro un mondial des anesthésistes.

Même sans être le plus grand spécialiste, personne n'irait consulter un orthopédiste qui serait aussi stomatologue, chirurgien, gastro-entérologue, dentiste (spécialisé dans les implants), psychiatre, gynécologue, rhumatologue, ophtalmologue, pneumologue, neurologue, gérontologue, oncologue et dermatologue (-et d'autres logues), car il est évident qu'il s'agirait d'un bonimenteur "charlatanologue".

Il semble quasi-impossible d'embrasser toute ces spécialités tant chacune d'elles s'est précisée durant le XXème siècle et surtout durant les dernières décennies, il y a de quoi étudier une spécialité durant des années et il faudrait plusieurs vies pour se qualifier dans tous de ces domaines à la fois.

Ainsi, on ira voir chaque spécialiste pour le problème concerné.

Il se trouve que dans la Thora, la multiplicité de sfarim chez les a'haronim entraîne un phénomène semblable, il devient impossible de se spécialiser dans toutes les branches de la Thora.

Même la seule branche de la Ala'ha est devenue un gigantesque sujet qui se réparti en une multitude de spécialisations.

Vous trouverez de nos jours des spécialistes du décèlement du shaatnez dans les épaulettes, de la traque d'insectes dans les choux-fleurs , des lois de Bishoul avec plaque à induction et micro-ondes, des règles relatives à Amira leakoum qui demande à un autre akoum, du Yayin Nesse'h par télépathie, de Bassar be'halav avec de la viande de synthèse , des arbaa minim importés du Yémen (et il y a même des champions du Loulav et d'autres spécialisés en étrogologie) et j'en passe...

Le grand problème est que toutes les parties de la Thora sont dépendantes les unes des autres.

Rav Shmouel Markovitz m'a dit il y a plus de vingt ans (plus précisément fin 1991 je crois) la chose suivante: "on dit que même si quelqu'un étudie toute sa vie un seul et même daf, il le connaîtra moins bien que ce que Rabbi Akiva Eiger connaissait chaque daf du shas. Mais ce n'est pas un 'hidoush, car la compréhension de chaque daf est conditionnée par la connaissance des autres dapim".

De telle sorte qu'un spécialiste en détection d'insectes est -sous un certain angle- nécessairement moins compétant sur le paramètre ala'hique de sa propre spécialité, qu'un érudit dans l'ensemble des disciplines (-bien que moins "pointu" en entomologie).

Certes, le spécialiste sera plus "au courant" des shitot farfelues et des écrits rabbiniques concernant des cas spéciaux que celui qui ne s'est pas spécialisé dans ce domaine, mais il n'aura pas la largueur de vue indispensable pour comprendre, diriger et "digérer" le message de la Thora à travers ces lois avec intelligence.

Il pourra donc éventuellement se montrer trop permissif ou parfois trop rigoureux sur un point par un manque de compréhension de la "philosophie" des ala'hot qu'il étudie.

C'est malheureusement ce qui "pervertie" un peu les ala'hot dans certains sfarim modernes et de grands rabanim semblent ne pas discerner l'absurdité de la voie qu'est en train de prendre le "judaïsme ala'hique".

Heureusement, il reste de nombreux rabanim clairvoyants face à ce problème, mais ce n'est pas ce qui empêche les étudiants de croire que le "spécialiste" est plus proche de la vérité (sur son domaine de compétence) que l'érudit "généraliste".

Le cardiologue n'a pas besoin d'être ophtalmologue en parallèle pour être performant, mais le spécialiste des lois de tsniout qui n'est pas spécialiste du reste du Talmud risque fort de se tromper sans avoir les moyens de s'en rendre compte.
Sa lecture de certains textes sera empreinte de son "absence de compréhension profonde" et de connaissances générales du Talmud.

Bref, tout ceci pour dire qu'étant donné que de nos jours on questionne les rabbins surtout sur des sujets très précis de ben adam lamakom, les étudiants se spécialisent essentiellement dans ces domaines et ne creusent pas trop les sujets ben adam la'havéro dont le bon sens donne déjà généralement une idée assez précise.
C'est la loi de l'offre et la demande, le public recherche des rabbins qui s'y connaissent en lois de bishoul et kashérisation d'ustensiles, plus qu'en respect des parents ou vengeance.
Si le tsibour questionnait les rabbins sur ces lois plus que sur la kashérisation des ustensiles et leur immersion au Mikve, les étudiants des kollelim se spécialiseraient plus en ben adam la'havéro et lois du respect des parents.

Je déplore ces spécialisations excessives, mais il m’apparaît évident que le choix des disciplines est indirectement dicté par le peuple et non par les rabbins.

J'encourage donc les questionneurs de rabbins à les questionner aussi sur du ben adam la'havéro et plus généralement à les questionner AUSSI sur d'autres thèmes que de la "ala'ha pratique".

Bien sûr les questions de ala'ha pratique restent nécessaires et indispensables, mais il faut aussi se renseigner sur les autres aspects de la Thora.

C'est un peu une nouvelle religion qui s'est créée, avec ce braquage des études sur la ala'ha, il y a de plus en plus de kollelim axés exclusivement sur la ala'ha dont les étudiants n'ont pas encore fait un simple tour du Talmud.
Les décisions ala'hiques en pâtissent; il y a de plus en plus de livres indiquant par endroits des absurdités ala'hiques sous couvert de 'houmra ou "pour s'acquitter de toutes les shitot" ou encore des inepties religieuses dignes d'un bigot excentrique.
Les adeptes de ce mouvement vouent un culte au "dieu Ala'ha" qui les éloigne du vrai D. selon moi.

Il y a encore peu de temps, le manque de sfarim -quoique déplorable- empêchait (paradoxalement) une telle dérive, les poskim se basaient sur leur compréhension du Talmud et pas (seulement) sur des analogies et comparaisons de décisions d'anciens poskim.

Aujourd'hui, on irait presque crier au drame si un possek se basait sur sa compréhension du Talmud, pour peu qu'elle ne colle pas avec la lecture du Ran ou du Rashba, le soutien d'autres rishonim ne saurait lui permettre une décision qui ne serait pas basée sur un psak d'un a'haron répertorié.

Et que dire d'un possek qui aurait l'audace de faire appel au bon sens, au lieu de se faire encenser il se ferait invectiver dans tous les sens, serait bientôt traité d'insensé, sans que ne lui soit donnée la chance d'expliquer qu'un psak est censé être sensé.

Même le grand Rabbi Moshé Feinstein a dû affronter les imprécations et malédictions de certains de ses contemporains qui s'opposaient à ses psakim basés sur sa propre compréhension du Talmud.


Tout ceci est bien plus long et complexe que cette présentation simplifiée que je livre ici, mais je sais que certains lecteurs pourront comprendre ce que je veux dire.

Qu'ils sachent aussi que c'est ce phénomène qui est responsable de la dissociation de la "connaissance de Thora" des bonnes midot qui sont supposées y être attachées.
Dans de multiples sources nous trouvons que l'étude de la Thora parfait l'homme, ce tikoun amidot entraîné par l'étude est une énigme pour beaucoup de jeunes qui ne voient pas vraiment de lien entre la connaissance de la Thora et le travail sur le caractère.
Je pense que c'est aussi un des dommages résultant de cette nouvelle approche du judaïsme.
Le rabbin ne se résume à être un simple technicien ala'hique et ne peut pas se contenter d’approfondir uniquement les paramètres ala'hiques pratiques sans étudier en parallèle la pensée et la ashkafa du Talmud à travers les agadot et midrashim.
C'est ce que nos Sages disent (Sifrei Ekev -piska 13) "si tu veux connaitre (compendre) Celui qui a créé le monde par la parole, étudie les textes agadiques".
Ou encore (Midrash Sho'har Tov §28): "ils ne comprendront pas les actions de D., ce sont les textes agadiques", ce qui signifie -comme l'explique le Emek Anetsiv sur le Sifrei (op cit)- que celui qui étudie les textes agadiques comprend les actes de D. -maassei bereshit et maassei merkava.

Ainsi, ces spécialistes ala'hiques des temps modernes sont persuadés d'être dirigés par leur crainte du ciel lorsqu'il émettent un psak que je qualifie de "moderne", mais nos Sages affirment l'inverse en disant (Avot Derabbi Nathan fin de §29) que "celui qui connait bien les ala'hot mais ne connait pas bien les textes agadiques, n'a pas goûté à la crainte du ciel"!
(bien sûr ils précisent aussi que la seule étude des midrashim ne saurait suffire, "celui qui connait le Midrash mais pas les ala'hot n'a pas goûté à la sagesse").

Nous constatons malheureusement bien souvent l'ampleur de l'ignorance et de l'incompréhension des textes agadiques qui règnent chez les étudiants et même chez de nombreux rabanim, aussi il n'y a rien d'étonnant à ce que les décisions ala'hiques puissent parfois s'écarter de la "mentalité talmudique".

Pour en revenir à votre question, le jour où le public saura apprécier la profondeur de compréhension dans un psak, le jour où il comprendra qu'un psak qui tient compte de tout le Talmud est à même de le rapprocher de D. de manière bien plus saine et efficace qu'un psak des temps modernes qui est le fruit d'une compilation de décisions antérieures (souvent dénuée de rapport avec les midot et la ashkafa), alors les étudiants approfondiront tous les sujets, même le ben adam la'havéro.
Docdam
Messages: 46
Bonsoir
Merci pour votre reponse qui me parle beaucoup
J aimerais juste vous demander une confirmation d un point qu il m a semble comprendre mais qui n est pas explicite

Dites vous que l' essence des halahot de ben adam le havero n est pas d etre listee mais plutot de coller à un esprit encore plus que les autres mitsvot
Par exemple
Je peux donner une liste de halahot pour dire ce qu est une soucca cacher
Je ne pourrais pas vraiment donner une liste de ce que la torah considere lorsqu elle nous dit de ne pas hair son prochain

Les 2 je dois en comprendre l esprit mais pour la deuxième c est encore plus fondamental que pour la première ( même si vous écrivez clairement que cela est fondamental aussi pour la première)
Merci pour vos réponses


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serge
Messages: 178
je me permets d'intervenir pour donner mon humble avis sur les paroles du rav.

en effet, je partage ce constat de "specialisation halakhique" auquel nous assistons dans les collelims.
et comme vous l'avez bine soulignez, il faut halakha + hachkafa. mais a mon avis le fait que les collelims ne le fassent pas, c'est plutôt du a la faute des rosh colle et non du peuple ou des avrekhims.
c'est le formateur qui dirige le bateau et non a l’élève.

par ailleurs, je partage votre avis, sur le fait que pour etre posek, il faut avoir une connaissance tres large et profonde, sans quoi on peut avoir des absurdités.
cependnat, un possek peut emettre un psak qui peut etre ne collera pas a l'avis d'un rishon, soit, mais l'avis du posek doit nécessairement se référer a sa propre compréhension du talmud mais aussi s'appuyer sur un rishon, sinon on va droit dans le mur: demain on risque d'entendre, le ramban s'est trompé, meme si on a le droit de ne pas être d'accord avec son avis, encore faut il avoir "dans sa poche" l'avis d'un rishon...

enfin, je ne comprends pas tres bien votre argument qui consiste a dire que certains poskims s'appuient sur une compilation de décisions halakhiques anterieures, je n'y vois pas le probléme.
il est possible que certains sujets, comme la lumiere automatique dans les immeubles, n'ait pas ete traites par des rishonims, et sur ces sujets un possek peut donner son psak en fonction de sa havana de al sougya, (on connait de sulfureuses mahloket entre les poskims de notre generation) mais s'opposer a un rihon qui a traite la question plus ou moins explicitement, ne lui permets pas de l'ignorer sans avoir sur quoi s'appuyer.

merci de m'éclairer
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6335
À Docdam:

Il existe des codes de lois de ces ala'hot aussi. Néanmoins, elles feront appel plus souvent au bon sens.

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A Serge :
Je cite :
Citation:
il faut halakha + hachkafa. mais a mon avis le fait que les collelims ne le fassent pas, c'est plutôt du a la faute des rosh colle et non du peuple ou des avrekhims.
c'est le formateur qui dirige le bateau et non a l’élève.

Détrompez-vous, ce n’est pas toujours le Rosh Yeshiva qui décide à 100% dans sa yeshiva.

La pression du tsibour pèse lourd, la concurrence et d’autres paramètres insoupçonnables jouent à un point que vous ne semblez imaginer.

Un exemple, certes pas très révélateur pour tous les domaines mais tout de même :
Depuis les années 70, mais surtout durant les années 80 et 90 Rav Sha'h n’avait de cesse de rabâcher aux élèves de SA yeshiva que le dére'h alimoud en usage à Ponovez n'était pas bon, voire mauvais.
Et pourtant, les élèves dans leur masse (99%) ne l’écoutaient pas.

Nous voyons donc qu'un Rosh Yeshiva n'impose pas toujours ses vues, ou plutôt ne réussit pas toujours à le faire.

Citation:
l'avis du posek doit nécessairement se référer a sa propre compréhension du talmud mais aussi s'appuyer sur un rishon, sinon on va droit dans le mur: demain on risque d'entendre, le ramban s'est trompé, meme si on a le droit de ne pas etre d'accord avec son avis, encore faut il avoir "dans sa poche" l'avis d'un rishon...

Je ne me souviens pas avoir écrit l'inverse, mais je n'ai pas le temps de me relire.
Je vous indiquerais ce que j’écris ici :
http://www.techouvot.com/se_fixer_son_propre_psak_halaha_et_faut_il_croire_a_la_magie-vt17185.html?highlight=

À part ça, dire « le Ramban s'est trompé » ou non, n'est pas lié au sujet, ni à ce que vous dites.
On peut être en désaccord sans dire cette phrase et on peut s’accorder au din du Ramban et dire en parallèle qu’il s’est trompé sur sa preuve –ou autre.
Bref, c’est un autre sujet, « savoir comment il convient de parler des rishonim ».

Citation:
enfin, je ne comprends pas tres bien votre argument qui consiste a dire que certains poskims s'appuient sur une compilation de décisions halakhiques anterieures, je n'y vois pas le probléme

Eh bien lisez ce que j'ai écrit sur ce sujet à la même adresse que plus haut:

http://www.techouvot.com/se_fixer_son_propre_psak_halaha_et_faut_il_croire_a_la_magie-vt17185.html?highlight=

Surtout lorsqu'il est question du Maaral.
Enfin, lisez surtout le Maaral dans Netiv Athora (fin de §XV) (asseyez-vous avant) et voyez aussi dans son Dére’h A’haim (p.305) et dans son Droush Al Athora (p.48).

Je ne me relis pas, sorry.
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