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Making of du psak du Beth Din de Londres

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bemman
Messages: 53
Bonjour rav,

Un ami anglais m'a dit que dans les années 70, le Beth Din de Londres a sorti un psak pour permettre au Grand-Rabbin d'Angleterre d'entrer dans une église dans certains cas particuliers par rapport aux autorités du pays. Avez-vous connaissance où peut-on trouver le "making of" de ce psak ?
Ne connaissant pas bien le judaïsme anglais, je suis quand même étonné que ce psak soit sorti si tard alors que ce problème a dû se poser également pour le couronnement d'Elizabeth II et même bien avant.

Merci.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6339
Citation:
Un ami anglais m'a dit que dans les années 70, le Beth Din de Londres a sorti un psak pour permettre au Grand-Rabbin d'Angleterre d'entrer dans une église dans certains cas particuliers par rapport aux autorités du pays. Avez-vous connaissance où peut-on trouver le "making of" de ce psak ?
Ne connaissant pas bien le judaïsme anglais, je suis quand même étonné que ce psak soit sorti si tard alors que ce problème a dû se poser également pour le couronnement d'Elizabeth II et même bien avant.


Non, je ne sais pas où l’on peut trouver le "making of" de ce psak made in London.

Et le fait que la question ait pu se poser en 1952 n’indique pas qu’elle n’a pas fait, à cette époque, l’objet d’un autre Psak made in Albion, et il y a probablement eu des antécédents et dans d’autres pays aussi.

Il y a 37 ans, en 1986, lors des obsèques de Gaston Defferre, le grand rabbin Sitruk (encore à Marseille à cette époque, et très proche de Defferre) avait demandé à Rav Moshé Soloveitchik et à Rav Shmouel Akiva Schlesinger (cf. Vision juive, éd. Torah-box, p.221) un Heiter pour assister à la cérémonie et même prendre la parole dans la cathédrale (Sainte-Marie-Majeure -je crois que c’est son nom).

Le Heiter lui a été donné (bien que s’il avait demandé à Rav Ovadia Yossef, il le lui aurait fermement interdit).

La cérémonie a été voulue œcuménique, ouverte à toutes les religions, et des efforts ont été déployés afin de n’offenser personne.

Le GR Sitruk raconte (Chemin faisant, Flammarion 1999, p.148) qu’il n’a pas eu besoin de demander quelques arrangements, les catholiques ont, de leur propre chef, retiré (ou recouvert) les crucifix, et sorti l’autel.
Ainsi, les représentants de toutes les religions ont pu y assister et se réunir autour de leur regretté maire (voir encore Rien ne vaut la vie, Bibliophane 2006, p.118).

Chaque cas est différent et c’est pourquoi si un Heiter a été donné en 1952, ou en 1986, il ne suffira pas pour 2023, il faut consulter pour chaque situation.

Concernant le Issour, le Rambam (Piroush Hamishna Avoda Zara I, 4) écrit que dans l’absolu on ne devrait même pas habiter dans une ville où il y a un lieu de Avoda Zara (cf. Avoda Zara 12a), puis il ajoute : « a fortiori concernant la maison d’Avoda Zara elle-même, qu’il nous est presque interdit de voir, à plus forte raison d’y pénétrer » (ואם העיר דינה כן קל וחומר דין בית עבודת כוכבים עצמו שהוא אסור לנו כמעט לראותו וכל שכן ליכנס בו).
Voir Shakh (Y’’D §149, sk.1) et Shoul’han Aroukh (Y’’D §150,1).

Le Tsits Eliezer (XIV, §91) en conclut que l’interdit est clair et établi.

Idem pour Rav Moshé Feinstein, dans Igrot Moshé (Y’’D III, §129), il est clair qu’entrer dans une église, ne serait-ce que pour regarder la structure intérieure, est interdit.

Voyez encore le Shoul’han Aroukh (Y’’D §142,15) : אסור לשמוע כלי שיר של אלילים או להסתכל בנוי אלילים כיון שנהנה בראייה

Voir aussi ‘Hokhmat Adam (§84,16), Darkhei Tshouva (Y’’D §157) et Shout ‘Haim Beyad (Palacci) (§26).
Selon le Arougat Habossem (Y’’D §115), le contrevenant ne comptera plus pour Minian.

On autorisera en cas de Pikoua’h Nefesh ; le Shout Harosh (§19,17) écrit qu’un juif poursuivi a le droit de s’abriter dans une église pour échapper à ses assaillants.
Idem pour le Méiri et le Ran (Avoda Zara 12a) qui autorisent de sauver sa vie en se réfugiant dans un temple d’Avoda Zara.

Il semble que ce soit aussi la position du Or’hot ‘Haim de Rabbi Aharon de Lunel (hil. Brakhot §66) [qui écrit que celui qui entre dans un temple de Avoda Zara dira : « Ashrei Sheyishalem Lakhem Gmoulkhem » (=~Heureux celui qui vous rendra ce que vous méritez).
Or, il est interdit a priori d’y entrer (R. ‘Haim Palacci dans ‘Haim Beyad §26 en déduira que le Or’hot ‘Haim pensait que c’était autorisé), mais ROY (Yabia Omer II, Y’’D §11) explique que le Or’hot ‘Haim parle d’un cas de force majeure où l’on serait entré dans un temple idolâtre pour sauver sa vie.
C’est donc la position du Or’hot ‘Haim, a minima].

C’est encore ce que l’on comprendra des dires de Rabbi Tarfon dans Shabbat (116a), qu’il est licite d’entrer dans un Beit Avoda Zara en cas de danger. Voyez aussi le Shoul’han Aroukh (Y’’D §157,3).

Toutefois, d’autres, comme le Rashba cité dans le Tour (Y’’D §149) ou le Ritva (Avoda Zara 10a) l’interdisent (au titre de Abizrayhou DeAvoda Zara), mais le Ran (op cit) pense (comme le Rosh) qu’il ne s’agit pas d’une ramification du Issour Avoda Zara, seulement d’un Issour Marit Haayin.
Voir Shakh (Y’’D §149, sk.2) et Yabia Omer (II, Y’’D §11).

Rav Ovadia Yossef était très rigoureux sur cet interdit, dans Yabia Omer (VII, Y’’D §12) il interdit à un ambassadeur d’Israël en ‘houts Laarets de pénétrer dans une église pour la « hashkava » d’un ministre, en citant le Shout Pri Hassadé (II, §4) qui l’interdit même s’il n’y a aucune idole ni aucun crucifix dans la salle, car cette réunion pour prier pour l’âme d’un de leurs dignitaires est en elle-même problématique au titre de « Yom Eidam » (fête/cérémonie religieuse).

Voir aussi Yabia Omer (II, Y’’D §11,7) et Ye’havé Daat (IV, §45).

Mais c’est la position de Rav Ovadia Yossef, qui était très Ma’hmir sur le christianisme ; en 1948, lorsqu’il était lui-même adjoint du grand rabbin d’Egypte, le ‘Hakham Bachi ‘Haim Na’hum (Effendi), un consul ou dignitaire chrétien est décédé et le ‘Hakham Bachi (grand rabbin) était convié aux obsèques, à l’église.
Le ‘Hakham ‘Haim Na’hum étant faible a mandaté son adjoint ‘Hakham Ovadia Yossef pour y aller à sa place.
Ce dernier refusa catégoriquement.
Le ‘Hakham Bachi lui expliqua que cela risquait de faire scandale et de créer une crise diplomatique, ROY ne voulut rien savoir, arguant qu’au contraire, s’y rendre serait un ‘Hiloul Hashem, qu’un représentant du judaïsme se rende dans une église est un ‘Hiloul Hashem!
(Vous imaginez donc ce qu'il aurait dit au GR Sitruk...)

Cependant, en dépit de la position ferme de ROY, il me semble logique que si l’on risque un tant soit peu -par cette absence- d’abîmer les relations avec les autorités locales, l’interdit n’est plus du tout évident, comme l’écrit le Shoul’han Aroukh (Y’’D §178,2) מי שהוא קרוב למלכות וצריך ללבוש במלבושיהם ולדמות להם מותר בכל.

C-à-d que même l’interdit établi Min Hatorah de ne pas suivre les habitudes vestimentaires ou comportementales des idolâtres (‘Houkot Hagoy) sera repoussé par dérogation rabbinique (cf. Baba Kama daf 83), comme l’explique le Beit Yossef (Y’’D §178) qu’en cas de crainte (même indirecte et non-imminente) pour la vie (Mishoum Hatsalat Israel), les Sages l’ont autorisé.

Il est donc évident que, PARFOIS, la présence d’un ambassadeur ou d’un grand rabbin (ou similaire) peut s’avérer indispensable au bon maintien des relations, elles-mêmes nécessaires pour éviter certains dangers.

Certains pourraient se dire que, de nos jours, au XXIème siècle, en France, on est loin de ces époques sombres où les juifs étaient souvent menacés de pogromes et d’expulsion.
C’est à peu près l’idée qu’on retrouve dans le Zikhronot Eliahou (Mani) (O’’H lettre Mem §8) pour qui la plus grande partie des Heitérim « Mishoum Eiva » ne devraient plus s’appliquer de nos jours où les non-juifs ne peuvent plus s’en prendre à nous sans raison juridique valable.

Mais il me semble que c’est très discutable.
Il n’est pas nécessaire d’envisager des pogromes en bonne et due forme, ni non plus nécessaire que le danger soit imminent et qu’il concerne la majorité des juifs du pays.
Il suffit que (par ces négligences) cela puisse coûter la vie à UNE personne, pour que l’on reconsidère même l’interdit Min Hatorah de ‘Houkot Hagoy (cf. Beit Yossef op cit).

En l’occurrence, même au XXIème siècle, même en France, nous avons vu à quel point le danger est latent et toujours possible.
Oui, au XXIème siècle, en France, il y a eu des Juifs assassinés parce que juifs.
La qualité des relations de nos représentants avec les autorités civiles pourra influencer (de manière positive ou négative) le traitement de ces affaires et, partant, créer une atmosphère plus ou moins favorable et encourageante pour les assassins en volonté (de récidiver ou) d’imiter leurs héros.

Lorsqu’on voit de quelle manière a été traitée l’affaire Sarah Halimi, on se demande quelle part ont ces [ir]responsables de la justice dans l’assassinat de Mireille Knoll (et d’autres hélas), et on comprend à quel point le manque de volonté de la justice française est un danger pour la communauté juive, même au XXIème siècle, même en France.
Quant aux autres pays, n'en parlons pas. Depuis le pogrom perpétré en Israël à Shmini Atséret/Sim'hat Torah, le 7 octobre dernier, l'antisémitisme est malheureusement à la mode un peu partout (-surtout là où il y a des musulmans).

[Précision pour ceux qui ne savent pas convenablement lire -si vous ne vous sentez pas concerné, vous pouvez la sauter : ça ne veut pas dire qu’il faille tout autoriser systématiquement à tous les responsables communautaires, sans distinction et sans consulter un Rav.]


Rav Herzog (Te’houka Leïsrael tome 1, p.14) écrit qu’en cas de grand besoin, on autorisera.

R. ‘Haim David Halévy (Assé Lekha Rav IV, §53) écrit qu’il est autorisé d’entrer dans une église qui ne sert plus (du tout) de lieu de culte, mais uniquement de musée ou similaire. (Mais pas une église qui est encore en fonction. Cf. Assé Lekha Rav II, §4).

Rav Yossef Messas (Mayim ‘Haim II, Y’’D §108) est lui-même entré dans une église ( !) "עמדתי על עניין הנוצרים בעבודתם והפצרתי ביהודי אחד מכיר כומר אחד להציגני לפניו ולשאול את פיו על רזא דנא וכן היה נתועדנו שלושתנו בבית תפילתם".

Cependant, lorsque c’est en tant que Moré Horaa et qu’il doit clarifier ce qu’est la religion chrétienne pour savoir comment le judaïsme doit la considérer, c’est autorisé. cf. Rambam Avoda Zara (§3,2), Rambam Sanhédrin (§2,1).

Et son analyse l’a amené à la conclusion que le christianisme (du moins à Tlemcen il y a plus d’un siècle) n’était pas de la Avoda Zara (-conclusion qui n’est pas partagée par tous).

Le Rav Israel Moshé ‘Hazan dans son Shout Krakh Shel Romi (§1 daf 4a) rapporte qu’à Smyrne, de grands rabanim allaient à l’église dans une pièce attenante (Mea’horei hapargod -pas très clair ce que cela signifie, en dehors de l’église stricto sensu ? ou à l’intérieur mais derrière un rideau ? ou dans une pièce attenante ?) écouter les airs de leurs prières pour s’en inspirer (!!). Cf. Shout Bnei Vanim (III, §35). [et voir Shoul’han Aroukh (Y’’D §142,15) : אסור לשמוע כלי שיר של אלילים].


En conclusion, ce qui ressort des Poskim dans leur majorité, c’est qu’il y a des dérogations en cas de besoin, surtout pour les représentants du judaïsme (mais pas que), cependant chaque situation doit être validée par une autorité rabbinique compétente afin de définir ce qu’on appelle un « besoin ».
Par contre, visiter par curiosité reste interdit.

En 2015 un juif qui allait visiter Venise m’a demandé (mais pas sur ce site) s’il pouvait y visiter aussi les églises, j’ai répondu qu’on n’entrera pas dans un lieu de culte qui nous est interdit au titre de Avoda Zara, comme une église.
Et que peut-être que l'interdit serait discutable pour l'église Saint-Maurice qui a été désacralisée mais, au même titre que toutes les nombreuses autres églises de Venise (qui sont anciennes de plusieurs siècles), cet endroit m'inspire tout sauf du respect et de l'extase, car ces bâtiments ont aussi abrité des criminels antisémites et barbares, qui ont torturé et massacré nos ancêtres avec une cruauté rarement égalée et c'est parfois au sein même de ces bâtisses que se regroupaient ces impies.

Comment pourrais-je admirer leur structure, leur architecture, voire même leur simple façade, quand je sais que, dans les pays d’Europe (et pas seulement en Italie), l'image de ces lieux terrorisait et hantait les nuits de tant de juifs innocents -dont mes ancêtres- durant des siècles.

Il n’y a pas à "en vouloir" à leurs descendants ni aux actuels fidèles de ce culte, qui n'y sont pour rien, aussi, on ne peut pas se sentir ennemi de personnes uniquement à cause d'une animosité à l'encontre de leurs ancêtres.
Les chrétiens (pieux) sont nos frères, ainsi que tout humain qui cherche à se parfaire et être juste et droit. Mais pour ce qui est de ces anciens bâtiments, il s'agît bien des mêmes églises, elles n'ont pas bougé...

Donc même sans parler de Halakha, lorsqu’on voit une vieille église à Venise, plutôt que de vouloir y pénétrer, ce qui doit nous habiter c’est un sentiment de mépris et d'injustice, mêlé de compassion pour toutes les victimes trucidées durant des siècles par le christianisme.
Même si ces églises ont assurément -aussi- abrité, à différentes époques, des gens pieux et sincères (et que, de nos jours, la religion chrétienne est une religion de bonté et de justice), il est difficile d’oublier l’aspect criminel que rappellent ces bâtiments par leur passé.

Ainsi, même un représentant du culte (juif) qui obtient un Heiter pour pénétrer dans une église, si elle est ancienne, il ne doit pas oublier qu’en parallèle de l’aspect Halakhique pour lequel il a obtenu une dérogation, le lieu lui-même reste un rappel de tant d’injustices et de crimes dirigés contre les juifs (et autres).

D.ieu merci, le christianisme a (enfin) ouvert les yeux après des siècles de crimes odieux perpétrés par millions (tout en se targuant d’être la religion de l’amour !), je suis convaincu que les fervents chrétiens parmi nos contemporains seraient tétanisés s’ils savaient tout le mal qui a été fait sur terre au nom de leur religion (généralement, ils ne sont même pas au courant de 10%).

Baroukh Hashem c’est derrière nous, fasse D.ieu que toutes les religions sachent se corriger et que la recherche de justice et de vérité anime les hommes, toujours dans le respect des autres.
mortdesidees
Messages: 105
J'attire votre attention sur la réponse qu'a donné le Rabbin Ernest Guggenheim au Grand rabbin Edmond Schwob, alors rabbin de Haguenau
http://judaisme.sdv.fr/synagog/basrhin/g-p/haguenau/schwob/souv.htm.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6339
Citation:
J'attire votre attention sur la réponse qu'a donné le Rabbin Ernest Guggenheim au Grand rabbin Edmond Schwob, alors rabbin de Haguenau
http://judaisme.sdv.fr/synagog/basrhin/g-p/haguenau/schwob/souv.htm.


Merci pour votre contribution, hélas votre lien me donne ceci:
The requested URL /synagog/basrhin/g-p/haguenau/schwob/souv.htm. was not found on this server.

Auriez-vous l'obligeance de retranscrire à votre manière les éléments constituants de cette réponse, afin que nous puissions en prendre connaissance?

De manière générale, je préfère que l'on me retranscrive excatement ce qui nous concerne plutôt qu'indiquer un lien qui me demanderait de tout lire pour tenter de comprendre la motivation de celui qui envoie le lien.

Merci.
rav a s
Messages: 29
Je me suis vraiment délecté de votre réponse phénoménalement enrichissante et vraiment structurée, hazak !

Pour ce qui est du lien erroné, il me semble qu'il faut juste retirer le dernier point.

Cordialement
juif
Messages: 72
Bonjour
Je pense qu'il faut enlever le dernier point du lien, ca donne : http://judaisme.sdv.fr/synagog/basrhin/g-p/haguenau/schwob/souv.htm
Cordialement
nahouto
Messages: 27
Shalom,

voilà le bon lien
http://judaisme.sdv.fr/synagog/basrhin/g-p/haguenau/schwob/souv.htm
et le texte auquel fait probablement référence mortdesidees :

[quote]
A l'occasion du 11 novembre et du 14 juillet, la Municipalité demandait un service religieux, alternativement dans l'un des quatre lieux de culte, deux églises catholiques, le temple protestant et la synagogue. Devais-je me rendre dans les églises et au temple tout comme les prêtres et le pasteur venaient chez nous ? A Saint-Louis, je m'en étais abstenu, mais c'était plus facile : trois cérémonies religieuses se succédaient et les autorités locales se rendaient de l'une à l'autre. La réticence était profonde en moi. Peu après la Libération, à Doyet, le village de l'Allier où ma famille était réfugiée, on enterra un maquisard qui avait finalement succombé à ses blessures. Tous les enfants des écoles suivaient le cortège funèbre, chacun portant une fleur. Arrivé devant l'église, je restituai la mienne à l'institutrice en déclarant que moi, je n'entrais pas. Quelque temps plus tard, le 8 mai 1945, je me suis tout de même allègrement joint à tous les gamins qui, pendant des heures, sonnèrent les cloches pour célébrer la fin de la guerre ! Le petit garçon devenu rabbin de Haguenau, ne sachant comment sortir du dilemme face auquel il se trouvait, écrivit à son maître, le grand rabbin Ernest Gugenheim qui lui répondit, le 4 novembre 1965 :
"Ta question est embarrassante car ce n'est plus une question de Halakha (loi), mais de Minhag haMaqom (usage local). En général, en Alsace, les rabbins évitaient d'entrer dans les églises. Je sais que c'était en tout cas la pratique de Papa (le grand rabbin Max Gugenheim). Si Joseph Bloch y allait, il est difficile de faire autrement. Le Issour (interdiction) si Issour il y a, consiste à se découvrir en honneur de leur divinité."
Suite à cette lettre, je me suis résigné. Quand un dimanche, on consacra une nouvelle église dans un quartier récemment construit à quelque distance du centre ville, je fus bien sûr au nombre des invités. M'étant renseigné quant à la durée de la cérémonie, j'avais appris que celle-ci prendrait près de trois heures. Cela m'arrangeait bien ... car j'avais ce même jour une "pose de matseive" à Brumath, à une quinzaine de kilomètres. Partout, nous disposons de sept jours par semaine pour mourir et de six pour être enterré ; mais, dans nos contrées, pour la pose de la pierre tombale, c'est toujours un dimanche ! M'étant placé en un endroit discret de l'église, je pus facilement m'éclipser, revenir avant que tout ne soit achevé et bien me montrer lors de la réception qui suivit.
[/quote]
mortdesidees
Messages: 105
D'accord. Je ne sais pas pourquoi le lien n'a pas fonctionné je vais tout de même le remettre
pour que chacun est la source:
http://judaisme.sdv.fr/synagog/basrhin/g-p/haguenau/schwob/souv.htm

Je vais maintenant copier le passage concerné ça vous évitera de tout lire (même si c'est intéressant par ailleurs).

Citation du Grand Rabbin Schwob:

"A l'occasion du 11 novembre et du 14 juillet, la Municipalité demandait un service religieux, alternativement dans l'un des quatre lieux de culte, deux églises catholiques, le temple protestant et la synagogue. Devais-je me rendre dans les églises et au temple tout comme les prêtres et le pasteur venaient chez nous ? A Saint-Louis, je m'en étais abstenu, mais c'était plus facile : trois cérémonies religieuses se succédaient et les autorités locales se rendaient de l'une à l'autre. La réticence était profonde en moi. Peu après la Libération, à Doyet, le village de l'Allier où ma famille était réfugiée, on enterra un maquisard qui avait finalement succombé à ses blessures. Tous les enfants des écoles suivaient le cortège funèbre, chacun portant une fleur. Arrivé devant l'église, je restituai la mienne à l'institutrice en déclarant que moi, je n'entrais pas. Quelque temps plus tard, le 8 mai 1945, je me suis tout de même allègrement joint à tous les gamins qui, pendant des heures, sonnèrent les cloches pour célébrer la fin de la guerre ! Le petit garçon devenu rabbin de Haguenau, ne sachant comment sortir du dilemme face auquel il se trouvait, écrivit à son maître, le grand rabbin Ernest Gugenheim qui lui répondit, le 4 novembre 1965 :

"Ta question est embarrassante car ce n'est plus une question de Halakha (loi), mais de Minhag haMaqom (usage local). En général, en Alsace, les rabbins évitaient d'entrer dans les églises. Je sais que c'était en tout cas la pratique de Papa (le grand rabbin Max Gugenheim). Si Joseph Bloch y allait, il est difficile de faire autrement. Le Issour (interdiction) si Issour il y a, consiste à se découvrir en honneur de leur divinité."
Suite à cette lettre, je me suis résigné. Quand un dimanche, on consacra une nouvelle église dans un quartier récemment construit à quelque distance du centre ville, je fus bien sûr au nombre des invités. M'étant renseigné quant à la durée de la cérémonie, j'avais appris que celle-ci prendrait près de trois heures. Cela m'arrangeait bien ... car j'avais ce même jour une "pose de matseive" à Brumath, à une quinzaine de kilomètres. Partout, nous disposons de sept jours par semaine pour mourir et de six pour être enterré ; mais, dans nos contrées, pour la pose de la pierre tombale, c'est toujours un dimanche ! M'étant placé en un endroit discret de l'église, je pus facilement m'éclipser, revenir avant que tout ne soit achevé et bien me montrer lors de la réception qui suivit."
yohab
Messages: 3
Il faut enlever le point après "htm". Le passage en question se trouve vers la fin.
SamuelB
Messages: 4
Bonjour Rav, c'est Emet leAmito ce que vous avez dit, vous avez trouver les mots justes, cela devrait être inscrit de partout dans le monde. Un objectif commun de justice et de vérité, ne pourrait que les amener jusqu'à D.

Bravo et Merci pour vos réponses précises et clairvoyante.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6339
A Juif et Yohab :

Merci, effectivement.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6339
A Nahouto :

Merci, effectivement.
Et surtout merci d’avoir ciblé le passage et de l’avoir retranscrit.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6339
A SamuelB :

Citation:
Bonjour Rav, c'est Emet leAmito ce que vous avez dit, vous avez trouver les mots justes, cela devrait être inscrit de partout dans le monde. Un objectif commun de justice et de vérité, ne pourrait que les amener jusqu'à D.
Bravo et Merci pour vos réponses précises et clairvoyante.


Merci pour vos compliments.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6339
A Rav a s :

Citation:
Je me suis vraiment délecté de votre réponse phénoménalement enrichissante et vraiment structurée, hazak !

Merci.

Citation:
Pour ce qui est du lien erroné, il me semble qu'il faut juste retirer le dernier point.

Bien vu. C’était ça.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6339
A Mortdesidees :

Merci pour la retranscription de cet intéressant témoignage.

Notamment ce qu’écrit Rav Ernest Gugenheim : « Le Issour… consiste à se découvrir en honneur de leur divinité ».

[Ce qui sous-entendrait que celui qui y entrerait en kipa (qu’il n’est pas nécessaire de retirer en ce lieu), c-à-d sans chapeau/casquette, éviterait le Issour. D’autres rabbins y voient d’autres problèmes qui ne seront pas résolus par l’absence de chapeau.]

Citation:
Je ne sais pas pourquoi le lien n'a pas fonctionné

Il semblerait qu’il y avait un petit point en trop, c’est ce qu’ont indiqué plusieurs internautes plus haut.

La Gmara Erouvin (13a) et Sotah (20a) nous dit qu’un Sofer qui ajouterait ou retrancherait une seule lettre pourrait engendrer de terribles dommages, et que Rabbi Méir craignait même une erreur d’un simple petit point qui pourrait faire s’intervertir un Dalet et un Reish.
Nous avons constaté ici aussi qu’un petit point en trop invalide tout 😊.

Le point s’avère donc capital, c’est aussi ce qu’on comprend de la Gmara Yoma (52a) qui parle de cinq versets ambigus au sujet desquels on aurait pu hésiter à placer le point (חמש מקראות בתורה אין להן הכרע).
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