On peut dire que la Tora, d’une façon générale, se méfie de l’institution monarchique.
Lorsqu’elle fixe, dans Devarim 17, 14 et suivants, les règles « constitutionnelles » que doit respecter un roi, elle les considère comme un pis-aller : « Lorsque tu diras : “Je mettrai un roi sur moi, comme toutes les nations qui sont autour de moi !”, tu pourras mettre sur toi un roi… » Sa façon de s’exprimer montre à l’évidence que Hachem ne souhaite pas que les enfants d’Israël se donnent un roi, mais il le leur permet, sous certaines conditions.
Plus tard, lorsqu’on voulut élever Gédéon et sa descendance à la dignité royale, il fit à ceux qui le sollicitaient une réponse qui correspond très exactement à la vision de la Tora : « Je ne dominerai point sur vous, et mon fils ne dominera point sur vous ; Hachem dominera sur vous » (Choftim 8, 23).
De même plus tard encore, à l’époque du prophète Samuel, les enfants d’Israël insistèrent auprès de celui-ci pour qu’il leur donne un roi. Il leur répondit dans des termes presque identiques à ceux utilisés dans la Tora, insistant au passage sur les périls multiples auxquels ils s’exposaient (I Samuel 8, 5 et suivants).
On peut donc dire que le peuple juif a été, à certaines époques, gouverné par un roi, mais que cela a toujours été sous certaines conditions (pas toujours respectées).
Si l’on se réfère à la terminologie constitutionnelle moderne, il faut convenir que le roi juif dispose de pouvoirs absolus, y compris le droit de vie et de mort sur ses sujets rebelles.
Il n’existe pas, en effet, de contre-pouvoir institutionnalisé chargé de maintenir le souverain dans le respect de ses devoirs. La seule exception réside dans la compétence donnée au grand Sanhédrin de déclarer une guerre « facultative » (Michna Sanhédrin 1, 5).
Ni le kohen gadol, ni le Sanhédrin n’ont le pouvoir de s’opposer au roi.
Il n’existe qu’un seul contre-pouvoir : celui que détient le prophète. Ce pouvoir du prophète n’est l’objet d’aucune réglementation, de sorte qu’il il ne peut s’exercer que s’il est soutenu par une autorité morale totalement respectée par le souverain.
On en trouve de nombreuses illustrations de cette influence du prophète :
Le règne de David a été illustré par Gad et par Nathan, qui ont souvent morigéné leur souverain, et ce dans des termes parfois très durs.
La fin du règne de Salomon a été marquée par le soutien apporté par A‘hia ha-chiloni à celui qui allait devenir l’instrument du partage de son royaume entre celui du nord et celui du sud.
Le prophète Elie est souvent intervenu, parfois avec succès, auprès d’Achab, roi d’Israël.
Isaïe a souvent conseillé le roi Ezéchias, par ailleurs son gendre.
Quant à Jérémie, il a assisté impuissant, malgré ses remontrances au roi Sédécias, à l’écroulement de la monarchie davidique et à la destruction du premier Temple.