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Monter sur une table

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Yoelish
Messages: 61
Bonjour

Peut-on mettre un enfant sur une table ?
Peut-on mettre ses pieds sur une table basse où parfois on mange ou on prend le café ?
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6311
Citation:
Peut on mettre un enfant sur une table ?


Techniquement, oui.

Halakhiquement, oui.

Moussariquement, c’est moins évident.

Nous trouvons une notion de « Shoul’han Domé Lamizbéa’h » comparant la table au Mizbea’h, notamment dans le Shoul’han Aroukh-Rama et ses commentateurs, mais on ne peut pas appliquer cette comparaison sans raison et sans discernement.

On nous justifie le sel du Hamotsi par cette similitude entre la table et le Mizbéa’h (O’’H §167), ou encore qu’il faille retirer (ou dissimuler) les couteaux durant le Birkat Hamazon (O’’H §180), et autres Halakhot comme ne pas tuer un pou en l’écrasant sur la table (Sefer ‘Hassidim §102 et Maguen Avraham §167, sk.13 -Je note que le Shaar Hatsiyoun sk.26 cite cette halakha aux nom des A’haronim et ne semble pas avoir vu le Sefer ‘Hassidim ?) -ou une autre bestiole (Kaf Ha’haim §167, sk.41), tout ce qui est répugnant (Aroukh Hashoul’han §167, 12 et voir Sidour Harav, début du Shaar Birkat Hamazon).

Mais il ne faut pas abuser de cette comparaison en croyant naïvement -tel un Am Haarets, que c’est cette comparaison qui serait à l’origine de ces décisions.

La comparaison ne vient que pour donner une assise à une conduite, à un Minhag établi ou une Halakha voulue (pour une autre raison).

Sans quoi (=s’il fallait comprendre que c’est la comparaison elle-même qui est créatrice de Halakhot et donc à l’origine de ces habitudes et interdictions), nous pourrions pousser le ridicule jusqu’à interdire de mettre du miel à table sous prétexte qu’on n’offrait pas de miel sur le Mizbéa’h !

Imaginez un peu les absurdités auxquelles ce raisonnement pourrait nous mener et quelle tête aurait notre soirée de Rosh Hashana si on devait supprimer la pomme dans le miel ?

Certains en tomberaient dans les pommes, et tous seraient paumés, assurément.

C’est un peu comme les Guematriot, ça n’a pas de force créatrice de Halakhot, ça ne peut que donner une assise et un Rémez à une notion établie (par ailleurs/pour une autre raison).
On retrouve une idée par une Guematria, mais on n’en crée pas.
[Voyez ici :
http://www.techouvot.com/guematria-vt13990.html
et la suite en page 2 :
http://www.techouvot.com/suivante-vt13990.html?postdays=0&postorder=asc&start=15 ]

Celui qui s’aventurerait à décréter de nouvelles lois en se basant sur une similitude de valeurs numériques, ouvrirait la porte à une dérive complète du judaïsme et créerait en fait une nouvelle religion.
Car, avec une guematria, on peut tout dire et son contraire -comme nous avons déjà eu l’occasion de le montrer [assez récemment ici :
http://www.techouvot.com/le_lien_entre_ich_milhama_et_la_lettre_daleth-vt2966.html
et sur d’autres fils aussi.]


Il en va de même avec « Shoul’han Domé Lamizbéa’h », il est évident que ce n’est pas une notion créatrice de lois (pour devoir interdire de mettre du miel à table et autres absurdités), sinon nous ne pourrions pas manger de viande, sous prétexte que nous sommes en dehors du périmètre géographique pour le Mizbéa’h (Maalé et Okhel be’houts). Et depuis quand fait-on des libations avec du Coca ?
Bref, c’est une ineptie qui ne mérite pas que nous y consacrions plus de temps.

On ne trouve pas dans les anciens Poskim un interdit de monter sur une table, de s’y asseoir ou d’y déposer un enfant.
C’est seulement dans les dernières générations que l’idée s’est présentée (chez les Poskim).
Voilà pourquoi il est difficile de parler d’un Issour.

Cependant, l’idée de ne pas monter sur une table n’est pas comparable à un interdit d’y mettre du miel. Elle est plutôt comparable -à mes yeux- à l’interdit d’y écraser un pou.
C-à-d que j’y vois un problème d’hygiène (plutôt qu’un manque de Kavod envers la table comme il est habituel d’entendre, voir Rivevot Ephraïm III, §486) ; celui qui monte sur une table avec ses chaussures y dépose des saletés et c’est répugnant lorsqu’on sait qu’on va manger sur cette même table.
C’est la raison de l’interdit d’écraser un pou, bien que présentée sous la comparaison au Mizbéa’h, la raison profonde est hygiénique (-voire prophylactique) (sans exclure d’autres raisons mystiques -pour le plus grand plaisir de nos kabbalistes en herbe, je dis juste qu’au niveau du Pshat, la réelle raison est hygiénique, tout comme la netilat Yadaïm matinale qui est une Takana hygiénique selon le Pshat, sans que cela vienne exclure d’autres raisons mystiques).

Ainsi, monter sur une table (et parfois même simplement s’y asseoir) n’est pas souhaitable.

Vu sous cet angle, vous comprendrez qu’il y ait différents niveaux de « gravité » entre celui qui monte avec ses chaussures ou seulement en chaussettes ou sur ses genoux, si on mange à même la table ou si on y met systématiquement une nappe avant le repas, s’il y a des aliments à table au moment où on y monte ou non, si on s’y tient debout ou l’on s’y assoit légèrement sur le bord, s’il s’agît d’un adulte ou d’un bébé, si ce bébé est propre ou s’il faut le changer, si on y dépose la nourriture à même la table ou toujours dans des assiettes, etc…
(Fut un temps, il était habituel de manger sur la table directement, sans assiette. Le Shaagat Arié, étant encore assez jeune était très pauvre et possédait une table en bois creusée par endroits en guise d’assiettes à soupe qu’il ne possédait pas.
Comprenez donc que dans ces conditions, monter sur la table prend tout de suite une autre allure et en écœurerait plus d’un. C’est dérangeant et choquant, on appelle ça « mettre les pieds dans le plat ».)

Le Rivevot Ephraïm (VI, §95) -au nom de Rav Zilberberg- cite le Shoul’han Hatahor (du Rav Aharon Roth) qui interdit (sans y apporter de source) de monter ou de s’asseoir sur une table, ou d’y déposer un enfant et ce, en raison de Shoul’han Domé Lamizbéa’h.
Il ajoute qu’il y aurait une « sakana » (spirituelle) en cela.

Le Rivevot Ephraïm, quant à lui, ajoute tout de même qu’il semblerait qu’il y ait lieu de se montrer souple si c’est dans le cadre d’un Sim’ha, ce qui nous indique déjà qu’il ne s’agit pas ici d’un « issour » halakhique, mais d’une recommandation moussarique.

On considère que la plus ancienne source serait ce Shoul’han Hatahor.

En fait l’idée se trouvait déjà écrite bien avant dans le Yossef Omets (§64), de Rav Yossef Yuzpe Hahn (1570-1637), au nom du Sefer ‘Hassidim.
Toutefois, la lecture de ce dernier (§920) laisse entendre que l’interdit/le problème ne concerne pas une table sur laquelle on mange uniquement, mais c’est parce que la table dont il y est question servait aussi de table d’étude et qu’on y déposait les Sfarim.
Alors que le Yossef Omets, après avoir interdit pour la table d’étude (Shtender), ajoute que le Sefer ‘Hassidim interdit aussi pour la table où l’on mange. Ce qui me semble donc inexact.
Il y est question du Kavod des Sfarim et non du Kavod de la table. (La plus ancienne source serait donc le Yossef Omets et non le Sefer ‘hassidim.)


[Au passage : le Piskei Tshouvot (§167, note 52) indique comme source le ‘Hida dans Yossef Omets §64.
Je crois qu’il a vu cette référence dans le Mekor ‘Hessed (de R.R. Margulies) sur le Sefer ‘Hassidim (§920) qui indique le Yossef Omets §64, mais il (le Piskei Tshouvot) a ajouté de lui-même que ce livre serait du ‘Hida.
Il est vrai qu’un des livres (Shout) du ‘Hida porte ce nom, mais il ne parle pas du tout de ce Sefer ‘Hassidim ni de l’interdit de monter sur une table. C’est de l’autre Yossef Omets dont il est question et le Piskei Tshouvot aurait mieux fait de se contenter de copier la référence sans y ajouter le nom de l’auteur, il aurait ainsi évité une erreur.]


Il y a une histoire connue sur Rav Moshé Feinstein, un petit enfant était monté sur la table en sa présence pour y faire le mariole et son père s’est emporté et l’a admonesté pour cette grosse bêtise.
Le rav lui dit qu’il n’y avait pas de quoi en faire une maladie.
Le père interloqué rappela qu’il agissait pour l’éducation (le ‘hinoukh) de son fils.
Le rav lui répondit que le but du ‘Hinoukh était de faire en sorte qu’une fois adulte, il sache se comporter, or, rare sont les adultes tentés de monter sur une table pour faire le mariole en se ridiculisant.

Il y a beaucoup de choses dans cette histoire.
Il est possible que le rav souhaitait calmer le père par pitié pour l’enfant, ou encore pour ne pas que le père lui-même se sente mal à l’aise.
Mais l’argument en soi ne semble pas très sérieux car s’il est vrai que la tentation de l’adulte sera rarement de faire ce type de bêtise, il se sera tout de même habitué étant enfant à laisser libre cours à ses envies extravagantes, ce qui ne manquera pas de s’exprimer -certes d’une autre manière- à l’âge adulte aussi.

En tout cas, il n’a pas été question de Shoul’han Domé Lamizbéa’h.



Quant à votre seconde question :
Citation:
Peut on mettre ses pieds sur une table basse ou Ca nous arrive de prendre le Cafe ou Meme d'y manger parfois?


Vous comprendrez qu’en fonction de ce qu’on a expliqué plus haut, le statut d’une table basse est quelque peu différent de celui d’une table classique, car généralement, elle ne sert qu’à déposer des tasses/verres ou un bol de pistaches etc. (jamais la nourriture n’y serait déposée directement.)

Par contre, elle est souvent moins solide qu’une table et si la Sakana spirituelle semble écartée ou presque, la Sakana tout court semble décuplée.
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