Techouvot.com

La réponse de qualité à vos questions

Où s'arrête la réalité d'un Midrash

Voir le sujet suivant Voir le sujet précédent
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet
Avrad10
Messages: 26
Bonjour

Il existe beaucoup de Midrashim qui assez souvent vont donner des éléments qui paraissent hors normes. Exemple: La minuscule taille de Pharaon vs La taille de Moché rabénou (dépassant le record du plus grand homme de monde qui est de 2,72 m); l'âge de 3 ans de Rivka au moment de se marier à Itshak; la queue qui a poussé sur Vachti; etc...
Parce que la vérité, c'est que parfois j'ai l'impression que les contes de fées ne sont que pâles copies de ce que l'on retrouve dans Hazal.
Quelle est la limite à s'imposer entre la réalité et l’exagération et quels sont les outils (ou règles) pour expliquer le message que véhicule ces exagérations ?
Et est-ce que les Psoukim qui donnent cette impression sont à traiter de la même manière Ex: Devarim 3,11 où Og meleh' Habachan mesure environ 4,5m et 2m de large; Berechit 29,10 lorsque Yaacov déplace une pierre comme un bouchon de bouteille alors qu'il faut "tous les bergers" (29,3) pour la déplacer ?

Cordialement
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6813
Voyez ce lien :
http://www.techouvot.com/gouzma_de_hazal-vt8026592.html
j’y ai répondu concernant la queue de Vashti ainsi que de manière générale sur les Midrashim étranges.
(vous verrez qu'il y a de quoi lire...)

Pour ce qui est des exagérations fréquentes dans les Midrashim , voyez aussi ceci :
http://www.techouvot.com/le_midrash-vt8027269.html

Les mensurations extraordinaires que nous trouvons dans les Midrashim concernant certains personnages bibliques, ne sont pas à prendre au premier degré.

Toutefois, comme vous mentionnez 2,72m comme le record inégalé –de Robert Wadlow- je précise tout de même que la taille de Goliath -6 Amot et 1 Zéret- donnée par la Bible (I Samuel, XVII, 4) n’est pas à comprendre comme une exagération. Goliath dépassait M. Wadlow.

Pour ce qui est de Og, roi du Bashan (Dvarim III, 11), il s’agît des dimensions de son lit, il était donc nécessairement plus petit [-bien que du Yalkout Hamakiri (Amos II, 9 http://www.hebrewbooks.org/pdfpager.aspx?req=32635&st=&pgnum=11 ), il semble étrangement que ce soit réellement sa taille].

Toutefois, sa hauteur devait dépasser les 3m, voire peut-être s’approcher des 4 mètres…
Il ne faut pas s’en étonner outre-mesure, personne n’aurait cru non plus à l’existence d’un type mesurant 2,72m n’était-ce la diffusion (par des photos et des journaux) de la taille de ce géant.

Mais vous noterez au passage, que le Midrash qui indique que Moshé était tout petit face à Og Melekh habashan, nous permet de « prouver » que lorsqu’il indique 10 coudées (~5m) pour la taille de Moshé, ce n’est pas à prendre au mot, il s’agît d’une « façon de parler » et il y a une idée « cachée » derrière ces mots.

Pour Yaakov qui déplace la pierre, ce n’est pas forcément une exagération et ça n’est pas non plus absolument incompréhensible.
Il était fort, voilà tout.
Ajoutez à cela sa conviction et volonté d’agir, ça peut faire l’affaire et être plus efficace que quelques (très) jeunes bergers sans motivation.

Parfois on s’affole d’un texte et on l’imagine extraordinaire et mystique en raison de notre habitude d’autres textes qui sont assurément étranges, mais il faut savoir relativiser et tenter de comprendre « al pi pshat ».

Vous demandez enfin :
Citation:
Quelle est la limite à s'imposer entre la réalité et l’exagération et quels sont les outils (ou règles) pour expliquer le message que véhicule ces exagérations ?

Pour ce qui est de la « limite » : pour ce qui semble étrange mais se trouve écrit dans les versets, en principe, c’est vrai historiquement [sauf pour ce qui entre dans les 4 catégories dont parle Rav Saadia Gaon (référez-vous à son Emounot Vedéot, Maamar VII)].

Pour ce qui se trouve dans les Agadot et Midrashim, la limite c’est le bon sens.

Bien entendu, les « petits Midrashim » ne sont pas supposés nous renseigner sur des faits historiques, mais même les « grands midrashim », ou Midrashim classiques, comme le Midrash Raba et le Midrash Tan’houma, sont majoritairement composés d’informations qui ne se veulent pas historiques (mais moussariques/etc. –reportez-vous à mes messages indiqués par le lien plus haut).

La différence qui subsiste entre un texte midrashique cité dans le Talmud et un texte midrashique n’y apparaissant pas, c’est que le premier est plus digne de confiance et d’intérêt, il n’aurait pas été retenu dans le Talmud s’il ne comportait pas un Rémez à une notion moussarique ou Hashkafique.
Tandis qu’un Midrash ne figurant pas dans le Talmud, ne mérite pas forcément/systématiquement notre réflexion approfondie.

C’est ce qu’écrivent rav Shrira et rav Hay Gaon à ce sujet. Cf. Sefer Haeshkol (Albeck, Jérusalem 1935, p.157) (ou dans l’éd. de 1868, ‘helek 2 p.47) et Otsar Hagueonim (‘Haguiga 14a, p.60), voir aussi la Hakdama du Menorat Hamaor.

R. Shmouel Hanaguid écrit –au sujet de la Agada- dans son Mevo Hatalmoud : אין לך ללמוד ממנה אלא מה שיעלה על הדעת
(Cependant, voir ce que précise Shir à ce sujet dans son Ner Mitsva p.6)

Tout ceci est très bref.

Pour le détail des « règles » et des clés nécessaires pour comprendre convenablement les Midrashim, je ne vois pas mieux que mon livre dont je parle (le cœur lourd) ici :
http://www.techouvot.com/gouzma_de_hazal-vt8026592.html
(vers le début de mon post du 27 mars 2017 et dans mon post du 8 mai 2017).

Par manque de temps, je ne me relis pas, désolé pour les fautes.
Avrad10
Messages: 26
Merci pour votre réponse et le temps que vous y avez alloué.
Je voulais juste revenir sur Og car le passouk (devarim 3,11) cite "Béamat Ich" et Rachi sur place dit "Béamat Og" ce qui veut exclure la "ama" d'un homme lambda. Voir Siftei Hahamim Hakatsar sur place qui ramène le Minhat Yéhouda (Rav Yeouda leib Aylinbourg de Brisk) et rapporte la guemara dans brahot 54b parlant du midrash où Og déracine une montagne de 3 parsaot de haut (soit environ 11,5 km) et que c'est pour cela que forcement il était immensément grand.
Comment expliquer ce Rachi ? Comment expliquer cette entêtement à vouloir prendre au sens littérale ces exagérations au point d'y voir une justification de sa taille réel, on parle pourtant d'un commentaire courant sur le Houmach ? Et le midrash de la montagne avec les fourmis et les dents qui poussent à quoi tout cela rime ?
Pour ce qui est du post précédent vous n'avez pas parlé de l'âge de Rivka (se pourrait-il être en rapport avec vos détracteurs ?)
Cordialement
david123
Messages: 24
Pour Og et Moshe je viens d'avoir une preuve à vous soumettre.
Dans berakhot debut chapitre 9
Une brayta a l'air de savoir qu'il existe bien la pierre soulevée par Og, et qu'on fait che'assa nissim avec chem oumalkhout dessus!

Or selon la guemara juste après la pierre en question fait 3 parsa, ce qui implique que le talon de Og faisait 30 amot, ce qui implique la taille de Moshé, kemachmao.

C'est surtout Og qui atteint des proportions inhumaine avec un talon de 30 amot, il faudrait faire une règle de 3.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6813
A Avrad10 et David123 :

Je vous prie de réfléchir un moment et de me dire sincèrement si vous vous rendez compte de ce serait la taille de géant s’il fallait prendre ces textes à la lettre.

Si on dit qu’il a « déraciné » une montagne de 3 parsaot (=+ou- 12km selon les shitot) et que cela nous sert d’étalon de mesure pour sa taille, imaginez-vous face à une montagne de VOTRE taille, pensez-vous pouvoir la déraciner ? non bien entendu.
Même si elle ne faisait que la moitié de votre taille, ça paraît invraisemblable.

On va dire que vous pourriez déraciner une « montagne » (-disons un monticule) qui atteint une "altitude" correspondante à un quart de votre taille.
Prenons l’exemple d’un homme d’1,80m qui pourrait donc déraciner une « montagne » haute de 45 cm (et encore, il faudrait qu’il soit drôlement musclé).

Cela nous donnerait donc pour Og (qui déracine une montagne de 12km), une taille approximative de quelques 48km de haut (-je vous laisse deviner sa pointure en mocassins).

Il aurait donc déraciné une montagne haute de 12000m -sans oublier que l’Everest fait seulement dans les 8850m, et rien ne vous choque ?

Pensez déjà au froid qu’il fait déjà en haut de l’Everest (à 8850m d’altitude).
A 10km d'altitude il fait dans les -50°C !
Og devait avoir froid aux mollets !
Rien que d’y penser, ça glace le sang.

Il se trouve qu’à 48000m, la température est un peu plus « supportable » (que plus bas ou plus haut), mais en ayant les jambes gelées, il n’irait pas loin.

Et pour ce qui est de respirer à 48km d’altitude, ce n’est pas une partie de plaisir, c’est l'hypoxie garantie certainement déjà bien avant.
Og serait donc mort en pleine croissance, avant d’atteindre sa taille extraordinaire qui lui permet de déraciner des montagnes.

Bref, on nage en plein délire.
J’espère que vous vous en rendez compte.

Quant au talon de 30 amot, vous (David123) écrivez , je cite : « la pierre en question fait 3 parsa, ce qui implique que le talon de Og faisait 30 amot », je ne vois pas le rapport, en quoi ceci implique cela ?
Par contre, vous devez être arrivé à la conclusion de 30 amot pour son talon car la Gmara raconte que Moshé faisait 10 Amot, avait une lance de 10 Amot et a fait un bond de 10 Amot de haut pour atteindre Og à la cheville.
Donc sa cheville était (approximativement) à 30 Amot de haut.

Vous comprenez déjà que cela ne colle pas du tout avec le profil du géant dont nous parlions et dont nous calculions la taille en fonction de la montagne qu’il pouvait « déraciner ».
Si on considère que la cheville d’un homme de 1,80m est à peu près à 10cm de haut, c’est donc à 1/18 de sa taille.
Si celle de Og était à 30 Amot, soit ~15m, il devait mesurer « seulement » dans les 270m.
Comment voulez-vous qu’un tel nain puisse déraciner une montagne haute de 12000m, soit plus de 40 fois sa taille?
Vous imaginez-vous déraciner une montagne de 70 ou 75 mètres de haut ?

C’est justement l’étonnement souligné par le Siftei ‘Hakhamim en question (si Og ne mesurait que 8 –ou 9- Amot, comment déraciner une si grande montagne ?).
Mais si on dit que les 9 Amot (de la taille de son lit dans Dvarim III, 11) sont des Amot de Og, c’est que c’était une sorte de tyrannausore aux bras bien trop courts pour sa taille !

En principe, un lit correspond à une longueur de 4 Amot de la personne qui y dort, pas 9.
De plus, quel serait l’intérêt du renseignement donné dans le passouk si l’on mesurait Og avec un étalon qu’on ne connaît pas par définition ?
Quand on nous donne le repère de 9 Amot, si l’on parle de Amot classiques, ça a un sens, mais s’il s’agît de Amot de Og –dont on ne connaît pas la taille (ni la taille de sa Ama), à quoi bon ?
Uniqument pour nous dire qu’il était « Baal Moum » et difforme?

Voir d’ailleurs le Ibn Ezra (Dvarim III, 11) qui s’étonne de ce commentaire (de ce qu’écrit Rashi, sans le nommer)
(Le Mizra’hi semble ne pas avoir pleinement décelé la difficulté pointée par le Ibn Ezra).

Le Ramban aussi commente comme Rashi.
C’est fort étrange.

Le Targoum Onkelos traduit « en Ama royale », difficile de savoir ce qu’il veut dire, peut-être que le roi dont il parle est Og lui-même.
C’est ainsi que le comprend le Piroush Yonathan, qui veut accorder Onkelos avec le Targoum (pseudo-)Yonathan.

Le Sforno arrange un peu l’affaire en expliquant autrement : 9 Amot en Amot des Refaïm.
Mais cela ne nous épargnera pas toutes les difficultés.

Quant au Rashbam, il explique que ce n’est pas la taille de son lit, mais de son berceau (Voir aussi Netsiv et Haktav Vehakabala).
Il aurait donc encore grandit.
Malgré tout, là encore, on n’échappera pas à toutes les difficultés mentionnées.

Le Ralbag, lui, explique (comme le Ibn Ezra) qu’il s’agît de Amot classiques et que Og mesurait donc 6 ou 7 Amot ou un peu plus, car le lit est généralement plus grand que l’homme qui y dort.
Il souligne bien que cela pourrait paraître contradictoire avec la Gmara Brakhot (54b), mais nous dit qu’il faut savoir que ce n’est pas cela que les Sages voulaient dire dans la Gmara, comme il l’a expliqué dans son commentaire sur Brakhot.

Ce qu’il dit correspond parfaitement à la position du Rambam dans Moré Nevoukhim (II, §47) qui nous dit qu’un lit est généralement plus grand que l’homme qui y dort d’un tiers de sa taille ( !) donc Og devait mesurer 6 Amot ou un peu plus, ce qui n’en fait qu’un homme deux fois plus grand que les autres, c’est certes rarissime, mais pas impossible.

Le Rambam écrit clairement qu’il ne s’agît pas d’Amot de Og, mais de la taille classique.

Voir encore le Abrabanel (Dvarim p.31 en bas).
[Et au passage, j’indique que je n’ai pas trouvé les 2 Midrashim qu’il cite au nom de Dvarim Raba. Le second se trouve dans le Yalkout Hamakiri (Amos II, 9) et le premier est contredit par le Pirkei DeRabbi Elizer (§23)]


[Concernant ce qu’écrit le Rambam qu’un lit est généralement plus grand que l’homme qui y dort d’un tiers de sa taille, c’est assez étonnant.

Force nous est d’admettre que ça devait être l’habitude à son époque, mais il y a lieu de se demander à quoi bon ?
Pourquoi cette perte de place et de matériaux sans raison ?

De nos jours un lit n’est pas si long.
Je crois que le lit standard mesure 2m de long (voire un peu moins), mais la taille moyenne d’un homme n’est pas 1,50m.

Et encore, lorsqu’on fabrique des lits, des matelas et des draps en usine, on est bien forcés de se caler sur une taille assez grande pour que la majeure partie de la population y trouve son compte, mais à une époque où chaque lit était construit « sur mesure » (ou du moins « au cas par cas »), pourquoi gaspiller cet espace et ces matériaux ?
La question est d’autant plus perturbante pour Og, où il semble évident que son lit ait été confectionné spécifiquement pour lui.
Mais peut-être qu’il y avait un intérêt à faire paraître Og encore plus grand que ce qu’il n’était, à l’aide d’un lit géant ?
En tout cas, les lits au XVIIIème et XIXème siècle, étaient assez courts et étroits.
Ceux du Moyen-Âge ne sont pas une preuve formelle, car –dit-on, les gens dormaient souvent en position plutôt assise, mais les lits du XVIIIème siècle restent très étriqués.
J’ai vu aux Etats-Unis une petite maison (dans une prairie), restée telle qu’elle l’était au XIXème siècle et j’ai été frappé par la taille des lits des parents et celle de l’escalier qui permettait aux enfants de grimper au grenier.]


Voir encore le Rosh, le ‘Hezkouni et le Bekhor Shor qui proposent une lecture originale de notre Passouk, il ne s’agirait pas du lit de Og, mais de son camp (Eres = Mivtsar) dont les murailles étaient solides comme du fer et mesuraient 9 Amot de haut…


Bref, ce texte de Gmara n’est pas à prendre littéralement, les ‘Hazal veulent faire passer un message mais ne souhaitent pas qu’il soit accessible à tout lecteur, voilà pourquoi ils ont quelque peu voilé et dissimulé ce message derrière de telles exagérations que le lecteur sensé saura ne pas prendre à la lettre.

S’ils n’ont pas souhaité dire les choses explicitement, vous ne m’en voudrez pas si je ne vous explicite pas tout dans les détails, je peux néanmoins vous indiquer quelques adresses pour tenter de mieux comprendre cette Gmara.

Voyez :

Le Akeidat Its’hak (‘Houkat, Shaar 81, daf 98b)

Le Maharal dans Gour Arié (Bamidbar XXI, 35) et aussi Netsa’h Israel (§V, p.24) et ‘Hidoushei Agadot (sur Zva’him daf 113a) et Beèr Hagola (§V, p.99)

Rabeinou Be’hayei (Bamidbar XXI, 34)

Ben Yehoyada (Brakhot 54b)

Rashba (dans Ein Yaakov –Brakhot 81b) et dans ses Piroushei Agadot (p.58-61)


Voir aussi Maharsha et Tsla’h (Brakhot 54b)

Midrash Shlomo (p.88)

Kavanot Haagada Kaftor Vaféra’h (daf 29a)

Kour Lazahav (II, 56b)

Sefer Hatapoua’h (R. Yossef Alaskar) (p.39)

Kvod ‘Hakhamim (p.61)

Ein Aya (Brakhot §IX, 8)



Il y aurait encore beaucoup à dire sur le sujet de la compréhension des Agadot, où les Sages ont souvent appliqué une sorte de "revêtement" et d’écorce physique à un enseignement qu’ils ne souhaitaient pas dévoiler publiquement, il faut donc arriver à en comprendre l’idée.

Ceci étant dit, vous trouverez souvent chez Rashi ou Tosfot et autres Rishonim français et allemands (ainsi que chez quelques A’haronim Ashkenazes) qu’ils expliqueront une phrase en s’adaptant au revêtement présenté par les Sages.
C-à-d qu’ils vont aller jusqu’à poser des questions et proposer des réponses pour faire coïncider l’aspect extérieur de l’enseignement dissimulé avec une source qui semble le contredire.

Parfois, c’est parce que ces commentateurs avaient compris l’enseignement tel quel, sans se douter qu’il ne s’agissait que d’un « revêtement », mais d’autres fois, ils ont volontairement voulu adapter le « revêtement » même au Pshat.

Il y a fort à parier que le commentaire de Rashi dont nous parlons ici, s’inscrit dans cette seconde catégorie.

Eu égard à la longueur de ce message et au manque de temps, je ne me relis pas, en espérant toutefois que les erreurs qu'il comporte ne sont pas nombreuses et qu'elles n'en perturbent pas la lecture.


Dernière édition par Rav Binyamin Wattenberg le Mar 17 Décembre 2024, 9:53; édité 1 fois
'HozerImSheelot
Messages: 88
Bonjour cher rav Wattenberg

Vous mentionnez votre livre sur les aggadot. Peut-on se le procurer?

Si je peux me permettre de rebondir sur ce que vous écriviez, un phénomène différent a lieu dans les milieux éclairés, autrement dit ni fanatiques, ni abrutis: c'est l'intérêt des aggadot.
De nombreuses fois, leur sens est (totalement) obscur et le sens donné est celui du commentateur, comme les rêves, en gros; et pas très profond, si cela ne suffisait pas. De plus, les aggadot se contredisent les unes les autres.

Enfin, les ma'hlokot en aggadah sont très étranges (par ex. Rosh ha-Shana 10b-11a) et troublantes (parce qu'elles semblent infondées et mettent en péril (en les ridiculisant) la crédibilité des auteurs même en halakha (quand elles sont basées sur des drashot).

Merci d'avance.
Chana tova.
Avrad10
Messages: 26
Bonjour Rav,
Je me permets d'insister 4 ans après concernant l'âge de Rivka lors de son mariage qui est de 3 ans selon Rachi - qui est aussi en adéquation avec la guemara Nida 44b qui enseigne que l'âge minimum des kidouchin par les relations conjugales est de 3 ans. Bien qu'il y ait le seder olala rabah qui pense qu'elle avait 14 ans. Est-ce à prendre au sens littéral et donc accepter qu'à l'époque il y avait en effet un maturité physique et psychique beaucoup plus précoce qu'aujourd'hui selon vous ?

Merci.
David.elbilia
Messages: 4
Bonjour

Je reviens sur l'histoire de Og. Comment expliquez-vous que le Shoulhan Arouh siman 218 parle d'une brarha sur une vision de cette montagne dans un siman qui parle des miracles ?
Le Michna Beroura (s.k 5) parle clairement des mesure et dans le biour halaha il dit clairement que ce n'est pas étonnant.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6813
Il y a eu trois messages sur ce fil depuis mon dernier passage. Je réponds à chacun, mais avant cela je poste un ajout :

Plus haut j’écris que la taille de 10 amot de Moshé Rabénou est une Gouzma. Voir aussi Rabbi Avraham ben Harambam qui en dit autant dans son commentaire sur Shemot (2,2).
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6813
A HozerImSheelot:

Citation:
Vous mentionnez votre livre sur les aggadot. Peut-on se le procurer?

Non, il n’est pas terminé.
Je l’ai commencé, jamais achevé.
Il me semble que ce n’est pas sur cette page que je le mentionne, mais sur un autre fil. J’y explique aussi pourquoi je l’ai laissé en chantier.


Citation:
Si je peux me permettre de rebondir sur ce que vous écriviez, un phénomène différent a lieu dans les milieux éclairés, autrement dit ni fanatiques, ni abrutis: c'est l'intérêt des aggadot.
De nombreuses fois, leur sens est (totalement) obscur et le sens donné est celui du commentateur, comme les rêves, en gros; et pas très profond, si cela ne suffisait pas. De plus, les aggadot se contredisent les unes les autres.
Enfin, les ma'hlokot en aggadah sont très étranges (par ex. Rosh ha-Shana 10b-11a) et troublantes (parce qu'elles semblent infondées et mettent en péril (en les ridiculisant) la crédibilité des auteurs même en halakha (quand elles sont basées sur des drashot).

Il ne faut pas avoir la naïveté de croire que les auteurs du Talmud furent tous des niais de première classe.
Lorsque des gens intelligents et sensés racontent une fable qui parait absolument improbable ou parfaitement impossible, il faut comprendre qu’il s’agit d’une fable, d’une allégorie.
Comme les Fables de Lafontaine où il est exclu de croire que le corbeau et le renard aient réellement ainsi discuté.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6813
A David.elbilia:

Citation:
Je reviens sur l'histoire de Og. Comment expliquez-vous que le Shoulhan Arouh siman 218 parle d'une brarha sur une vision de cette montagne dans un siman qui parle des miracles ?
Le Michna Beroura (s.k 5) parle clairement des mesure et dans le biour halaha il dit clairement que ce n'est pas étonnant.


C’est une bonne question, mais elle ne se pose pas spécifiquement sur le Shoul’han Aroukh, il faut déjà la poser sur la Brayta dans Brakhot (54) qui annonce cette halakha.

Ce que rapporte le Shoul’han Aroukh de faire la brakha sur cette pierre ainsi que sur le passage dans la mer, la fournaise de ‘Hanania Mishael et Azaria, l’arène aux lions de Daniel, la muraille de Jéricho, etc. se trouve dans le Talmud et la question se pose par rapport à la pierre de Og, comme on peut aussi la poser par rapport à l’arène de Daniel ou la fournaise etc. dont on n’avait déjà plus aucun témoin à l’époque de ‘Hazal qui puisse les localiser. Qui donc pourrait faire la Brakha dessus ?

Il semble donc évident que ces exemples ont été donnés à titre indicatif, pour savoir sur quel type de miracles faire la Brakha (mais il n’y a bien entendu pas de nossa’h particulier pour chaque miracle, on dit Shéassa nissim laavoteinou bamakom hazé).
Si c’est ainsi, le défaut d’historicité de la montagne déracinée ne pose plus problème, il s’agit uniquement d’indiquer par des exemples connus ce que l’on considère un Ness par rapport à cette Brakha (quitte à prendre un exemple que l’on sait être une fable -et ça ne risque pas d’entrainer une Brakha levatala puisqu’il n’y avait déjà plus aucun moyen de pouvoir identifier ladite fournaise/arène/etc.).

Certes, le Rosh (Brakhot IX, §7) et le Smag (assin §27) cités par le Ba’h (o’’h §218) et par le Prisha (qui mentionne aussi son Rav, le Maharshal dans ses notes sur le Tour) indiquent qu’on fait cette brakha à la vision de toute fournaise, toute arène aux lions, etc. C-à-d pas seulement sur l’arène de Daniel qu’on aurait de toute façon bien du mal à localiser. D’après eux, il y a encore moins de difficulté, on parlerait de toute « grosse pierre », toute fournaise, etc.

Mais le Rambam ne suivant pas cet avis, le Ba’h et les A’haronim écrivent qu’on ne fera pas la Brakha beshem oumalkhout devant une autre arène que celle de Daniel.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6813
Quatrième et dernier message pour aujourd’hui sur ce fil :

A Avrad10:

Citation:
Je me permets d'insister 4 ans après concernant l'âge de Rivka lors de son mariage qui est de 3 ans selon Rachi - qui est aussi en adéquation avec la guemara Nida 44b qui enseigne que l'âge minimum des kidouchin par les relations conjugales est de 3 ans. Bien qu'il y ait le seder olala rabah qui pense qu'elle avait 14 ans. Est-ce à prendre au sens littéral et donc accepter qu'à l'époque il y avait en effet un maturité physique et psychique beaucoup plus précoce qu'aujourd'hui selon vous ?


Tant que rien ne nous oblige à l’admettre, a priori, un enfant de trois ans ne correspond pas au profil de Rivka telle que décrite dans les versets qui va puiser de l’eau et abreuver des chameaux toute seule.
Et que dire de l’envoyer à l’étranger pour aller se marier, et en se basant sur son avis ! Qui consulterait sa fille de trois ans pour ce type de choix ?

Il est donc fort probable que sur le plan historique, Rivka avait bien plus de trois ans, même si l’enseignement Agadique nous dit qu’elle avait trois ans, cela ne signifie pas l’âge qu’elle avait « historiquement » mais « Agadiquement ».
C-à-d que les sages ont voulu transmettre une information dissimulée en disant qu’elle avait trois ans, mais ils n’ont pas pensé -ni prétendu- que tel était son âge « biologique ».

[Comme je sais que certains vont faire des cauchemars si on leur dit que Rivka qui avait « 3 ans » était née depuis beaucoup plus de 3 ans à ce moment, j’ajoute tout de même qu’il n’est pas impossible d’imaginer une précocité extrême qui lui aurait permis de réagir et se comporter comme une adolescente (et en avoir aussi la force physique), et qu’elle aurait été appelée Naara par le verset justement parce qu’en dépit de son jeune âge elle se comportait comme une Naara. Mais décider que ce fut le cas de tous les enfants de trois ans à cette époque, ça non.]

L’opinion citée par Rashi fixant l’âge de Rivka à 3 ans, est celle de Massekhet Sofrim (§21,9), du Zohar (I, 136b) et du Seder Olam (§1) (contrairement à ce que vous citez au nom du Seder Olam. Une version classique du Seder Olam indique effectivement 14 ans mais ne correspond pas au calcul qui s’y trouve, il faut lire le contexte et on s’aperçoit tout de suite que c’est une erreur et que le texte d’origine portait sans doute un « 3 » au lieu du « 14 ».
Etrangement, le Daat Zkénim sur Bereshit (25,20) ne semble pas l’avoir remarqué et indique que d’après le Seder Olam elle avait 14 ans).

Mais selon d’autres Midrashim, comme le Midrash Hagadol (p.431), elle avait 14 ans.
Et de la Gmara Yevamot (61b) il ressort qu’elle avait plutôt 12 ans.

Douze et quatorze sont très probables pour l’époque et ne représentent aucune difficulté.
Trois ans semble improbable et le bon sens indique qu’entre ces textes contradictoires, si l’un d’eux doit être compris comme une image, une idée philosophique et non historique, il n’y a pas lieu de douter, c’est celui qui attribue à Rivka un âge improbable.

Voyez le Tosfot Yevamot (61b) qui cite les trois opinions et cite Rabénou Shmouel de Spire qui prouve qu’elle avait 14 ans. C’est aussi l’avis de Tosfot dans Daat Zkénim (Bereshit 25,20).

Le ‘Hezkouni (Bereshit 25,20), le Reèm (Bereshit 25,20) et le Nimoukei Harid (p.23) optent aussi pour dire qu’elle avait 14 ans.


Il existe une quatrième opinion, dans le Sefer Hayashar (Venise 1625, daf 49a) il est écrit qu’elle avait 10 ans.

[Cependant, je subodore là encore une erreur de copiste qui aurait oublié un mot; le texte en hébreu est : בת עשרה שנה היתה רבקה בימים ההם, tout porte à croire qu’il manque un mot dans בת עשרה שנה et qu’il faut ajouter בת ארבע עשרה שנה ou bien בת שתים עשרה שנה, car si c’est pour dire 10 ans, le Hé final de עשרה n’a pas lieu d’être, et on ne devrait pas dire שנה mais שנים.
Donc cette quatrième Shita n’existe peut-être pas. Le Seder Hadorot (I, 20d an 2088) la ramène pourtant sans émettre la moindre suspicion.]


En réalité, le verset lui-même (Bereshit 24,9) semble dire qu’elle n’avait pas trois ans mais plus, puisqu’il l’appelle « Naara », vocable utilisé dans la Torah pour une jeune fille de douze ans, pas de trois ans.

Le seul élément en faveur de la position de Rashi (qu’elle avait trois ans) est l’information du Midrash que Rivka est née au moment de la Akeida, or, ‘Hazal nous disent aussi qu’Its’hak avait 37 ans à la Akeida, et le verset atteste qu’il en avait 40 à son mariage, du coup on en comprend que Rivka n’avait que trois ans.

Cependant, il est possible d’interpréter l’idée selon laquelle Rivka serait née au moment de la Akeida comme étant « Lav Davka » ; il ne s’agirait pas de sa naissance, mais que la nouvelle de sa naissance leur serait parvenue, ou encore « naissance » signifierait l’accession à une certaine existence/notoriété, elle serait devenue grande (par exemple 9 ou 11 ans).
On dit dans Kidoushin (72b) que « lorsqu’est mort R. Akiva est né Rabbi, lorsqu’est mort Rabbi est né Rav Yehouda, lorsqu’est mort Rav Yehouda est né Rava et lorsqu’est mort Rava est né Rav Ashei »
כשמת ר"ע נולד רבי כשמת רבי נולד רב יהודה כשמת רב יהודה נולד רבא כשמת רבא נולד רב אשי
Et en raison de quelques difficultés liées à la compréhension littérale de ce passage, certains commentateurs disent qu’il ne s’agit pas de la naissance mais de « la naissance en tant que talmid ‘hakham », que « son soleil a commencé à briller ».

De plus, il faut savoir que l’information stipulant qu’Its’hak avait 37 ans à la Akeida est elle aussi discutée, certains commentateurs la tiennent comme étant une idée Agadique mais non historique.
Parmi eux, le Rambam, cité par son fils Rabbi Avraham dans son commentaire sur Bereshit (22,1), ainsi que le Ibn Ezra (Bereshit 22,4) qui suppose qu’Its’hak était bien plus jeune et avait en réalité près de 13 ans.
Du coup, s’il avait 13 ans et qu’il s’est marié 27 ans plus tard à l’âge de 40 ans, même en disant que Rivka serait née au moment de la Akeida, elle aurait déjà 27 ans à son mariage.

[L’opinion selon laquelle elle avait 14 ans à son mariage peut considérer qu’elle serait effectivement née au moment de la Akeida mais qu’à ce moment Its’hak n’avait pas 37 ans seulement 26, comme ce qu’une autre version indique, version retenue par le Gaon de Vilna dans ses annotations sur le Seder Olam (§1).]
Voir encore Shout Divrei Yatsiv (E’’H §83).
Montrer les messages depuis:
Voir le sujet suivant Voir le sujet précédent
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum