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Rachi et inspiration divine

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Salomon_m
Messages: 25
Chalom,

Est-ce une chose évidente que d'affirmer
(comme on l'entend souvent) que les commentaires de Rachi (sur le 'Houmach, Talmud, etc.) étaient d'inspiration divine ?

Où apparaît dans les sources cette idée de roua'h akodech prêtée à Rachi?

On pourrait d'ailleurs poser la même question sur les tanaim et amoraim à qui l'on prête généralement des capacités intellectuelles provenant d'une d'inspiration divine.

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Message envoyé via AlloRav sur iPhone.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6335
Si vous comprenez « inspiration divine » littéralement, oui, c’est ce qu’on dit sur le commentaire de Rashi (et d’autres).

Mais vous devez vraisemblablement assimiler inspiration divine à prophétie (ou semi-prophétie).

Roua’h hakodesh n’est pas à comprendre comme Nevoua, il ne s’agît que d’une inspiration divine comme vous le dites très bien.

Cela ne sous-entend pas des capacités impensables humainement.

Si je vous dis qu’il s’est « inspiré de D.ieu » pour écrire son commentaire, rien ne vous choquera, hé bien c’est ça l’inspiration divine dont nous parlons.

Rashi a rédigé son commentaire dans l’esprit du souffle des choses saintes, mais pas que le « souffle saint » lui ait dicté le texte à écrire.

J’ai déjà entendu ceux qui disent que chaque mot de Rashi lui a été dicté Beroua’h Hakodesh, que la guematria de chaque mot de son commentaire sur le Talmud est voulue et calculée et correspond à des « sodot ».

[NDLR: ça veut dire des "secrets kabbalistiques".
C’est le terme favori à utiliser lorsqu’on veut embrouiller son auditoire ou son lectorat « chaque lettre de Rashi correspond à des Sodot ! » .
NB : on veillera à plisser les yeux et froncer les sourcils en prononçant le mot clé « sodot », afin de donner une contenance et une gravité à cette assertion qui ne saurait alors être mise en doute.
Un léger balancement de la tête accompagné d’un geste subtil de la main, termineront de convaincre les plus sceptiques.]

Hélas, des rabanim sérieux y ont cru. Mettant en garde de bien retranscrire Rashi tel quel et d'analyser chaque mot et chaque lettre en fonction de cette information.

D’autres ont dénoncé l’absurdité d’une telle thèse qui ne tient pas la route, ne serait-ce qu’en raison des multiples versions différentes de Rashi que nous avons.
[et donc même en imaginant qu’au départ Rashi aurait écrit en tenant compte de guematriot pour faire allusion à des Sodot (etc.) (ne me demandez pas pourquoi faire des allusions à ces « secrets » en plein dans ses commentaires du Talmud et d’en adapter le contenu pour gagner des allusions superflues ?... la réponse aussi est un Sod…), de toute manière ces Sodot ne seraient plus présents dans le commentaire actuel de Rashi (que les A’haronim ne se privent pas de corriger en montrant par-là qu’ils ne croient pas du tout à ces thèses des Sodot dissimulés).]

Si déjà, c’eût été un poil moins absurde de dire ça de son commentaire sur la Torah.

Mais même là, ça ne tient pas la route.
N’oublions pas que nous avons un témoignage du petit-fils de Rashi, le Rashbam, qui écrit (Rashbam Bereshit XXXVII, 2) qu’il a eu une discussion avec son grand-père dans laquelle il lui reprochait d’expliquer les versets de la Torah par les midrashim au lieu de se concentrer sur le Pshat et Rashi en personne aurait reconnu que Rashbam avait raison et lui aurait dit que s’il en avait la force il réécrirait un nouveau commentaire de la Torah basé sur le Pshat.

Voilà de quoi relativiser votre compréhension de ce que signifie ici le Roua’h Hakodesh !
Si le texte lui avait (pratiquement) été dicté, pensez-vous qu’il aurait répondu la même chose à son petit-fils ?

Quant aux Tanaïm et Amoraïm, soyez plus précis car on peut comprendre votre question de différentes manières.
Voulez-vous parler de « Elou veélou divrei elokim ‘haïm » ?
cheelnaute
Messages: 277
Bonsoir rav et merci pour votre reponse explicite, mais même si vous excluez la notion de devoilement pour expliquer le piroush Rashi, la notion de "Rashi a redigé son piroush selon l'esprit du souffle des choses saintes" reste assez opaque pour moi...
En quoi son piroush differe-t-il des autres ?
A-t-il etudié toutes les sources anterieures à lui, pour finalement rédiger un piroush ?
Si oui rien ne le differencie des autres commentateurs, non ?
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6335
Qui vous a dit que les autres n'ont pas été -eux aussi- rédigés sous influence divine?

ça a été dit sur de nombreux sfarim, rassurez-vous.

On le répète plus souvent sur Rashi car c'est un livre plus connu parmi la masse des juifs ignorants et on souligne qu'il aurait jeûné durant 613 jours avant de se mettre à sa rédaction, ce qui constitue un moyen de se préparer psychologiquement à la production d'un commentaire axé Leshem Shamayim et non pour la gloire ou autre raison.

Le commentaire de Rashi reste un incontournable, mais il faut savoir que certains rabanim, à certaines époques, dans certains endroits, s'opposaient à ce qu'on enseigne ce commentaire aux enfants à l'école...
Ils préconisaient des explications plus axées sur le Pshat.

En fait, ils reprochaient à Rashi de citer trop de Midrashim qui éloignent du Pshat.
Un adulte peut -devrait pouvoir- les comprendre convenablement, mais les enfants ont tendance à tout pendre au premier degré.

Hélas, de nos jours, les adultes aussi souffrent de ce mal qui ne sied théoriquement qu'aux enfants...
Fff
Messages: 36
Bonjour,

Excusez-moi, mais je n'ai pas compris: que signifie l'expression "sous inspiration/influence divine ?"
N'importe quel Piroush est ecrit Leshem Shamayim, afin d'aider les lecteurs a mieux comprendre la Torah, non ?

Et si Rachi rapporte tant de Midrashim, pourquoi est-ce le commentaire que tous apprennent ? N'y en a-t-il pas d'autres plus proches du Pshat ?

On m'a par ailleurs souvent dit que ce commentaire est destiné aux enfants de 5 ans de 'Heder, mais la majorité des personnes n'etaient-elles pas ignorantes à l'époque, d'où le succes du livre ?

Je m'eloigne peut-être du sujet initial, désolée...
Yoelish
Messages: 61
Pourtant Rashi n'est-il pas venu seulement pour expliquer "pchouto chel mikra" ?

Donc son petit-fils lui aurait reproché de ne pas avoir respecté cette condition ?
RHY
Messages: 140
Bonsoir;

Que veut dire exactement le Rashbam quand il parle à la fin ( réf.op.cit. ) de "nouvelles explications selon le sens simple qui se renouvellent chaque jour"?
Aussi, pourquoi devrait-il s'en soucier également, si ce sont des hidouchim de contemporains ?
Merci d'avance !
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6335
A Fff :

Citation:
Excusez-moi, mais je n'ai pas compris: que signifie l'expression "sous inspiration/influence divine ?"
N'importe quel Piroush est ecrit Leshem Shamayim, afin d'aider les lecteurs a mieux comprendre la Torah, non ?


Sous inspiration/influence divine ni signifie par « par motivation divine ».
Il y a ce qui motive l’auteur (et là on espère que c’est me cas de tous les auteurs) et il y a son inspiration, un coup de pouce du Ciel…


Citation:
Et si Rachi rapporte tant de Midrashim, pourquoi est-ce le commentaire que tous apprennent ?

Car il explique tout (ou presque) avec sa clarté et son talent qu’on lui connait.

Citation:
N'y en a-t-il pas d'autres plus proches du Pshat ?

Si mais ils ne sont pas aussi clairs ou pas aussi complets que Rashi.


Citation:
On m'a par ailleurs souvent dit que ce commentaire est destiné aux enfants de 5 ans de 'Heder,

Non, il ne leur est pas « destiné », il leur est AUSSI adapté mais pas qu’aux enfants. Ce qu’on dit c’est que ce livre (Rashi) est adapté à tous les âges.

Citation:
mais la majorité des personnes n'etaient-elles pas ignorantes à l'époque, d'où le succes du livre ?

Elles le sont encore. D’où la confirmation du succès 😊.
Mais ce livre a du succès même auprès des grands érudits. D’où la confirmation du « Roua’h Hakodesh » 😊.

Citation:
Je m'eloigne peut-être du sujet initial, désolée...

No problem
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6335
A RHY :
Citation:
Que veut dire exactement le Rashbam quand il parle à la fin ( réf.op.cit. ) de "nouvelles explications selon le sens simple qui se renouvellent chaque jour"?
Aussi, pourquoi devrait-il s'en soucier également, si ce sont des hidouchim de contemporains ?


Très bonne question.
Voyez le Klalei Rashi (Blau –‘habad p.24) qui veut l’expliquer en fonction des évolutions inhérentes à l’étudiant (selon son âge, il ne devra pas rester sur sa compréhension acquise en ayant cinq ans), mais ce n’est pas restrictif (il devait juste vouloir « caser » le fameux « 5 ans » cher aux ‘Habad), il inclut aussi les évolutions qui ne dépendent pas de l’âge, puisqu’il donne juste après l’exemple des traductions en français que propose Rashi, qui varieront forcément d’un pays à l’autre -et même d’une époque à l’autre.

Je dirais pour ma part que la compréhension des versets varie d’une génération à l’autre, selon les repères et les notions de chaque génération.
Et si, au niveau de la halakha, il nous faut un axe immuable, en ce qui concerne le Pshat des versets, nous gagnons à y trouver des messages adaptés à chaque génération selon sa mentalité et ses préoccupations.

C-à-d que l’étude du Pshat n’est pas rattachée au cadre de la Halakha, mais plutôt à celui du Moussar, de la Hashkafa.
Ainsi, en étudiant la même parasha chaque année, celui qui questionne les versets trouvera des explications et compréhensions nouvelles selon les préoccupations du temps, qu’il s’agisse de ses affaires (lectures/ évènements/etc.) personnelles ou encore des faits de société.

C’est ce qui permet de tirer de la Torah un enseignement d’actualité et qui nous parle à chaque génération.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6335
A Yoelish :

Citation:
Pourtant Rashi n'est-il pas venu seulement pour expliquer "pchouto chel mikra" ?
Donc son petit-fils lui aurait reproché de ne pas avoir respecté cette condition ?


Vous aussi (comme votre prédécesseur) posez une très bonne question.

Rashi voulait expliquer le Pshat des Psoukim mais s’est souvent "laissé porter" à citer les Midrashim et -parfois- il n’a cité que le Drash et non le Pshat.
J’avoue que c’est interpelant de la part de celui qui répète constamment qu’il vient établir le Pshat.

Le Ibn Ezra le lui reproche explicitement, il écrit dans Safa Broura (Fürth 1839, daf 5a) que Rashi a expliqué le Tanakh selon le Drash en pensant qu’il écrivait le Pshat, « alors qu’il n’y a de Pshat dans ses livres, qu’une explication sur mille ( !). Et dire que les sages de notre génération se félicitent de tels Sfarim…» (et ne voient pas que Rashi s’écarte du Pshat).

Voici le texte en hébreu :
אמרו כלל אין מקרא יוצא מידי פשוטו והדרש הוא תוספת טעם. והדורות הבאים שמו כל דרש עיקר ושורש, כרב שלמה ז"ל שפירש התנ"ך על דרך דרש והוא חושב כי הוא על דרך פשט, ואין בספריו פשט רק אחד מני אלף, וחכמי דורנו יתהללו באלה הספרים

En fait, Rashi lui-même en était conscient et le reconnait à son petit-fils Rashbam (Bereshit 37,2).

Rabbi Avraham Bakrat
(contemporain du Abrabanel) écrit dans son Sefer Hazikaron (commentaire sur Rashi, écrit à Tunis en 1507 et imprimé à Livourne en 1845, daf 89a col.2, sv. Lo Tové) qu’il est établi que Rashi, dans la majorité des versets, délaisse le Pshat et cite les Midrashim.
Et bien qu’il écrive parfois « qu’il vient expliquer et établir le Pshat », son intention dans ces phrases ne se rapporte qu’au verset concerné, pas à toute la Torah.
Dans les mots:
וכבר ידעת שהרב ברוב פסוקי התורה מניח פשט הכתוב ומביא מרדשם ז"ל. ואע"פ שלפעמים כותב ואני לישב פשוטו של מקרא באתי, לאותו הפסוק בלבד יכוון לא לכל התורה

Voici qui interroge sur le commentaire de Rashi

En fait, généralement, même si Rashi cite un Midrash, il s’agit d’un Midrash nécessaire au niveau du Pshat, c-à-d que les mots du verset posent problème sans citer ce Midrash et c’est pour cela que Rashi le cite et l’insère dans son explication.

Ainsi, on pourrait dire que l’intention de Rashi est d’expliquer le Pshat dans toute la Torah, même lorsqu’il cite un Midrash, car son intention est d’expliquer une tournure étrange ou un mot superflu.

Il s’agirait d’un niveau intermédiaire entre le Pshat et le Drash.
Un peu comme le font le Malbim et Haktav Vehakabala qui soulignent en quoi les mots eux-mêmes amènent au Drash des ‘Hazal.

On retrouve cette volonté chez R. David Tsvi Hoffman dans son commentaire sur Vayikra (écrit en allemand et traduit en hébreu et publié par Mossad Harav Kook -Jér. 2022), chez R. Shimshon Refael Hirsch, chez Ranhou (Weisel) dans Pshouto Shem Mikra (sur Vayikra -Rishon Letsion 2021), et chez R. Arié Kaplan (The Living Torah, 1980 – traduit en français La Torah vivante, 1996).

Le Ibn Ezra reproche malgré tout à Rashi de ne pas avoir choisi d’expliquer exclusivement selon le Pshat, et critique donc son commentaire.

Cependant, comme le souligne R. Zeev Yaavets dans Toldot Israel (XI, p.137-138), le peuple a préféré le commentaire de Rashi à celui du Ibn Ezra (ce qui n’est pas tellement étonnant vu la rédaction ardue et difficile d’accès des commentaires du Ibn Ezra, mais justement, cela ne prouve pas vraiment la préférence pour les Midrashim que sous-entend R.Z. Yaavets)

(Certains Rishonim faisaient un grand effort au niveau de la rédaction pour gagner en clarté, c'est le cas de Rashi.
D'autres Rishonim ne se souciaient pas autant que lui de mettre leur texte à la portée de tout lecteur.
Et enfin, le Ibn Ezra, semble lui aussi avoir fait un effort, mais dans l'autre sens: pour rendre son commentaire plus difficile d'accès et le réserver à une élite.)
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