Rester shogeg volontairement

Bonjour Rav Wattenberg,

Nous connaissons le dicton : "Nul n'est censé ignorer la loi".

Cela s'applique-t-il au judaïsme ?

Il me semble évident que nous avons une mitsva d'étudier la Halakha afin de savoir comment se comporter en chaque situation.

Mais voilà, j'ai des amis froums qui ont une attitude qui me semble dangereuse. Ils savent étudier, même pour beaucoup ont fait de la Yeshiva (un an ou plus), et étudient régulièrement (shnaïm mikra, guemara, pensée juive).

Cependant, ils me disent que tant qu'on ne connaît pas la Halakha, on reste shogeg. Ils se reposent sur leurs lauriers sans faire les efforts pour apprendre [et appliquer] les halakhot et se contentent de ce qu'ils font déjà.
C'est-à-dire qu'ils n'ont pas de seder de Halakha et n'ont manifestement pas l'envie de tout respecter dans les moindres détails, et c'est pourtant ce que D. nous demande, non ?

Il y en a même qui ont fini le Shas à 20 ans et qui me disent : "non, non, n'apprends pas en détails Hilkhot Shabbat, car après tu ne pourras plus rien faire !" [alors que je leur demandais leur avis sur un kitsour que je voulais acquérir afin de m'y mettre]

Où est la Yirat Shamayim dans ces raisonnements ?

Il me semble qu'on ne peut pas rester Shogeg toute sa vie. Quelqu'un qui sait étudier, qui peut le faire, et qui n'étudie pas la Halakha afin de "rester shogeg" me semble tout aussi fautif que quelqu'un qui sait la Halakha et la transgresse. Que va-t-il dire après 120 ans ? Vraiment désolé, je savais pas ?! Il pense que D. se laisse arnaquer aussi facilement ?!

Nous sommes là pour accomplir la volonté de D. et non pour trouver des "combines" pour s'y soustraire. Ou alors, c'est qu'ils ne voient pas cela comme "vraiment obligatoire", et donc il y a un problème, non ? Cela revient à faire les mitsvot pour se faire plaisir et non parce que D. nous le demande.

Ai-je raison en disant cela ?
Pourriez-vous me donner des références à l'appui ?

Je précise que je ne compte en aucun cas partir "en croisade" contre mes amis, ni me prendre pour leur Rav/père, et que ma relation avec eux reste tout à fait sereine, ces discussions font juste partie des sujets que l'on aborde entre ba'hourim religieux.

Je veux juste savoir si je suis dans la bonne optique et le cas échéant avoir les références pour me donner du koa'h à continuer ma route.

Je précise également que j'ai fait tshouva et que ces amis dont je parle sont frums depuis leur naissance. Y aurait-il un lien ?

Merci d'avance pour vos réponses tellement utiles. Que D. vous aide à continuer votre travail.

Kol touv

Que dire?
C'est un mélange de ridicule et de triste.

Triste qu'une personne qui a étudié tout le shas à 20 ans puisse volontairement ignorer la halakha.
L'étape suivante c'est ce qui était assez fréquent en Lituanie avant guerre: des ba'hourim qui étudient la gmara le shabbat avec une cigarette à la bouche.
L'étude pour le plaisir intellectuel et sans aucune yirat shamayim.

Lorsque l'on dit moutav shéyiyou shogeguin (Betsa 30a, Shabbat 148b et Baba Batra 60b /Tossefta Sotah XV, 5) cela signifie qu'il vaut parfois mieux ne pas mettre en garde contre un péché (miderabanan...) si l'on sait que la personne va l'enfreindre de toute façon. Mais pas qu'il vaille mieux enfreindre sans savoir!
Quelle absurdité!
C'est burlesque de la part d'un étudiant en Yeshiva.

Si votre ami a étudié tout son shas avec ce degré de compréhension, dites-lui qu'il peut s'y remettre et conseillez-lui d'utiliser Artscroll, c'est méprisé dans les yeshivot parce qu'on y prétend pouvoir comprendre sans cette traduction assistée, mais si on constate que ce n'est pas le cas, votre ami bénéficiera certainement d'une dérogation.

Bref, vous n'avez pas besoin de moi pour comprendre que ce procédé est malhonnête au niveau intellectuel, je suis persuadé que vos amis partageraient votre opinion, n'était-ce le sho'had dont il est question.

À moins qu'ils ne parlent d'autre chose, à moins qu'ils ne parlent QUE de 'houmrot saugrenues inventées par des a'haronim en mal de 'hidoushim et ils préfèrent ne pas lire ces excès car ils savent qu'ils ne pourraient pas trouver facilement la faille ou la contre-preuve et se sentiraient ainsi liés à cette nouvelle mesure de rigueur dont le bon sens indique qu'elle sort tout droit d'un cerveau dérangé.
Dans ce cas, c'est différent.

Nous trouvons des a'haronim qui -selon moi- délirent littéralement par moment, pas nécessairement sur des sujets halakhiques, même si ça reste théorique/limoudique.
Je suis sûr qu'ils ont dû déjà en rencontrer et c'est vrai que cela peut être gênant si l'on ne sait pas sur quoi s'appuyer pour repousser les rêveries de ces auteurs.

Mais cela n'exempte pas le juif de s'instruire, il faut trouver les bons sfarim ou les bons rabanim, mais la politique de l'autruche ne sert pas en judaïsme non plus.
Si l'on rencontre un din farfelu, il faut se renseigner et questionner son rav, afin de savoir si c'est fiable/sérieux...

Je donne un cours de Halakha le shabbat au Centre Alef. Il m'est déjà arrivé maintes fois de préciser que même si le Mishna Broura ou le Piskei Tshouvot ou le rav Ovadia Yossef ou le Kaf Ha'haim, ou le Aroukh Hashoul'han, ou le Kitsour Shoul'han Aroukh (etc......) indique une halakha comme évidente et établie, ce n'est pas toujours vrai (si ce n'est dans certains milieux auxquels l'auteur appartient).

Et là je vous parle des auteurs sérieux et fiables (dont la halakha ne serait éventuellement pas toujours suivie par tous), mais les a'haronim inventifs pullulent de nos jours (parfois lekoula, mais souvent le'houmra) et ils n'hésitent à pas imposer leur trouvailles au public.