Citation:
Est ce que le kavod qu’on a vis à vis du rav de son beth hamidrach (ou un rav à qui on est redevable) prime sur un enjeu de limoud ?
Je m’explique plus concrètement : disons que le rav de notre beth hamidrach fait chiour chabbat matin et qu’on a assisté à ce chiour pendant des années. On est, par ailleurs, particulièrement redevable de ce rav. Mais il y a un autre rav (qui n’est pas notre rav mouvhak) qui fais également chiour le chabbat matin dans le même binyan. Si on devient par le temps, plus sensible à l’approche de ce 2e rav, y aurait il un problème de « quitter » le premier Rav (Vis a vis duquel on a un très grand kavod) pour aller écouter le 2e rav (vis à vis duquel on est pas redevable) ?
Tout d’abord, il ne peut pas y avoir de réponse adaptée à toutes les situations, ça dépendra de mille paramètres qui changent en fonction du contexte.
Je vous donne quand même une idée générale :
Le Kavod qu’il est important de marquer envers le Rav est aussi et avant tout afin de respecter la Torah elle-même, dans le but de valoriser la Torah et encourager tous à l’étudier.
Ce Kavod ne doit donc pas aller à l’encontre des « intérêts » de la Torah elle-même.
Si vous étudiez mieux en assistant aux cours de l’autre Rav, il ne faut pas négliger cet avantage, on a le droit de « passer en classe supérieure », même s’il ne s’agit pas de deux niveaux objectivement distincts, mais pour vous c’est ce qui est adapté à présent.
Après, il faut voir si votre Rav se vexe, comment il le prend, il faut tenir compte de chaque chose et peser le pour et le contre.
Parfois il est judicieux (si vous êtes assez proche etc.) de « demander le Reshout » au Rav d’aller au cours de l’autre Rav, ainsi il ne se sent pas rejeté/méprisé.
Nous trouvons dans la Gmara
Sanhedrin (26a) qu’il y avait plus de monde qui allait aux cours de Shevna qu’aux cours de ‘Hezkia, pourtant ‘Hezkia était le roi et -à ce titre- tous lui devait respect et Kavod, mais cela n’a pas empêché des milliers de gens de « bouder » les cours de ‘Hezkia et d’aller uniquement à ceux de Shevna
(et ce, alors que ce Shevna n’était pas comparable du tout au niveau à ‘Hezkia de la Tsidkout, comme expliqué par la Gmara dans la suite).
Nous ne voyons pas que ‘Hezkia se soit vexé de cela, mais c’est vrai que cela peut arriver, c’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec Rabbi ‘Hiya Bar Aba qui est arrivé dans un endroit avec Rabbi Abahou et chacun d’eux a fait une Drasha
(vraisemblablement en même temps), R. Abahou a parlé de sujets Agadiques et Rabbi ‘Hiya Bar Aba de sujets Halakhiques.
Résultat : ce dernier n’a eu que très peu de succès et un bien faible auditoire, alors que tous sont allés écouter le cours de Rabbi Abahou.
La Gmara
(Sotah daf 40a) nous dit que Rabbi ‘Hiya Bar Aba en a été offensé et s’est senti humilié, et tous les efforts de R. Abahou pour lui remonter le moral
(notamment en lui disant que c’est parce qu’il a parlé de sujets trop précis et complexes pour cet auditoire alors que lui-même n’avait parlé que de choses simples et faciles -les Agadot) furent vains.
Nous voyons donc qu’il ne faut pas se dire qu’un Rav va nécessairement considérer que «
l’essentiel c’est que les gens étudient », mais il peut aussi se sentir blessé lorsque les gens se détournent de son cours.
Est-ce normal ou non, souhaitable ou non, admissible ou non, je ne le sais pas. Je crois que ces rabanim qui se vexaient avaient aussi un « calcul » Leshem Shamayim en cela, mais quoi qu’il en soit, cela nous enseigne qu’on ne doit pas présumer des forces morales du rav et se dire qu’il est forcément au-dessus de tout ce qui est humain, il faut se soucier de son Kavod.
Mais si c’est sur le compte de la Torah (c-à-d moins bien étudier), c’est une limite à ne pas dépasser. On doit faire du Kavod au Rav, mais il y a des limites
(comme en cas de ‘Hiloul Hashem où il est dit qu’on ne soucie plus du Kavod du Rav si ce Kavod entraine/produit/permet du ‘Hiloul Hashem -Erouvin 63a, Brakhot 19b, Shvouot 30b et Sanhedrin 82a. Bien que cette situation ne soit évidemment pas comparable au cas de ‘Hiloul Hashem c-à-d un cas où un Issour va être transgressé si le Talmid ne réagit pas en disant à la personne concernée qu’elle commet un péché, dans ce cas, le Talmid a le droit de dire cette « Halakha » en présence de son Rav et sans avoir reçu l’autorisation du rav).
On trouve
(Erouvin 13a et Sotah 20a) que Rabbi Méir étant jeune allait aux cours de Rabbi Akiva, mais ils ne lui étaient pas adaptés
(il ne comprenait pas bien, les cours étaient trop difficiles à suivre), il a donc quitté les cours de R. Akiva et est allé suivre ceux de Rabbi Yishmael.
Ultérieurement, après avoir progressé en Limoud chez Rabbi Yishmael, il a atteint le niveau nécessaire pour pouvoir suivre chez Rabbi Akiva et est retourné étudier chez R. Akiva.
Il a donc changé à deux reprises de « yeshiva » en fonctions des besoins, sans se dire qu’il fallait préserver le Kavod et la sensibilité de son Rav.
Car lorsque l’enjeu est le Limoud, il ne faut pas « sacrifier » son Limoud pour ménager le Kavod du Rav. (Car il ne s’agit pas de lui manquer de respect, mais de se diriger vers l’endroit où vous pourrez le mieux étudier.)