A présent je passe à la question de
Ouri299 :
Citation:
Dans votre reponse je ne comprends toujours pas bien la limite de ce que j’ai le droit d’allégoriser et ce que je dois prendre au sens littéral.
Suis je donc obligé ou non de croire au pechet originel, au maboule, à la akedath itshak, au dix makot, à la mann,.....
Ce qui m’intéressait le plus serait (s’il en existe) des règles précises définissant ce que je dois croire et ce que je ne suis pas obligé de croire.
C’est un très vaste sujet et d’une importance capitale.
Globalement, il faut déjà distinguer la Bible d’une part, des Gmarot et Midrashim d’autre part.
Les miracles contés dans la Bible en sont.
Il y a des discussions sur l’interprétation correcte à donner à certains d’entre eux, on trouve chez les Rishonim des explications très naturelles à ce qui pourrait nous sembler miraculeux, mais disons que c’est à analyser et discuter au cas par cas.
Alors que pour les Agadot des Midrashim et du Talmud, certains iront -au contraire- jusqu’à qualifier d’Apikoros celui qui s’entête à vouloir les expliquer selon le sens littéral.
Il peut y avoir des faits surnaturels contés dans le Talmud aussi, mais on trouvera beaucoup de commentateurs qui refusent d’accepter des miracles gratuits et supplémentaires à ceux de la Bible.
Plus en profondeur, le vrai Guéder n’est pas « Bible » ou « Talmud », mais plutôt que les miracles sur lesquels nous avons une transmission dans tout le klal Israel (comme les plaies d’Egypte, l’ouverture de la mer, la manne, etc.) sont compris littéralement.
Les autres, pas forcément.
[Même la pause du soleil de Josué -citée dans la Bible- est sujette à discussion chez les Rishonim, idem pour le serpent et l’ânesse qui parlent, ou les anges visitant Avraham, etc.].
Quant aux miracles des Agadot, il sera beaucoup plus fréquent que les Rishonim les interprètent de manière plus terre-à-terre que de nombreux A’haronim qui semblent ignorer ce que leurs prédécesseurs en avaient dit.
A lire le
Shout HaRashba (I, §9), on voit que le véritable Guéder, la définition fiable, est que
tout verset qui semble incompatible avec la science pourra être (/sera) compris comme une allégorie ou un Mashal dans la mesure où aucune Mitsva ni prophétie n’en dépend, sauf s’il y a une transmission dans le Klal Israel qu’il y aurait réellement eu un Ness dans ce cas précis.
Et s’il y a une telle transmission, même si les versets ne nous imposent pas la chose par eux-mêmes, on laissera de côté la science pour accepter la tradition.
L’exemple qu’en donne le
Rashba est la Te’hiyat Hamétim ; bien que l’on pourrait aisément s’arranger avec les versets et les interpréter comme des allégories, on ne le fera pas car il y a une tradition juive selon laquelle il y aura réellement une Te’hiyat Hamétim.
Ainsi, les traditions transmises «
de génération en génération depuis Moshé Rabénou ou depuis les prophètes » ne seront pas remises en cause, même si elles nous semblent incompatibles avec ce que l’on sait de la science, mais pour le reste, on visera la cohérence.
Le
Rashba considérait que l’ânesse de Bilam avait réellement parlé, mais il précise que ce n’est pas pour autant que nous devrions être tenu de croire que des miracles aient eu lieu à chaque occasion ; si on nous dit qu’une autre ânesse aurait parlé ultérieurement (à l’époque de la Gmara par exemple), nous n’avons pas à y croire sous prétexte que c’est déjà arrivé à l’époque de Bilam.
Voilà assez brièvement ce que l’on peut dire sur ce grand sujet.
Je trouve que les Rabbanim de notre époque ne s’intéressent pas assez et pas assez souvent à cette question, pourtant, elle touche aux fondements de la Emouna.
Il est fréquent d’entendre un rav (ou autre) condamner un juif ou le taxer d’hérésie parce qu’il aurait donné une interprétation du texte qui ne lui semble pas la bonne, ceci en ignorant que cette interprétation avait déjà été donnée par un Rishon ou un Gaon
(qui serait de fait condamné inconsciemment par ladite personne).
La difficulté reste lorsqu’il est délicat de définir une « Massoret » comme étant du « klal israel ».
Si un groupe de juifs, ou une communauté, a pour transmission que tel événement était un miracle, cela n’implique pas encore qu’il faille se ranger derrière leur avis, le
Rashba nous parle d’une transmission du Klal Israel, comme Te’hiyat Hamétim, Kriat Yam Souf et similaires.
Et même lorsque le fait est unanime parmi les juifs, il n’est pas toujours simple de savoir s’il est unanime en tant que miracle ou non, ni de savoir quelle en est la partie miraculeuse acceptée et quels sont les ajouts légendaires.
Par exemple, l’ouverture de Yam Souf est unanime, mais les ajouts selon lesquels il y aurait eu des distributeurs de snacks et de canettes dans chacune des douze allées dotées d’un tapis roulant et de la climatisation, sont des idées tardives.
La Massoret ne porte que sur un passage à sec dans la mer.
Pareil, lorsqu’on parle d’Adam et Eve, du serpent, etc. celui qui interpréterait allégoriquement ce texte
(comme le Rambam et autres) ne saurait être taxé d’hérésie puisque la Massoret du Klal Israel racontant cet épisode n’exclut pas qu’il s’agisse d’une allégorie.
Mais là, ça devient subtil : certains esprits peu profonds ne comprendront pas pourquoi le serpent d’Adam et Eve peut être une allégorie et non l’histoire du Matan Torah.
C’est peut-être la raison pour laquelle beaucoup de rabbanim préfèrent dire à tout le monde et systématiquement que rien n’est allégorique, afin d’éviter de tels égarements.
Car il n’est pas donné à tout le monde de pouvoir peser chaque élément d’un fait conté dans la Bible, mesurer l’ampleur d’un aspect improbable, la relation ou l’impact du fait conté sur la Halakha et/ou sur la Hashkafa, la nature et la précision de la tradition parmi le Klal Israel, etc…