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Ajouts tardifs dans le Talmud

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joël
Messages: 264
Shalom Rav,
Dans une de vos récentes réponses

http://www.techouvot.com/lors_de_la_resurrection_des_morts-vp43740.html#43740
datée du 02/02/2015, vous nous avez indiqué au sujet du Zohar:
Citation:
Il y aurait des ajouts tardifs dans le corps du texte (comme il y en a dans plusieurs recueils de midrashim -et même dans le Talmud)


Je comprends bien explication au sujet du Zohar. Qu'en est il au sujet du Talmud ?
Pouvez-vous nous donner quelques exemples où il est indubitable que le texte du Talmud a été modifié / complété après sa conclusion ?
J'ai remarqué que parfois on retrouve dans un passage du talmud le commentaire de Rashi. Par exemple Rashi donne un mot ou deux mot pour expliquer un mot de la guemara et la guemara possède aussi ces un ou deux mot. J'en conclue qu'un sofer a surement introduit le commentaire de Rashi dans le corps même du texte Talmudique. Je ne pense pas pour autant que l'on appelle cela un ajout tardif. (N'ayant pas votre mémoire, je ne suis pas capable de vous citer un exemple ;)

Quelles implications halakhiques peuvent avoir ces ajouts tardifs (je ne parle pas des inclusions de Rashi) ?

Merci pour le temps que vous nous consacrez.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6640
Je cite :
Citation:
Pouvez vous nous donner quelques exemples ou il est indubitable que le texte du Talmud a été modifié / complété après sa conclusion ?


Il y a dans le Talmud quelques ajouts tardifs ou des modifications légères.

Pour les modifications, c'est connu, à certaines époques, le mot Goy était remplacé par les imprimeurs pour des raisons de censure.

Comme les non-juifs reprochaient au Talmud de les critiquer, chaque occurrence de ce mot était sujet à polémique, menaces, crimes et châtiments (comme dirait singulièrement Dostoïevski au singulier).

On remplaçait donc Goy par Akoum (acronyme de Oved Kokhavim Oumazalot, qui signifie idolâtre) pour indiquer que les passages sévères à l'égard du goy ne concernent que le Goy Akoum et non le Goy honnête.

Mais à une certaine époque, le "Goy" avait l'esprit suffisamment tortueux et tordu (akoum belaaz !) pour aller prétendre que les initiales עכו"ם (Akoum) étaient l'acronyme de « Ovdei Christ OuMyriam » (les serviteurs du christ et de Marie) et que les juifs visaient donc toujours les chrétiens avec le remplacement de Goy par Akoum. (Mekor Baroukh daf 778b)

De nouveau le Talmud était menacé d'autodafé et les juifs de pogroms.

Ainsi, il a été nécessaire d’ajouter un Zaïn pour donner Akoumaz ( עכומ"ז )(Oved Kokhavim OuMaZalot) afin de garantir qu'il s'agissait bien d'idolâtres et non de chrétiens.
Il a été proposé (dans le Sefer Hazikouk) de remplacer tous les termes comme Goy, No'hri, Min, Arel,… par « Akoum ».

Comme l'esprit tortueux va parfois de pair avec l'esprit paresseux, on a reproché aux juifs d'avoir dans leurs livres le mot Goy (ou autre…), même lorsque celui-ci ne se rapporte pas aux non-juifs.

Il a fallu le remplacer par Akoum même lorsque c'était absurde, comme dans le sidour où « shomer goy kadosh » a donné « Shomer Akoum kadosh» (Mekor Baroukh daf 779a).

[en 1829, lors de la guerre russo-turque, un censeur russe croyant déceler une malédiction contre les non-juifs dans les mots « shomer GOY kadosh » (qui veulent dire en réalité: « Celui qui protège le peuple saint ») a imposé de changer le texte en « Shomer Yishmael kadosh » pour diriger cette « malédiction » contre l'empire ottoman !
Ces corrections imposées dans les deux sens avaient un petit côté burlesque, c'est à se demander si le censeur était insensé ou s'il était censé ridiculiser la censure dans tous les sens.]

On trouve encore dans Shemot (VI, 12 –et 30) Vaani Aral Sfataïm qui a donné Vaani Akoum Sfataïm.

Ou dans la Mishna Shabbat (VI, 5) « péa nokhrit » a été remplacé par « péa Akoum » (Mekor Baroukh daf 778a)

Et dans Brakhot (VI, 4) Hayou lefanav minim harbé => akoum harbé ( !)

Dans le Beth Yossef sur Yoré Déa (§1) où il est question d’un « nokhri shéeino akoum » (=un non-juif qui n'est pas idolâtre), nous trouvons (dans l'édition de Zitomir) « akoum shéeino akoum » !

Bref, il y a encore de nombreuses corrections de cet acabit, mais je constate que je m'écarte du sujet car vous ne mentionniez les corrections qu'en second plan, la question portait plus sur les ajouts tardifs (dans le Talmud).

En matière d'ajouts, nous trouvons tout d'abord des ajouts dans les meimrot des amoraïm par les rédacteurs de la gmara eux-mêmes.

En donner une liste exhaustive nécessiterait un travail de longue haleine pour expliquer chaque preuve que telle ou telle locution ne peut pas faire partie de la phrase originale, aussi je me contenterai donc de vous indiquer quelques endroits, comme:

-Mena'hot 82b, voyez le Tosfot d"h Oubetarbitsa.

-Shabbat 96b, voyez le R. 'Hananel.

- À chaque fois que nous trouvons l'expression « Aba 'Halafta » dans la bouche de Rabbi Yossi (Sanhedrin 80a, Baba Batra 56b, Bekhorot 26a, Baba Kama 70a et Méila 17b) il peut paraitre difficile que ce dernier prononce le prénom de son père (contrairement à la halakha) qui se nommait 'Halafta.

C'est pourquoi le Rav Herzog dans son Guilyonei Yoel (Sota 34a) écrit que c'est à chaque fois un ajout des auteurs du Shas lors de la rédaction, car Rabbi Yossi s'était contenté de dire « Aba ».

À part le fait qu'il soit étrange d'avoir choisi d'en parler sur Sota daf 34a alors que là-bas c'est Rabbi Yehouda qui dit « Aba 'Halafta »
[même si Rav Yeshaya Pik Berlin corrige Yehouda en Yossi, certainement car le père de R. Yehouda s'appelait Ilay et non 'Halafta, il eut été préférable de choisir une occurrence unanime et indiscutable.

D'autant qu'en consultant le Yeroushalmi Sota (32b) on trouve que Rabbi Youda Bar Ilay dit bien « Aba 'Halafta », dès lors il devient difficile de supposer la même erreur de copiste dans les deux Talmuds et il m'apparaît plus probable de dire qu'Aba 'Halafta cité par R. Yehouda n'est pas son père mais un sage appelé Aba 'Halafta comme il y en a nommés Aba Shaoul, Aba Yossi (etc .).

Et en réalité, nous trouvons bien un Aba 'Halafta Ish Kfar 'Hanania dans Baba Metsia 94a…]

Je disais donc qu'à part le choix de l'occurrence qui est décevant de la part de Rav Herzog, l'idée elle-même est assez faible, car s'il est interdit d'appeler son père par son prénom, les poskim s'accordent à dire que « Aba » était aussi un titre honorifique à l'époque (cf. Rashi Brakhot 47a) et ça revient à dire « Rabbi » 'Halafta, ce qui est assurément permis pour un fils.


Il y a aussi des ajouts de Savoraïm:

- Halikhot Olam (de R. Yeshoua Halévy) (Shaar I, §1) et (Shaar II, §1)

- Sefer Hakritout (hakdama du 'helek Yemot Olam)

- Mena'hot 105b,
voyez la shita Mekoubetset (ot Alef).

-Nida 4b (alé nidaf) voyez le Rambam dans Piroush Hamishnayot sur Zavim (IV, 6)

-Baba Metsia 5a (voyez le Rashba et le Itour cités dans Rabanan Savoraei vetalmoudam p.27)

-Baba Metsia 14a, voyez le Ran cité dans la Shita Mekoubetset.

- Zva'him 102b, voyez tosfot (d"h parikh)

- il y a aussi les « simanim » que nous trouvons dans la Gmara qui ont été ajoutés après la rédaction finale du Shas.

Il y a même des ajouts d'époque guéonique. Voyez le Rashbam cité dans le Tosfot Ktouvot 2b (d"h pashit) qui le contredit.

(Et bien que Tosfot Zva'him (102b) et le Halikhot Olam (R. Yeshoua Halévy) (Shaar I, §1) considèrent que le Rav A'hay en question fait partie des savoraïm, nous considérons qu'il était parmi les guéonim et le nommons rav A'hay Gaon baal hasheïltot)

Voyez encore le Ritva sur Kidoushin 3a (d"h éla) qui indique avoir reçu de ses maîtres que toute la souguia en question serait tardive, de Rav Houna Gaon de Soura.

D'autres sources corroborent cette affirmation.

(voir aussi Halikhot Olam (Shaar II, §1), 'Heshek Shlomo (kidoushin 3a) et beaucoup d'autres)

Même si selon d'autres auteurs cet ajout du début de Kidoushin est des Savoraïm.


-Psa'him 30a, les mots « bemasheou kerav » sont probablement un ajout gueonique. Voyez Tosfot.
Voyez aussi Sefer Haagour ('hamets oumatsa §715) et encore Maharam 'Haliwa (Psa'him 30a) et aussi Baal Hamaor (ad loc) et dans Shitot Kamaei (Psa'him p.697).

[cependant voyez Shout Rashi (§109) pour qui ce n'est pas un ajout tardif]

- Shvouot 3b, voyez Rashi (d"h Kashia)

- Beitsa 34a voyez rashi (d"h veod)

- Yoma 4b voyez Rashi (d"h man deamar).

- Shabbat 55b voyez Rashi (d"h Veha Ktiv)

- Kritout 4a voyez Rashi (d"h Vehakha)

- Baba Kama 53b
la phrase entre parenthèses que le Maharshal supprime est en fait un ajout de Rav Yehouday Gaon (Behag) (Voir aussi Massoret Hashas ad loc.)

-Brakhot 36b (veïl'heta). Le Maharshal préconise de l'effacer de la gmara car ça vient du Behag.
Cf. Massoret Hashas et voir aussi Tosfot Brakhot 36a.

-Brakhot 41a voyez Rashi (d"h pshita)

- Voyez aussi le Maharshal dans Baba Batra 130a qui indique de retirer un texte de la gmara car c'est une explication des commentateurs qui s'est glissée dans le corps du Talmud par la faute d'un copiste (ce texte est déjà retiré des versions modernes).

Voyez aussi le Maharshal un peu plus loin daf 143b (ce texte-là est dans nos gmarot mais entre parenthèses).

Et puisqu'on est dans le Maharshal, voyez encore dans son Yam Shel Shlomo sur 'Houlin (§VIII, 107).

Il y en a encore beaucoup , voyez aussi Toldot Israel de Zeev Yaabets (IX, p. 216 et suiv.), et le livre Rabanan Savoraei vetalmoudam du Dr Binyamin Menashé Lewin.
Voyez aussi Kerem ‘Hemed (VI, p.249), Yad Malakhi (§98), Shout Sridei Esh (IV, p.22 note 37 et p.121).



Citation:
Quelles implications halakhiques peuvent avoir ces ajouts tardifs

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