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Biographies de Rabbanims: fabulations ?

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Seb
Messages: 30
Bonsoir,

Ce message s’adresse à Rav Wattenberg.

Pourriez-vous m'indiquer les références de quelques biographies de rabanim en anglais qui soient à la fois fiables et qui ne versent pas trop (ou pas trop trop!) dans l'hagiographie (si je puis me permettre).
Il y a beaucoup de choses dans les catalogues Artscroll et Feldheim mais il est difficile de se faire une idée, ces ouvrages étant rarement disponibles dans les librairies françaises.

Merci.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Je n’en connais pas beaucoup, je suis loin d’être un spécialiste.

Je comprends de votre question que vous ne souhaitez des renseignements que sur des biographies en anglais. Pas en français, ni en hébreu.

La majeure partie des biographies en anglais que j’ai lues sont entachées de ce problème qui révoltait le ‘Hazon Ish.
Cela ne veut pas dire que l’on ne puisse en retirer de bons enseignements, il faut savoir faire le tri.
Il peut y avoir des éléments déplaisants ou ridicules dans une biographie et en parallèle de vrais enseignements de moussar.

Je trouve personnellement certaines choses très décevantes ou déroutantes dans la biographie du Rav Chajkin, mais j'ai appris beaucoup de choses de ce livre et j'en ai tiré aussi du 'hizouk.

Je peux vous indiquer en premier lieu un bon tuyau ; s’il y a du Kamenetsky quelque part, généralement ça correspond à ce que vous cherchez.

La biographie de Rav Yaakov Kamenetsky « Reb Yaakov » de Yonason Rosenblum (Artscroll 1993) ainsi que le fameux Making of a godol de Rav Nathan Kamenetsky (voyez ce lien http://www.techouvot.com/making_of_a_godol-vt14890.html?highlight= ) sont des ouvrages qui correspondent à votre attente.

En fait, il faut repérer les auteurs plutôt que les héros (les rabanim eux-mêmes).

Je ne connais pas assez les auteurs, j’ai déjà vu des livres de Yaakov Dovid Shulman, mais je ne peux pas m’engager complètement à leur sujet.
Je sais qu’il y a des auteurs hébraïques fiables (sur ce point) dont les livres sont parfois traduits en anglais, comme Glimpses of jewish Frankfurt de R. Y. Alfasi (Elfassi) mais je suis loin de pouvoir dresser une liste conséquente.

Je pense que de manière générale les Artscroll sont un tantinet plus sérieux que les autres.

Plus en tant qu’ouvrages historiques (-que ‘moussariques’), je vous conseillerais aussi les livres de Artscroll « The Rishonim », « the Early Acharonim » et « The Late Acharonim », il s’agît de courtes biographies rabbiniques richement documentées même si les sources font parfois cruellement défaut et que certains détails font parfois cruellement rire ; On ne peut pas dire que ces ouvrages sont vraiment des travaux scientifiques et précis, l’auteur est prompt à gober quelques bêtises répandues pour peu que leur ridicule n’aie pas encore été dévoilé aux yeux de tous.
C'est facile de colporter un scoop que personne n'a jamais pu prouver.

Mais ça reste un travail remarquable.

J’en profite pour lancer un appel, je n’ai jamais réussi à mettre la main sur le troisième (The Late Acharonim), si quelqu’un sait où je pourrais le lire ou l’emprunter pour deux ou trois jours, je suis plus que preneur, merci.
Seb
Messages: 30
Merci beaucoup de cette réponse très rapide.

Les choses sont en cours en ce qui concerne Making of a Godol (je vous ai d'ailleurs demandé un complément d'infos à ce sujet ce matin!).
Et effectivement Reb Yaakov est un ouvrage qui correspond bien à mes attentes (je le lis en ce moment...).

Pourriez-vous préciser la position du 'Hazon Ich (et une source éventuelle) par rapport au sujet des biographies de rabanim?

Bonne journée.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Le 'Hazon Ish dénonçait les biographies rabbiniques romancées ou le héros est tsadik de naissance, connaissais le Talmud par coeur à quatre ans et faisait des miracles à chaque coin de rue dès l'âge de six ans (alors qu'il marchait déjà sur l'eau depuis ses cinq ans).

Sachant qu'il est décédé en 1953, nous en concluons que ce problème n'est pas nouveau.

Pour la source, c'est peut-être écrit quelque part, moi je le tiens par oral.
Pas directement du 'Hazon Ish, il avait quitté ce monde avant que je n'entre dans le monde des yeshivot (et même avant que je n'entre dans le monde tout court!), mais ayant étudié chez plusieurs de ses élèves (comme le Rav Nadel , le Rav Powarsky etc...), j'ai reçu de kli shéni pas mal d'infos sur ce rabbin.
Mars
Messages: 12
A l intention de Rav Wattenberg
etait il vrai que Rav Nadel travaillait dans les vignes?
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Ce n’est pas vraiment lié au sujet, il aurait peut-être été préférable de poser ce genre de questions ailleurs (sur le sujet « professions » http://techouvot.com/professions-vt14074.html?highlight=
ou simplement ouvrir un autre sujet).

Mais je comprends que vous ayez hésité à créer un nouveau sujet pour un simple « renseignement ».

En effet, Rav Guedalia Nadel a –entre autre- travaillé dans les vignes.

C’est certainement son métier le plus connu.

Refusant de percevoir les bourses du kollel, il n’avait d’autre choix que de travailler dans tout ce qui se présentait à lui.

Ce métier de viticulteur (et même de vigneron) étant des plus honorables parmi ses différentes occupations rémunérées.

C’était le gagne-pain de plusieurs Rishonim français dont Rabenou Tam et certainement son grand-père -Rashi.

A plusieurs époques, Rabbi Guedalia accepta des « p’tits boulots » sur deux ou trois semaines durant lesquelles il travaillait âprement afin de pouvoir (après) vivre un plus long moment sans travailler et se plonger totalement dans l’étude.

Il aurait même goudronné des routes israéliennes sous le soleil, avec des collègues arabes…
(Si vous aviez du mal à l’imaginer bêchant une vigne, vous voilà certainement bouleversé !)

Dans la société israélienne moderne, ça ne se fait pas du tout de travailler en parallèle du kollel, c’est supposé indiquer un manque d’investissement dans l’étude, par contre aux USA c’est accepté (-ou au moins toléré).

Etant à des années lumières de mon maître en connaissance de Thora, je ne peux aucunement me comparer à lui en quoi que ce soit, si ce n’est pour la panoplie de métiers insolites que j’ai exercé, surtout lorsque j’étais au Kollel à Lakewood, où (-à la différence d’Israel-), que l’on veuille ou non accepter une bourse, on ne peut pas vivre avec ce que le Kollel paye -s’il le paye.
juif
Messages: 72
[quote="Rav Binyamin Wattenberg"]

Je trouve personnellement certaines choses très décevantes ou déroutantes dans la biographie du [b]Rav Chajkin[/b], mais j'ai appris beaucoup de choses de ce livre et j'en ai tiré aussi du 'hizouk.

.[/quote]

Bonjour
Pour reprendre ce que vous venez de dire concernant le livre du Rav haikin. On m'a raconté qu'au début, ils (les enfants du Rav haikin) ont pris un écrivain pour relater sa vie. Seulement, ils se sont aperçu que c'était très romancé et qu'il y avait des détails et même parfois des histoires entières qui on etait inventé par l'ecrivain afin que ce soit plus percutant. Les enfants n'ont pas voulu et ce sont ses enfant eux même qui ont rédigé ce livre sans rajouté même un détail qui n'était pas exact.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Je comprends et c’est très bien (de ne pas laisser un écrivain sans yirat shamayim rédiger une biographie rabbinique), mais ce livre n’est pas exempt d’erreurs pour autant.

Je ne parle pas d’erreurs d’orthographe (comme p.217, p.252, et même jusque sur la couverture de la fin du livre !), ou de conjugaison (p.470), ou de frappe (comme p.147 note 37 où il faut corriger 1975 en 1985)(et p.338 où il faut corriger II Samuel 15, 10 en 16, 10)(et p.289 dans le texte en hébreu)(et p.297), ou des erreurs dans les noms comme Eliezer à la place d’Elazar (p.81) ou le patronyme Programansky (p.130), qui devient Porgamansky (p.149) puis Porgamanski (p.379 note 118), et ailleurs Pogramansky… ou encore d’une citation du 'Hafets 'Haim en yiddish qui m’a l’air erronée sur un mot (p.73), et de manière générale, de nombreuses phrases retranscrites du yiddish l’ont été à la va-vite et comportent des erreurs (p.76, 206, 241,264, une même phrase retranscrite et orthographiée de différentes manières qui ne donnent pas la même lecture, la plus correcte des quatre est en page 264).

Mais je parle d’erreurs « véritables ».

On parle de guilgoul pour dire dibouk (p. 52), on cite une « gmara explicite » (p.70) qui –il me semble- n’existe pas, une phrase (« les paroles qui sortent du cœur pénètrent dans le cœur ») est attribuée à nos Sages (p.246) alors qu’elle ne se trouve nulle part dans nos textes de base des ‘hazal, ni dans le Bavli, ni le Yeroushalmi, ni dans les midrashim connus, ni dans le Zohar.
Sa plus ancienne source connue est dans un recueil d’un rabbin du Moyen-âge -R. Moshé Ibn Ezra (à ne pas confondre avec le fameux R. Avraham Ibn Ezra) (dans son Shirat Israel p.156).

L’auteur annonce que le ‘Hafets ‘Haim est né plus tôt que la date généralement acceptée afin de justifier qu’il connut R. Akiva Eiger dans son enfance, ce qui expliquerait ce que le rav de Brisk aurait dit concernant le H.H. (p.71 note 13), mais ce n’était aucunement nécessaire car il est évident que la renommée de R.A.E. lui a survécu et cette naissance avancée impliquerait que le H.H. ait vécu plus d’un siècle ! En effet, R.A.E. est décédé en 1838 et le H.H. en 1933, il vaut mieux continuer de dire que le H.H. serait né (au plus tôt) en 1835 et n’avait pas plus de trois ans lors du décès de R.A.E. mais la renommée de ce dernier n’a pas disparu au lendemain de ses funérailles.

Une histoire concernant le H.H. m’a l’air mal rapportée (et ridicule) (p. 74 et 348), j’en connais une autre version qui me semble plus juste et qui a au moins le mérite d’être sensée.

Une seconde histoire (page 348) est aussi romancée et ne correspond pas à ce que l’on trouve dans les autres livres sur le ‘Hafets ‘Haim.

La prière du matin était fixée à la yeshiva à 6h30 même en hiver (p.134), ce qui me semble une erreur (au moins de rédaction) car impossible ala’hiquement.
On peut certainement mettre les tfilin plus tôt à Aix qu’à Paris, mais à 6h30, non.

Le livre contient aussi des « enseignements » et opinions étranges du Rav Chajkin, par exemple son opposition à donner des surnoms d’animaux impurs à des enfants, comme « mon petit lapin » (p.284).

Je comprends l’idée, mais que faire ?
Les noms Zeèv, Arié ou Dov sont pourtant plus que répandus même dans les milieux rabbiniques !

Il y a aussi quelques conduites fort étranges de la part du Rav, pour lutter contre la colère il consacrait de longs moments à défaire des nœuds dans du fil emmêlé (p.336) ce qui pourrait paraître comme une perte de temps un peu bêtement.
Pour travailler sa patience et combattre sa colère il aurait peut-être pu s’entraîner à répéter une sougya 400 fois à un élève qui avait des difficultés à la comprendre [comme l’a fait rabbi Preida (Erouvin 54b)], puisqu’il savait qu’il lui arrivait de se mettre en colère contre des élèves et de le regretter (comme explicite p.336 en bas).
Je trouve cet exercice plus constructif et plus productif, mais bon, le Rav devait certainement avoir ses raisons.

Un « combat contre la paresse » nous est présenté (en page 339) et il semble contredire complètement une autre vertu qui nous était expliquée plus haut (en page 51).

On nous dit aussi que le Rav n’a jamais omis de mentionner le ‘Hafets ‘Haim –son maître- dans chaque shiour ou drasha qu’il donnait (p.340).
C’est beau, mais c’est faux !
S’il est facile d’exagérer concernant les faits et gestes d’un personnage décédé il y a plus d’un siècle, on ne peut pas en faire autant sur un rav qui est mort il y a moins de 20 ans.
J’ai moi-même assisté à un cours du Rav Chajkin et il n’y a pas mentionné le ‘Hafets ‘Haim.

Il y a encore plusieurs endroits où le Rav semble contredire les Rishonim ou les gdolei aa’haronim sans le savoir.

Et le plus déroutant est certainement l’esprit de naïveté et de tmimout (-dans le sens péjoratif) qui se ressent plus de dix fois dans ce livre.

Que vont penser les lecteurs qui ne sont pas convaincus de l’importance et de la valeur de la yirat shamayim –qualité incontestable de Rav Chajkin- en lisant l’expression de sa naïveté ?

La grandeur de cet homme est indéniablement dans sa Yirat Shamayim et sa Ahavat Athora, mais ceux qui ne sont pas persuadés de l’importance de ces valeurs risquent de se faire une piètre opinion du Rav.

Même un lecteur qui sait apprécier la Yirat Shamayim qui ressort des récits sur ce Rav ne peut qu’être consterné devant certains passages –tels qu’ils sont relatés ou interprétés par l’auteur.

Pour certaines de ces histoires, je pense que l’auteur n’a peut-être pas compris réellement l’intention du rav, du moins c’est ce que je me dis pour préserver l’image du tsadik de sévères critiques.


Ceci étant, ce livre peut avoir ses pages décevantes, il n’en reste pas moins un très bon livre et un témoignage important de la vie d’un Tsadik qui a beaucoup œuvré pour le judaïsme français.

Le lecteur sachant faire fi des quelques défauts de l’ouvrage et du caractère insolite de certaines déclarations s’y trouvant, pourra tirer de ce livre un grand ‘Hizouk dans sa Avodat Ashem.

comme il est tard, je ne me relis pas, désolé pour les fautes de frappe ou d'orthographe (surtout après en avoir relevé dans la biographie du Rav!...)


Dernière édition par Rav Binyamin Wattenberg le Mer 24 Décembre 2014, 12:05; édité 2 fois
Reb Manès
Messages: 33
Concernant l'hypothèse selon laquelle Rashi était vigneron, selon Pr. R. Hayim Soloveitchik (fils de Rav Yossef Dov) qui est spécialiste de l'économie du vin au moyen âge et de ses ramifications halakhiques, c'est parfaitement faux.
Comme le fait souvent remarquer mon maître dans ses cours, Rashi rentre dans des détails très techniques sur beaucoup de métiers pour éclairer le pshat et ce n'est pas pour autant qu'on suppose qu'il les pratiquait (teinturier, tisserand, maréchal-ferrant ?).
Mais du fait qu'il a vécu en Champagne, le raccourci le plus rapide menait évidemment à la vigne.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Hé bé, pour un « spécialiste » -et en plus un Soloveitchik, c’est décevant.

N’allez pas croire que j’aurais basé cette idée simplement sur le fait qu’il vivait en Champagne et encore moins sur la grande précision technique dont Rashi fait preuve en matière de viticulture.

Il est clair que Rashi était un grand curieux qui s’intéressait à beaucoup de choses et avait des connaissances assez précises dans énormément de corps de métiers.

Nous trouvons dans ses écrits -surtout dans ses commentaires sur le Talmud et sur la Bible, mais aussi un peu dans ses responsas- une grande quantité de détails techniques sur une multitude de sciences et métiers.

S’il fallait imaginer que Rashi les avait tous pratiqué, c’est qu’il n’aurait jamais tenu plus d’un an sans changer de profession.

Il nous parle de:

-métallurgie (shabbat 41b, 18a)(‘haguiga 13b)

-fabrique des pièces de monnaie (Baba Metsia 44b)(shabbat 103b)(Bereshit I, 27)

-verrerie (sanhedrin 91a)(le soufflage du verre -détail connu de nos jours grâce aux photos et aux livres illustrés, mais moins connu à son époque)

-construction navale (bra’hot 8a (triangle des bermudes ?))(Yeh’ezkel §XXVII, versets 3, 5, 9)(Mela’him I,§5, 23)

-taille de pierre (Iov XIX, 24)

-apiculture (Shoftim XIV, 9)

-Chasse d’oiseaux (tehilim 140, 6)(Amos III, 5)

-jardinage (Baba Metsia 106b)

-j’en passe et beaucoup, gastronomie, draperie, poterie, confection de vêtements…

Il parle aussi de guerre (shoftim VII, 19) (‘habakouk I, 10) (mela’him I §XXII, 34) (mela’him II, §XIX, 32) (Shmouel II, §I, 21)

Et de différentes sciences, comme:

-l’astronomie (rosh ashana 8b. il n’était pas un spécialiste, loin des rishonim espagnols, mais il avait quelques connaissances ce qui est rare pour son époque en France)

-grammaire : ses innombrables remarques de grammaire sur le ‘houmash et ailleurs sont connues, il a lu et cite les ma’hberot des grammairiens comme Dunash Ibn Labrat (Ktouvot 10b)(bamidbar XI, 8) et Mena’hem ben Sarouk (Sanhedrin 104a)(shemot III, 22), mais il ne pourrait pas se comparer au Ibn Ezra qui d’ailleurs lui reproche certaines choses en grammaire de manière très discrète.

-géométrie (Erouvin 14b, 21a, 23b, 43b)

-géodésie (Erouvin 23b, 56b, 57a)

-histoire -par l’étude de la Bible, mais il connaissait aussi la meguilat Taanit (taanit 17b) et le seder Olam (taanit 5b), il a aussi lu le Yossiphoun (un adapté de Flavius Josèphe) et le cite maintes fois (yoma 23a)(bra’hot 43a)(ye’hezkel XXVII, 17)

-Mathématiques et calcul.
Dans plusieurs endroits Rashi fait des calculs assez longs par méconnaissance de règles « modernes », mais il se débrouille comme il le pouvait et se débrouille bien.
Voir (shabbat 15a, un long calcul) (erouvin 23b)( et bcp d’autres)

-En médecine, il avait assurément des connaissances, mais je ne crois pas à ce qu’écrit le Shalshelet Akabala qu’il était médecin (rofé ouman).
Malgré cela, nous trouvons dans les écrits de Rashi des détails liés à la médecine, en anatomie (Nida 58a)(‘Houlin 46a), en physiologie /descriptions de maladies/ (vayikra XXVI, 16).
Il pourrait paraître aussi vétérinaire (shabbat 53b).

Mais en faire un médecin sans aucune source fiable m’a l’air impossible.

Le Shalshelet Akabala fait preuve d’une grande naïveté en reproduisant dans son livre toutes les rumeurs et « contes de grand-mère » qu’il a pu trouver, il mélange à souhait l’Histoire et les légendes, à la fin on ne sait plus ce qui peut être vrai dans son livre.

Ce n’est pas en vain que certains auteurs le surnomment Shalshelet Akzavim… (« la chaîne des mensonges », ou « les baratins enchaînés »)

D’autant plus que ce qu’écrit le Shalshelet Akabala sur Rashi est parfois étrange, il est sûr (p.22c) que Rashi était contemporain du Rambam (1135-1204) et le prouve du fait que le Raavad ne mentionne pas Rashi dans son Seder Akabala.
Une seconde preuve : Rashi dans son commentaire sur Divrei Ayamim II(XXXV, 25) mentionne : « les kinot que nous disons le 9 Av sur les pogroms de notre époque », or il ne fait pas de doute qu’il s’agît là des pogroms de 1140-1160 (selon une autre version 1140-1143).

Il amène encore d’autres preuves très faciles à réfuter.

Cette dernière preuve est quelque peu ridicule, d’une part car il y a eu des pogroms en 1096 (1ère croisade, du vivant de Rashi selon les dates admises) et surtout, car il est établi que le commentaire dit de Rashi sur Divrei Ayamim n’est pas de lui !

Il y a plusieurs preuves à cela.
Voyez ne serait-ce que ce qu’écrit le ‘Hida dans Shem Agdolim (I, lettre Shin §35, daf 90a), il y cite –entre autres preuves- le Seder Adorot qui écrit (daf 177) que Rashi est même cité par le commentateur de Divrei Ayamim !

Concernant le silence du Raavad sur Rashi, les a’haronim en parlent déjà, le Na’hal eden précise que ça ne peut en aucun cas être utilisé comme preuve dans ce sens puisque le seder Akabala cite[rait] de toute façon Rabbi Yaacov de Ramrupt (alias Rabenou Tam) qui était le petit-fils de Rashi.

(voir encore Ashlamat seder Akabala de rabbi Avraham de Torrutiel imprimé par Arkavy dans ‘Hadashim gam yeshanim II, 2 et la note de Arkavy à ce sujet –dans l’édition de Varsovie 1898, c’est page 284).

Les sources indiquant que Rashi vécut de 1040 à 1105 abondent, même si selon certaines sources, il aurait vécu 10 ans de plus.

Cependant, je souligne que Rabbi Shlomo di Oliveira dans son Darkei Noam (édition de 1688, p.46a) suit l’avis du Shalshelet Akabala sur ce point puisqu’il écrit que le Rambam était contemporain du Rabbi Klonymus cité dans Rashi (Betsa 24a) qui était vieux à l’époque de Rashi (cf Rashi betsa 24a).

Rashi avait encore beaucoup de connaissances en géographie et en langues de par ses voyages (qui forment la jeunesse, comme chacun sait) il est allé en Allemagne pour étudier (dans deux grandes yeshivot) (Ktouvot 77a)(shabbat 102a)(‘houlin 93b), voir aussi ce qu’il écrit (dans Baba kama 36b) concernant un endroit où l’on utilise le mot Dinar pour dire de l’or.

Le Meam Loez (préface) écrit qu’il fut un grand voyageur (et de mémoire le Shalshelet Akabala en dira autant – il est en tout cas cité dans le Seder Adorot (I, 99a) ) mais je n’y crois pas trop, et les multiples connaissances linguistiques que certains lui prêtent me semblent exagérées.

Oui, Rashi cite des mots persans et arabes, mais je ne crois pas qu’il parlait l’arabe, preuve en est, dans quelques endroits il amènent d’autres auteurs pour justifier une traduction d’un mot arabe .
Dans Shemot (XXVIII, 28) au nom de Dunash, dans Shmouel I (§XIV, 27) au nom de rabbi Nathan Ayishmaeli.

La même chose pour le persan, dans Dvarim (XXI, 14) au nom de Rabbi Moshé Adarshan.

Aussi, dans quelques endroits Rashi écrit qu’il lui semble que ce mot est en arabe… c’est qu’il n’en avait pas la certitude.

Pire encore, dans l’un de ces endroits (sanhedrin 82a), il écrit « il me semble que ce mot est arabe car tous leurs mots débutent par EL », ce qui en dit long sur ses connaissances en arabe.
(C’est comme si l’on disait que tous les mots en hébreu commence par la lettre Hé…)

Le latin n’a pas l’air son fort non plus [même si Victor Malka dans son livre Rachi (page 13) écrit qu’il le parlait probablement, je ne fais pas trop confiance aux auteurs qui inventent des idées en fonction de leur humeur lorsqu’il y a des moyens d’utiliser des preuves plus consistantes.
Ce même auteur (p.12) tend à dire que Rashi était vigneron justement parce que Rashi fait preuve de connaissances en la matière.
Mais il reconnait que ce n’est pas une « preuve catégorique ».

En fait, je crois que Malka décide que Rashi parlait le latin car c’est ce qu’écrit l’historien Isaac Baer et Malka le mentionne dans ce même livre plus loin (p.74).

De manière générale, malgré les fautes de frappe (p.50) ou d’orthographe (p.110), c’est un livre sympathique, mais qui comporte pas mal de confusions et d’erreurs].

Il arrive aussi à Rashi de citer un mot en russe (Dvarim III, 9) , mais il ne parle pas cette langue.

Pour l’allemand, nous avons une « ma’hloket » -si on peut appeler ça comme ça.
Beaucoup pensent qu’il le parlait parfaitement puisqu’il étudia en Allemagne, cependant Zunz (Zeitschrift für die Wissenschaft des Judenthums, Berlin 1822 traduction en hébreu par r. Shimshon Bloch de la partie sur Rashi imprimée en 1840 sous le titre Toldot Rashi, page 10b) pense qu’il ne connaissait pas bien l’allemand et appuie cette thèse par un indice très simple : Rashi ne cite que 14 mots en allemand dans ses écrits contre 10000 en français.

Je pense qu’il y a eu une erreur, car Rashi n’utilise pas 10000 mots français et même moins du tiers.
Pour ceux qui n’ont pas la force d’inventorier les gloses de Rashi, il suffit de se baser sur le livre du Rav Gukovitski « Targum Alaaz » (Londres 1992) qui en répertorie sous 2270 entrées.

[Rassurez-vous à son sujet, lui non plus ne les a pas compté, il a pu utiliser les ouvrages méconnus qui l’ont précédé, comme le Marpei Lashon (Odessa 1865) et d’autres.
En revanche, s’il semble aussi avoir utilisé les différents travaux de Darmesteter et autres linguistes du XIXème siècle, il ne semble pas avoir lu l’excellent Mavo de Reb Shlomo Buber sur le Sidour Rashi (§XIV).
Il existe aussi un ouvrage du précis et minutieux savant Moché Catane (alias Paul Klein) qui établit une liste des gloses de Rashi, « Otsar Aloazim » (Jérusalem 1990) mais cette liste ne portant que sur la Bible , n’est -par définition- pas exhaustive.]

Peut-être faut-il supposer une erreur entre Zwei et Zhen ?
R. SHimshon Bloch se serait trompé dans sa lecture du Zeitschrift für die Wissenschaft des Judenthums ?

Quoi qu’il en soit, je trouve cette preuve (de Zunz) peu convaincante dans la mesure où Rashi écrivait en France et pour les français, il est normal qu’il utilise essentiellement des mots français.

Rashi ne s’est probablement jamais douté que ses commentaires seraient étudiés en Russie, en Argentine, aux USA et en Australie, pour preuve, il lui arrive souvent de restreindre son commentaire à un seul mot et en français, c’est qu’il n’espérait pas être compris des petits italiens.

D’un autre côté, on ne peut accepter l’argument de sa période en Allemagne en Yeshiva pour prouver sa connaissance de l’allemand car à cette époque on parlait français à Worms et Mayence (les deux villes où Rashi a résidé).

En tout cas, Rashi connaissait l’hébreu, l’araméen (sous ses différentes formes, teinté de chaldéen comme dans le Talmud Bavli, plutôt tendance Syriaque –lashon soursi- dans le Talmud Yeroushalmi et les différents Targumim sur la Bible) et le français.
(Nous trouvons même dans les remarques grammaticales de Rashi qu’il lui arrive de comparer à la langue française –Shemot XV, 24).

Concernant ses connaissances en viticulture (somme toute, c’est là notre intérêt dans cette réponse), il est vrai que l’on retrouve Rashi qui parle comme un vigneron par endroits, il y a souvent des sujets lui permettant de parler de viticulture (Sefer Aora II, §55), (Bereshit XL, 10), (Baba Batra 19b) ce qui fait que beaucoup ont décidé qu’il était vigneron ou qu’il pratiquait le commerce du vin.

Mais il n’y a aucune preuve à partir de ces textes, comme le souligne très justement le Pr. R. ‘Haim Soloveitchik (cité par Reb Manès)et de nombreux autres.
Seulement j’écrivais malgré tout que Rashi était « certainement » du métier en me basant sur d’autres textes, comme le Sefer Aora (II, §108) où il est écrit que Rashi pratiquait une ‘houmra qui consiste à ne pas boire d’un vin de ses tonneaux destinés à être vendu à des non juifs dès qu’il a été déplacé dans ce but (מאחר שהיו מושכין מהחביות שלו למכור לגוי לא היה שותה ממנו)

Aussi Rashi écrit dans une de ses réponses ala’hiques qu’il ne dispose pas de beaucoup de temps car c’est la période des vendanges…

Je considère ces indices comme plus convaincants que de simples précisions sur les différents métiers.
Il semble bien que Rashi était vigneron et vendait ses tonneaux aux juifs comme aux non juifs.

Voilà pourquoi j’écrivais que Rashi pratiquait « certainement » le même métier que son petit-fils.

Je me rends compte que la majeure partie de ce que j’ai écrit n’est pas indispensable à ma réponse (alors que je suis en pleine période de vendanges et en retard dans mes réponses!), mais maintenant que c’est écrit je ne l’efface pas, au cas où ça intéresserait quelqu’un parmi les lecteurs.
Désolé pour ceux qui attendent encore, je n'ai plus le temps pour écrire davantage ce soir (pour preuve, les probables fautes dans ce texte que je n'ai pas le temps de relire), veuillez croire en l'expression de ma sincère volonté de vous répondre dans de brefs délais SDV.
toto78
Messages: 201
Chalom Rav Wattenberg,

J'ai lu l'echange que vous avez eu sur le metier de Rashi....


Rashi etait il vigneron? Peut-etre... En tout cas, pas de maniere plus tangible que tout autre juif de son epoque ou de sa region....

Les arguments du Pr Soloweichik sont resumes ici http://seforim.blogspot.co.il/2007/08/mayer-i-gruber-how-did-rashi-make.html (par ailleurs, tout ce blog est excellent).

Quelqu'un m'avait dit que le premier a avoir emis cette hypotheses etait le Gr-Rabbin Maurice Liber (http://www.seforimonline.org/seforimdb/pdf/4.pdf) et que ce dernier lui avait dit a l'oral, que la legende etait plaisante mais qu'il n'avait pas de preuve plus tangible que ca.....
Reb Manès
Messages: 33
Kvod ha-Rav merci pour cette réponse très longue même si je n'ai pas saisi le lien entre la viticulture et la pratique des langues.

Quelques remarques :
1 - Heureusement que les 'harédim contemporains sont assez ignorants pour ne plus savoir ce que représente Zunz [et non pas qui il était, car je ne lui ferai pas l'offense de le ranger dans la même "kat" que Geiger] et qu'est ce que le Zeitschrift für die Wissenschaft des Judentums, sinon vous seriez probablement déjà en niddouï. :-)
2 - Il existe un second volume de Moshé Catane "Otzar La'azé Rashi" sur le Shass (contrairement à l'ouvrage anglais que vous mentionnez qui ne contient - si mes souvenirs sont bons - que le 'houmash et le shass, avec les 2 volumes de M. Catane on a tout le tanakh et tout le shass).
3 - Comme je l'ai également entendu de Rav 'Hayim Soloveitchik, il ne faut pas dire Sefer ha-Ora mais Sefer ha-Oré, ce qui change évidemment le sens du titre et colle mieux à la nature de l'ouvrage.
4 - Il me semble me souvenir qu'il avait répondu à la preuve que vous ramenez (manque de temps à cause des vendanges) que dans une économie entièrement centrée sur la viticulture, quelle que soit l'occupation des personnes, tout le monde est mobilisé à ce moment là et cela ne prouve pas qu'on soit un professionnel de la viticulture. Cf. également le post suivant (qui cite aussi le Pr. 'Hayim Soloveitchik) : http://seforim.blogspot.fr/2007/08/mayer-i-gruber-how-did-rashi-make.html

Je me permets de rajouter que Rav Gugenheim qui est un grand mit'amek dans Rashi répète régulièrement que l'attribution du métier de vigneron à Rahsi est une pure fantaisie.
Ma
Messages: 27
bien que cela n' ai pas un rapport evident avec les biographies:

- etant donné que vous ayez apparement étudié chez rav Guedalia, quel est votre avis concernant le livre du rav Shilat ( betorato...) supposé etre une fidele image de la pensee du rav, mais qui a ete mis en herem par une bonne partie des gdolims du monde Lithuaniens a Bne Brak ( meme par les Kanievsky, de par leur lien avec le Hazon Ich , qui ont , il me semble proteger rav Guedalia de tout " scandale" dans le monde de Bne Brak tout au long de sa vie)

-ayant étudié dans les grandes yechivotes Lithuanienes Americaines, pouvez vous en quelques phrase nous expliquer les differences flagrantes, avantage et inconvenients du monte des yechivotes Americaines et Israeliennes.
Aussi pourquoi le monde de la Thora Americain est ill si inconnu en erets?

En parlant avec des Rabbanims Israeliens, on a l' impression que depuis que Rav Kotler et Moche Feinstein sont decedes, il n' y a plus de Gdolims labas...

J' ai l' impression qu' il manque qu monde des yechivotes en israel une certaine " culture " de Thora ( pas de Limoud, mais vraiement une conaissance plus large du monde de la Thora que celui des 4 amot de leur Yechiva.
qu' en pensez vous?

Kol touv
DanouCohen
Messages: 354
Chalom Rav.

S!il n'existe que les éléments que vous évoquez, comme "preuve" que Rachi était vigneron, je les trouve bien mince; on peut tout à fait imaginer qu'il lui arrivait de faire du commerce en achetant et en revendant du vin.
Quant aux vendanges, peut-être lui arrivait il de pratiquer toutes sortes de métiers pendant certaines périodes afin de gagner suffisamment d'argent pour ensuite se consacrer pleinement à l'étude. (comme vous avez raconté sur un autre Post au sujet de l'un de vos Rabbanims qui goudronnait les routes)
À moins bien sur qu'il soit fréquent qu'il parle de son manque de disponibilités pendant les vendanges.

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DanouCohen
Messages: 354
Au fait, si ça peut vous rassurer, j'ai lu absolument tout votre message.
Et j'ai Trouvé tout ça très intéressant.

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