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Compter un enfant dans un Minyane

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MrQuestion
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Rav Wattenberg,

Est-ce vrai qu’un enfant peut compter pour le minyane ? J’avais toujours cru qu’il fallait qu’il soit Bar Mitsva.

Merci
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6815
Citation:
Est-ce vrai qu’un enfant peut compter pour le minyane ? J’avais toujours cru qu’il fallait qu’il soit Bar Mitsva.


La coutume la plus répandue est de ne pas compter un enfant pour Minian, même un jour avant sa Bar Mitsva.
Néanmoins le Shoul’han Aroukh (o’’h §55,4) mentionne que certains autorisent de compter un enfant comme 10ème (c-à-d qu’on ne pourra pas se contenter de 8 adultes et compléter avec deux enfants), à condition que l’enfant ait au moins six ans et « qu’il sache à qui on prie ».
Mais le Shoul’han Aroukh écrit que cette opinion n’est pas retenue.

Le Rama (ad loc) quant à lui, ajoute que certains ont tout de même l’habitude de compter un enfant en 10ème lorsqu’il n’y a pas d’autre choix (Beshaat Had’hak) et en lui mettant de préférence un ‘Houmash en main (certains parlent d’un ‘houmash écrit sur parchemin, cf. Ba’h cité dans le Baer Heitev sk.7).

[La qualification de « Shaat Had’hak » pourrait paraitre étrange étant donné que s’il n’y a pas Minian, ils n’ont qu’à prier sans Minian, voir ce qu’écrit à ce propos le Rav Rosen dans son Shout Nezer Hakodesh (N.Y. 1953, §7,18).]

Le Maguen Avraham écrit qu’à son époque ça se faisait (de compléter avec un enfant etc.), néanmoins on ne se basera dessus que pour dire Kadish et Barekhou, pas pour le Kadish d’après Aleinou.
Le Baer Heitev (sk.7) le cite, le Mishna Broura (sk.24) aussi cite ce Maguen Avraham mais indique que de nombreux A’haronim s’y opposent.
C’est donc déconseillé, même chez les Ashkenazim.
A plus forte raison chez les Sfaradim pour qui c’est exclu, voyez ce qu’écrit Rav Shalom Messas dans son Shout Shemesh Oumaguen (III, o’’h §63,3) et (IV, o’’h §19).
Il présente cela comme une évidence (probablement car c’est ce qui ressort du Me’haber dans le Shoul’han Aroukh), mais il est à noter que son oncle Rabbi Yossef Messas écrit dans son magnifique Otsar Hamikhtavim (III, §1843) que le Minhag répandu (au Maroc) est de compléter le minian avec un enfant Beshaat Had’hak, et il cite son oncle Rabbi David Messas qui avait écrit dans la marge de son Shoul’han Aroukh que le minhag répandu au Maghreb depuis l’époque des Rishonim est de compléter le minian avec un enfant qui a au moins 9 ans et qui a déjà commencé à mettre les Tfilines et qui les porte sur lui (ça ne marche donc pas pour Arvit).
Car la Ma’hloket concerne un enfant de 6 ans et qui porte un ‘Houmash, mais s’il a 9 ans et qu’il a les Tfilines sur lui, là les Poskim seraient tous d’accord qu’on pourrait compter un tel enfant Beshaat Had’hak.
(Il mentionne qu’il y a aussi ceux qui complètent l’absence d’un dixième adulte par la présence de deux enfants d’au moins 7 ans.)

Rabbi Yossef Messas ajoute qu’il a déjà vu cette habitude en application en Algérie, en revendiquant les directives de leurs anciens rabanim.

[Quant à l’idée de l’enfant de 9 ans qui met déjà les Tfilines, c’était aussi une habitude au Maroc de s’initier aux Tfilines bien avant les 13 ans, dès que l’enfant sait à qui on prie et qu’il sait veiller à la Kdousha des Tfilines (en évitant de s’endormir avec, et en évitant les flatulences).
Rabbi Yossef Messas lui-même écrit avoir commencé à porter les Tfilines dès ses 6 ans.
Il y a encore parmi nous plusieurs marocains qui ont fait leur Bar Mitsva à douze ans ou encore avant. Treize ans étant considéré l’âge plafond.]

Lorsque j’étais Avrekh aux Etats-Unis, étant une fois de passage en France, j’étais à la shul du « Finf und Tzwantsik » (alias le 25 Ridérozié) au Pletzl et nous étions 9 adultes et il y avait aussi 1 enfant de 12 ans.

Le rabbin (Reb Mikhel Reisz) lui a mis un ‘hamisha ‘houmshei Torah (un livre, imprimé) en main pour que l’on puisse dire Kadish et Barekhou.
C’était la première fois que je voyais ça en application, je lui ai dit que j’étais étonné, il m’a indiqué le Tosfot dans Brakhot (48a sv. Veleit) qui rapporte que certains autorisent de compter un enfant qui porte un ‘houmash, je lui ai rétorqué qu’à la suite Rabénou Tam écrit que c’est un Minhag Shtout (une habitude stupide).
Il a dit que malgré tout l’habitude existe.
Je n’étais pas convaincu, mais je m’inclinai respectueusement.

[Je crois que c’était en 1997 (ou 1996 ?), à cette époque encore, la majeure partie du Minian était yiddishisante (-mais aussi agonisante), ça discutait en yiddish et les fidèles parlaient peu ou mal le français, c’était aussi le cas de Reb Mikhel qui ne parlait pas français.
Tout ces fidèles ont disparu depuis la fin des années 90 et le début des années 2000, c’est tout un monde qui est mort avec eux, ces juifs polonais n’ont pas leur pareil en France aujourd’hui.]

Plus tard j’ai vu dans les Tshouvot Hagueonim (Shaarei Tshouva §194) que dans la ville de Rabénou Shimshon, cette habitude était en vigueur, mais il s’y opposait, comme Rabénou Tam.

Idem pour le Maharam de Rothenburg (Shout Maharam bar Baroukh, éd. Lvov, §298) pour qui il serait inconcevable de compter un enfant dans minian après que Rabénou Tam ait désapprouvé cette habitude.
Il va jusqu’à écrire qu’il faut sortir de la synagogue pour ne pas participer à cette « Takala » (=de passer outre les paroles de Rabénou Tam).
(Bien que Rabénou Tam, au départ, avait écrit un responsum où il l’autorisait en allant même jusqu’à valider la présence d’un bébé pour compléter minian. Mais il a changé d’avis par la suite, cf. Shibolei Haléket (§9).
Je précise que ce qu’il qualifie de « Minhag Shtout » (op cit) n’est pas ce qu’il autorisait au départ, la virulence du propos est dirigée contre l’idée de considérer l’apport du ‘Houmash dans les mains de l’enfant, le ‘Houmash n’aide en rien et n’en fait pas un majeur).

[La sortie de la synagogue dans ce cas n’est pas simplement une protestation, elle empêchera les autres aussi de mettre en pratique cette Koula, puisqu’ils ne seront plus que 8 adultes et 1 enfant.]

On comprend du Rambam (Hil. Tfil XII, 3) qu’il n’acceptait pas qu’un enfant puisse compter dans le minian avant ses treize ans. Et c’est d’ailleurs ce que l’on retrouve dans Massekhet Sofrim (fin de §16).

Rashi aussi s’y opposait, cf. Sefer Haoré (II, §156) et Ma’hzor Vitry (§81, p.50). C’est aussi indiqué par le Shibolei Haléket (§9) et le Shout Maharam bar Baroukh (éd. Lvov, §540).

Beaucoup de Poskim s’opposent à ce Minhag, le Elia Raba (§55, sk.5) souligne que même le Rama n’accepte pas cela et qu’il ne fait que dire ce Minhag existe et qu’il ne faut pas le reprocher à ceux qui ont déjà cette habitude, mais le Rama lui-même ne devait certainement pas la mettre en pratique, preuve en est, il est en désaccord avec le Me’haber plus loin (§199,10) et interdit d’associer un enfant au Zimoun, alors que le compter pour Zimoun est bien moins problématique que de le compter pour Minian.

Voir encore :
Pnei Mevin (§24)
Na’halat Binyamin (o’’h §32)
Na’halat Yaakov (§9)
Shev Yaakov (§6)
Mishkenot Yaakov (§69)
Avnei Tsedek (Teitelbaum) (o’’h §7)
Or Letsion (II, §5,4)
Yaskil Avdi (V, §8)
Shout Nezer Hakodesh (N.Y. 1953, §7)
Yabia Omer (IV,§9) (IX,§103,5)
Meshiv Davar (§9)
Levoushei Mordekhaï (I, §20)
Melamed Lehoïl (o’’h §4)
Torat Yekoutiel (Rosenberger) (I, §31)
Mekor ‘Haïm (§55, sk.4)
Aroukh Hashoul’han (§55,10)
‘Hayei Adam (§30,1)
Kaf Ha’haïm (§55, sk.42)
Or’hot ‘Haïm (Spinka) (§55, sk.8)
Halikhot Shlomo (§5,1).


Néanmoins, certains Poskim valident cette façon de compléter Minian Beshaat Had’hak dans certaines conditions, voir
Shout Maharsham (III, §162),
‘Helkat Yaakov (I, §93),
Maharshag (II, §40),
Doudaei Hassadé (§60),
Igrot Moshé (o’’h II, §18),
Yayin Hatov (Rav Its’hak Nissim) (I, §28)
.
Ainsi que le Shoul’han Hatahor (§55,5) qui, comme à son habitude, est ‘holek sur le Shoul’han Aroukh avec grande assurance.
Voir aussi Betsel Ha’hokhma (IV, §33).

Le Yaabets dans le Sidour Beit Yaakov (daf 43a, §8) se montre tolérant et écrit qu’il ne faut pas protester contre cette façon de faire bien que certains l’interdisent. Idem pour le Shoul’han Aroukh Harav Baal Hatanya (§55,5).

Le Rav Schneebalg (Shout Shraga Haméir VII, §76) de Londres témoigne avoir lui-même servi d’enfant pour compléter le minian, lorsqu’en 1941 les russes sont venus à Vizhnits et ont persécuté les Rabanim, ils ont sorti son père de son appartement et ont interdit à tous les habitants de lui louer un appartement, la famille est donc allée s’installer dans un village voisin où il n’y avait Minian que le Shabbat.
Mais son père souhaitant prier Beminian tous les jours tentait quand même d’organiser le minian en semaine. Il n’y arrivait pas toujours, ils étaient parfois 9, dans ces cas, son père lui mettait un ‘Houmash entre les mains afin de pouvoir dire Kadish, Kdousha et Barekhou. (il indique aussi une réponse du Radbaz (‘helek 8) qui autorise beshaat Had’hak.)

Voir aussi Shout Min Hashamayim (§53) qui demande si l’on peut associer deux enfants de 10-11 ans pour compléter Minian.
La réponse est positive.
De la simple question (où il est question de deux) on pourrait comprendre que compter un seul enfant est admis (à moins qu’il ne veuille dire qu’on ajoute deux enfants pour remplacer l’absence d’un adulte…).

En conclusion, il ne convient pas de le faire, plus particulièrement chez les Sfaradim, mais il faut savoir que cette habitude existe, bien que rare.
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