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Manger dans la rue

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AKazan
Messages: 102
Cher Rav Wattenberg,

Vos interventions sont une source si passionnante d'enseignements qu'à l'instar de Sisyphe, elles vous "condamnent" à chaque fois à de nouvelles questions (et je suis confus d'y ajouter .... ma pierre !)

En répondant à la question relative au témoignage

http://www.techouvot.com/temoignage-vp42928.html#42928

vous rappelez au passage que "cette invalidation (pour celui qui mange dans la rue) nécessite quelques précisions".

Dans un autre sujet, donc, je me permets de revenir sur ce point (étonnamment non traité dans la base de données de Techouvot) pour en savoir plus sur cet interdit, sa source et sa raison.

En vous remerciant par avance et en vous souhaitant d'excellentes choses pour cette nouvelle année !
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Je ne connais pas bien tous ces mythes et les rabbins n'aiment pas trop toute la clique des aèdes et autres « bardes grecs », surtout Homère, ils ne l'avaient pas à la bonne.

Pour le coup, ce mythe est aussi connu par Camus qui a écrit un essai sur l'absurde «Le Mythe de Sisyphe».

Si la comparaison avec le "brigand qui défia les dieux" est sévère à mon égard, elle est par contre erronée concernant le supplice qui nous est imposé;
Pousser une pierre et la faire rouler jusqu'en haut d'une montagne est vraiment démoralisant si l'on sait qu'après elle va retomber à un niveau équivalent à celui qu'elle occupait avant le déploiement de cet effort.
Tandis que dans mon cas, les nouvelles questions ne font que nous élever encore plus haut, sans aucune rechute.

Ainsi, en faisant monter notre pierre, nous nous enrichissons encore et encore, à la différence de la pierre de Sisyphe à laquelle on peut appliquer le dicton "pierre qui roule n'amasse pas mousse".
La mousse ici est la Thora et la 'ho'hma que nous pouvons "amasser" à chaque question-réponse.

Pour ce qui est de la source de cette ala'ha, elle se trouve dans messé'het Dere'h erets raba (§VIII dans l'édition basée sur la version du Gaon de Vilna) et est citée dans Kidoushin (40b), dans le Rambam (Edout §XI, 5) et dans le Shoul'han Arou'h (H’’M §34, 18).

L'idée est que celui qui mange dans la rue est comparé au chien en ce qu'il ne se respecte pas lui-même et n'a pas honte de manger devant tout le monde dans la rue. Ainsi, il est soupçonné de porter un faux témoignage pour un quelconque éventuel intérêt.

Cette idée n'est pas toujours comprise car nombreux sont ceux qui ne comprennent même plus la problématique, en quoi manger dans la rue devant tout le monde serait honteux ?
Pire encore, ceux qui ressent le problème se persuadent que c'est une phobie sociale ou autre maladie mentale.
Je ne parle pas de celui qui perdrait ses moyens s'il venait à manger une gaufrette en public mais simplement du sentiment raffiné de pudeur qui rend difficile de manger devant des inconnus.


Le chien est - selon le Maaral dans Beer Agola (beer V) et dans 'hidoushei Agadot (Kid. 40b)- l'animal le plus bas et méprisé.

Il se base sur quelques sources comme Shabbat (155b) qui décerne la palme de la pauvreté au chien et quelques versets (notamment dans Job et dans Samuel) qui indiquent que le chien n'occupe pas une place de luxe dans la Bible.

Concernant « l'interdit » comme vous dites, il ne s'agit pas toujours vraiment d'un « interdit ».

Dans le shas Yeroushalmi (Maasrot §III, 2) il apparait qu'il ne convient pas à un sage de manger dans la rue, donc pas de problème pour l'homme simple.

Ce qui pousse les rishonim à établir une distinction entre manger "des fruits" ou "du pain" (=un vrai repas).

Le bavli parlerait d'un vrai repas et ça concernerait même l'homme simple.

Cf. Rabenou Tam (dans Ritva et dans Tosfot Kidoushin 40b et dans Rosh Kid. §I, 65).

En gros, manger un gâteau ou un sandwich dans la rue est problématique (pour tout le monde), mais une cerise, non.

Il faut adapter cette ala'ha à la réalité de chaque époque. Si c'est respectable de manger un biscuit dans la rue, il n'y aura plus de problème…etc.

Aussi, celui qui mange du pain dans la rue mais la nuit, lorsqu'il n'y a personne, aucun problème non plus. (cf Méiri Kid. 40b)
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