Bonjour,
Pour ceux qui le désirent, j'ouvre ce fil pour pouvoir partager avec les autres les histoires / hespedim / hizoukim / anecdotes qui rendraient hommage À Rav Hamou Zatsal.
Je poste donc le mien. Je vous invite à faire de même. Que l'on n'entende que des bonnes nouvelles Beezrat Hachem.
Lorsqu’on voyait Rav Hamou, on était pris de crainte. Pas de cette peur qui vous bloque, pas de cette angoisse ou de ce sentiment d’être pris au piège, non. On ressentait une fascination immobilisante. J’ai d’ailleurs parlé avec des élèves à lui de plus de trente ans, eux aussi ressentaient toujours autant cette crainte. Mais quand il levait les yeux vers vous, quel bonheur, quelle immense simplicité dans ses yeux bleus, quel océan d’amour et d’empathie dans son regard !
Hachem m’a donné la chance de faire partie de la communauté de Mekor Haim. D’ailleurs personne ne dit « Mekor Haim ». On dit « chez Rav Hamou ». On prie « chez Rav Hamou », « on étudie chez Rav Hamou », « on a grandi chez Rav Hamou ». J’ai donc vu le Rav Zatsal quasiment quotidiennement ces dernières années, du moins depuis que la Kehila a déménagé. J’ai vu le Rav à 6h du matin, à minuit, j’ai vu le Rav à Pourim comme à Ticha Beav. Oui, j’ai vu le Rav. Parce que quand on dit « le Rav », on sait qui c’est dans le haut du 19e arrondissement de Paris. Pas qu’il ne manque Barouh Hachem d’autorités rabbiniques et de Talmidei Hakhamim (érudits), mais Rav Hamou est une référence. Une référence en tout. En Halakha (loi juive) et en Limoud (étude sainte) bien sûr, mais aussi en joie, en tristesse quand il faut l’être, en Yrat Shamaïm (crainte du Ciel), en gentillesse etc. Je ne répèterai pas ici ce que tout le monde sait et a entendu. Je relaterai seulement quelques anecdotes qui montrent qu’on a ici affaire à un géant.
Le Rav était une référence dans la Halakha mais pas que. Il criait littéralement quand on avait l’audace de discuter un Psak (une loi tranchée). Il vivait la Halakha. Je me rappelle lui avoir posé une question une fois, il m’a dit assour (interdit), j’ai voulu discuter « mais Rav,… ». Il a alors hurlé « ASSOUR » . Mais pas un cri de colère. Ni un cri d’énervement. Un cri d’amour qui montre qu’on ne transige pas avec les Halakha. On ne prend pas de risque lorsqu’on s’occupe de Torah. Il aimait les Talmidim (élèves) comme des enfants. Un cri du fond du cœur, un cri de Emeth (vérité)…
Par contre, il avait un vrai Ko’ha DeHétéra (force de permissivité). Je lui ai une fois demandé s’il était permis le Shabbat de rentrer dans l’immeuble si un non-juif ouvre la porte spécialement pour moi. A cette question, nombre de Rabbanim répondent consensuellement que non. Il m’a alors regardé et m’a dit : « Oui, tu peux ». Devant ma perspicacité il a ajouté « car lorsque tu attends la porte, le non-juif est « dérangé, gêné » que quelqu’un soit là. Donc quand il ouvre, il ouvre d’abord pour lui, pour faire une bonne action et t’aider et pour que le hall soit libre. Il ouvre donc pour lui et pas pour toi en réalité ». Quelle Svara (raisonnement dans l’étude) ! J’ai d’autres exemples comme celui-ci mais parlons à présent des questions plus personnelles qu’on lui posait.
Le Rav n’était pas de ces Rabbanim qui répondent la même chose à tout le monde. « Oui il faut être plus pointilleux, toujours plus, toujours plus ». Le Rav était une main de fer dans un gant de velours. Toujours dans la finesse, la tendresse et la délicatesse. Plusieurs réponses qu’il a données m’ont surprises mais des années après, il avait ô combien raison…
Le Rav était exigeant au plus haut point envers lui-même. Il ne priait pas Arvit avant la sortie des étoiles par exemple. Le deuxième jour de Shavouot de l’année dernière (jour où tout le monde est fatigué à cause de la veillée et où on veut vite manger et se reposer), nous avions tous prié Arvit après Minha. Tous, sauf lui bien-sûr. A l’heure de la nuit, je me disais donc qu’il serait bien de redescendre aider à compléter minyan (quorum). J’arrive à la synagogue et le trouve seul, à 23h10 en train d’étudier. Il n’avait bien entendu pas mangé… Il attendait le minyan. Lorsque je lui demandais ce qu’il en était du minyan, il me sourit et me dit qu’il allait arriver. A 23h25 nous eûmes minyan (12 personnes). Le Rav est ensuite rentré manger chez lui le repas de fête… Il avait bien entendu fait toute la veillée le jour précédent et prié au lever du soleil (horaire plus tardif mais plus strict au niveau de la Halakha que l’horaire de l’aube auquel on préfère généralement prier après une nuit évéillés). Le Rav n’imposait pas qu’on prie à son horaire, il n’exigeait même pas que dix hommes restent… Il faisait confiance à Hachem et se faisait tout petit… alors que c’était lui le maître des lieux !!
Autre exemple. Il existe des synagogues où un panonceau à l’entrée demande gentiment aux fidèles de n’introduire dans la synagogue des denrées qui ne sont surveillés que par certains organismes rabbiniques. Chez Rav Hamou point de tout cela. J’ai vu de mes yeux des Shabbat avec des Smahot (évènements festifs) où des banquets étaient offerts pour la communauté à l’occasion d’une Simha et où tout le monde se régalait de toutes les bonnes choses. Tout le monde sauf le Rav… Il était au centre bien sûr mais buvait un simple café avec un croissant. Il n’exigeait pas de Hekhsher (label), il n’imposait pas. Il avait les plus hauts standards de Kashrout, mais acceptait dans sa propre synagogue des labels différents quitte à ne pas manger…
Le Rav se levait régulièrement de sa place au Mizrah (à l’est) pour aller marcher toute la longueur de la synagogue et demander à un fidèle d’officier (Shaliah Tzibour). Il aurait pu faire un léger signe de tête de loin, mais non. Il venait lui demander d’être Hazane. Les grands hommes se voient aux petites choses…
Son bureau n’était d’ailleurs en rien son bureau. Tout le monde y rentrait, pouvait y prendre des Sfarim (livres) ou consulter le Otzar Hakhokhma (encyclopédie virtuelle de plus de 100 000 livres de Torah). Le Rav n’était pas attaché ni au Kavod (honneur), ni au matériel. Je ne dis pas ça parce que j’exagère. Je dis ça car je l’ai vu de mes propres yeux.
Rav Hamou accomplissait toutes les mitsvot ( commandements) avec un zèle indescriptible. Je l’ai vu de mes propres yeux, à plus de 70 ans et déjà fatigué, dormir dans la Soucca toute la semaine de Souccot, assis par terre à Ticha Beav, je l’ai vu cette année, comme un lion, faire tout le Tikoun mot à mot à Hochaana Rabba (avec les Selihot entre chaque livre). Ces images ne pourront jamais quitter ma mémoire. Il organisait des Tikoun Kareth, des Taanit Dibour, des journées de Hizouk pour hommes et femmes et des cours à n’en plus finir. Il n’était presque plus un homme. Il était une Hatikha Deorayta (un morceau de Torah). Comme il le disait souvent et l’a d’ailleurs dit et chanté à Simha Torah « Ana Avda Dekoudsha Berih Hou » : nous sommes les esclaves d’Hachem. Le service divin n’est pas un choix mais une réalité qui s’impose. Quel niveau…
Il était attaché à tous les Minhagim (us et coutumes) marocains à toute la Massoreth (tradition). Il continuait des anciens Minhagim que plus personne ne connaît aujourd’hui (je pense notamment à l’air spécial de Kriat Hatorah (lecture de la Torah) que font les juifs de Fès le jour de Pessah…). Il faisait toutes les Kinot Ktanot (petites élégies, moins connues et plus souvent omises )à Ticha Béav, il ne lésinait sur rien mais avec tellement d’amour, tellement de joie…
Je terminerai avec un point qui est le plus important et sûrement le plus révélateur : la Téfila (prière). Nos Sages qualifient la Tefila de « Dvarim Béroumo Shel Olam » (des choses qui se tiennent au pinacle du monde). Celui qui n’a pas vu Rav Hamou prier a raté quelque chose dans sa vie. Je pèse mes mots. Ses prosternations dans la Amida (prière particulière à voix basse), ses tremblements dans la Tefila, et ses larmes…
Quelles larmes… Il pleurait comme un enfant. A ce sujet Rabbi Nahman de Breslev a dit que le but ultime et de pouvoir prier comme un enfant… Il pleurait lorsqu’on lisait le Don de la Torah dans la Torah, lorsqu’on lisait des pessoukim (versets) comme la Petirah (décès) de Moché Rabénou, il pleurait lorsque Mordehay prenait le deuil, il pleurait de joie lorsque le passage était gai, il pleurait tellement à Ticha Béav, à Yom Kippour… Les larmes, on ne les commande pas. Elles sortaient du plus profond de son être.
Rav, je ne vous ai pas vu depuis Ben Hazmanim précédent. Je vous demande pardon Rav, je vous aime de tout mon cœur. Vous allez me manquer, je ne sais pas ce que la kehila (communauté) va devenir. Je me console en me disant qu’en haut, votre Tefila va sûrement hâter la Gueoula (délivrance).
La dernière fois que je vous ai parlé, je vous ai appelé pour une question à Hanouka. Quand j’ai décroché, vous m’avez immédiatement dit quelque chose qui m’a beaucoup surpris mais que maintenant je comprends. Vous m’avez dit « désolé, je ne t’ai pas dit au revoir avant que tu retournes à la Yeshiva… ».
Merci pour tout Rav.