Emouna vs Segoulot (ou sorcellerie ?)

Bonjour Rav Wattenberg, j’espère que vous allez bien et je vous remercie pour le temps que vous prenez pour répondre aux questions sur le site.

En cette période il y a de nombreux malades qui se trouvent parfois dans un état critique et malheureusement la communauté juive a déjà perdu plusieurs sommités rabbinique et modèles humains.
Selon la conception de la emouna ("confiance") et bitahon ("confiance dans la pratique") que j'ai appris de mes maîtres et qui se retrouve dans les textes (Emouna ouBtitahon du Hazon Ich, Hafets Haim al Hatora par exemple pour les contemporains) est qu'une personne qui se trouve entre la vie et la mort provient d'une décision céleste et qu'étant donné que Hachem fait le bien et le mieux pour une personne, c'est qu'à ce moment précis c'est le mieux qu'il puisse être pour lui (exemples de raisons non exhaustives: kapara (effacement des fautes) pour la personne, korban (sacrifice désigné par Dieu) pour la communauté pour éviter de nombreux décès, fin de vie prévue, mission remplie de la personne, etc...).
Mais comme parfois Dieu est prêt à modifier sa position car il attend du malade (si il a la possibilité physique de le faire), de la communauté ou de la famille (lorsque le malade n'est plus en état de le faire ou pour s'associer au malade) qu'on implore sa miséricorde par la prière pour montrer que l'on reconnait sa présence et que l'on dépend uniquement de sa volonté ou bien pour que la personne passe de la catégorie de déméritant à celle de méritant. Mais il n'en reste pas moins que si Dieu a prit une décision irrévocable (Guzéra), on pourra faire des pieds et des mains (ou plutôt des langues et des cordes vocales), la personnes décédera (barouh dayan haemet). Malgré que les prières et les efforts fournis par les personnes pour sauver le malade, ne sont pas vaines car il y a un mérite et une élévation de ces personnes ainsi que peut être un impact sur d'autres événements négatif (à nos yeux) qui auraient dû se produire mais qui ont été annulés.
Mais j'ai constaté une très forte montée d'un discours de résultat, de cause à effet : si tu fais un chapitre de téhilim comme il se doit tous les jours il guérira, si tu fais cette segoula d'allumer une bougie en invoquant le mérite de rabbi meir baal haness il guérira, si tu a un kpeda (une "dent") contre le malade tu es en quelque sorte un assassin car tu empêches sa guérison, si tu vas sur la tombe de tel tsadik les prochain lundi jeudi lundi qui se suivent il est assuré de guérir. Et voilà l'émergence de nouveaux apprenties sorciers ou de demis dieux qui peuvent de manière si facile décider à la place de notre créateur et s'octroient par la même occasion la puissance de contrecarrer ses décisions. Et le pire c'est que lorsque la guérison arrive beaucoup de personnes l'attribue à telle ou telle segoula.

1. Est-ce que ma position est entièrement en accord avec la Tora ?
2. Si les segoulot n'ont pas "force de décision" comment est-il possible que certains rabbins fassent des promesses ?
3. Quelle place accorder à ces différentes actions pour "sauver" un malade (entre ne rien faire et se rendre malade de trop en faire) ?

Cordialement

Le terme Segoula signifie un acte qui est Messougal d'apporter la solution.

A partir de là, il faut distinguer entre vraies Segoulot et élucubrations plus ou moins liées à la Torah.

Vous mélangez:


Et encore, vous avez été gentil, il y a des "segoulot" beaucoup plus délirantes sur le marché en ce moment...

L'idée de la Kpeida existe, mais pas au point de parler d'assassin, c'est largement exagéré.
Dire des tehilim est bénéfique, mais pas au point d'assurer la guérison avec 1 chapitre par jour.
La notion de lundi-jeudi-lundi existe, mais il y a là une extrapolation injustifiée, on ne peut pas "décider" que cela assure la guérison.
etc. Al Zé haderekh.

Quant à votre question:

Doit-on y répondre?
Ne savez-vous pas que ces "certains rabbins" font des promesses qu'ils ne tiennent pas?
Renseignez-vous un peu mieux et vous trouverez sur au moins 95% de ces rabbins que leurs promesses de guérison n'ont pas toujours été exaucées par le Ciel.

Mais il leur suffit d'un score voisinant les 50% de réussite pour largement diffuser leur renommée, c'est une vieille technique, qui date de la nuit des temps.

Et lorsque le béni décède quand même, ils disent que le Ciel n'a pas voulu changer la Gzeira, que "les anges se sont opposés à ma bénédiction", etc. avec des justifications indiscutables faisant appel à des notions du genre guilgoul et Cie.
Que répondre lorsqu'il vous dit avec assurance qu'il a prié pour lui avec son nom et qu'il a été exaucé, mais qu'il est mort pour les péchés de son ancien guilgoul ?
J'ai entendu des dizaines de cas, la naïveté des gens est incroyable.

Et lorsque le malade guérit, on chante les louanges de rabbi untel qui l'a béni, c'est grâce à sa bénédiction qu'il s'est remis, c'est sûr!

Les belles paroles et les actions extravagantes sont toujours une bonne publicité.
En Israël, chaque kabbaliste a fait sa petite Segoula pour repousser le coronavirus et qu'il ne sévisse pas chez les juifs etc.

Il paraît qu'une équipe de choc, formant un minian de kabbalistes -filmés pour l'occasion- avait survolé les frontières d'Israël en hélicoptère pour déclamer, tout le long des frontières, quelques incantations kabbalistiques dont ils ont le secret et ainsi bloquer l'accès au virus qui ne pourra pas pénétrer en Israël.
Tel que c'était présenté (selon ce qu'on m'a dit, je n'ai pas vu), cela correspondrait à une segoula du Zohar ou de la kabbala etc.

Je trouve cela étrange et peine à croire que le Zohar ait recommandé de survoler les frontières en hélicoptère, ce n'était pas dans les mœurs à l'époque.
Il n'y a avait pas vraiment de possibilités techniques ni les moyens d'opérer un survol des frontières de tout le pays la même journée -et beminian.

Ils ont dû trouver une vague idée qu'ils ont développée et interprétée au point d'aboutir dans un hélicoptère. ça sent le XXIème siècle à plein nez.

En tout état de cause, leur segoula n'a pas marché, car le virus a réussi à s'introduire en Erets en dépit de la muraille d'incantations qu'ils ont dressée tout autour du pays.
(peut-être par un des tunnels des palestiniens...)

Je pense tout de même que leurs prières ont pu aider un peu, comme la prière de chacun, dans son salon.
Mais je ne crois pas que cette escapade en hélicoptère ait été de nature à attendrir le bon D.ieu.
C'est surtout un coup de publicité et il aurait peut-être été préférable de de remettre à un pauvre en Tsedaka la somme que cette journée a coûté, au lieu de la dépenser ainsi.

Ecoutez les grands rabbanim et Talmidei 'Hakhamim d'Israël et d'Amérique, vous verrez qu'ils ne recommandent pas des Segoulot farfelues dont vous parlez, mais plutôt d'intensifier son Limoud, son Bein Adam La'havéro, ses Midot... Bref, de vraies Segoulot, beaucoup plus Messougalot de nous élever spirituellement que d'autres superstitions que vous n'avez pas citées mais qui se répandent facilement.

Plus haut je m’étonnais d’une virée kabbalistique en hélicoptère pour conjurer le mal et empêcher au coronavirus de pénétrer en Israël, ayant du mal à croire que le Zohar recommandait un tel survol pour contrer les forces du mal, j’y voyais une interprétation moderne du XXIème siècle.

Depuis, j’ai vu qu’au XXème siècle déjà, lors de la seconde guerre mondiale, les kabbalistes de Jérusalem étaient attirés par un baptême de l’air et avaient organisé un vol -en avion cette fois, au-dessus de Mearat Hamakhpela, pour y égorger une poule tout déclamant leurs incantations mystiques, en vue de faire mourir Hitler (à distance) !
Ils s’étaient renseignés sur le nom du Führer pour mieux le cibler dans leur malédiction, ils l’auraient appelé Hitler ben Klara (étrange, si déjà c’est Adolf ben Klara… Ce doit être pour ça que ça n’a pas marché.)

Nous constatons donc cette étrange attirance des kabbalistes pour la lévitation ou l’élévation physique (et non spirituelle), déjà à cette époque.
Les résultats semblent avoir été aussi efficace qu’à notre époque.

Plusieurs grands rabanim s’étaient opposés à ce vol kabbalistique. Voir à ce sujet Gdolei Hadorot (III, p.1167).