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Étude poussée de la Tora

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Maverick
Messages: 32
Chalom Rav,

Pour étudier la Torah de manière approfondie et poussée il faut totalement s'y consacrer. Vous validez ce constat dans votre cours sur Issakhar et Zevouloun en citant notamment Rabbi H'aïm Ben Attar et l'exemple du Rambam qui ne devint médecin que tardivement et dont l'aide financière provenait de son frère.
Pourquoi, pour accéder à la Torah, doit-on au mieux être dépendant financièrement au pire être miséreux ? Ce chemin est difficilement acceptable lorsqu'il n'engage pas que l'homme lui même mais sa femme et ses enfants. Pourquoi pensez-vous qu'Hachem en ait décidé ainsi ?

Bien à vous.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
S'y consacrer totalement n'implique pas nécessairement la misère ni même la dépendance, même s'il est vrai qu'elles seront souvent au rendez-vous.

Il faut comprendre qu'il y a une réalité que nous retrouvons dans toutes les sciences : ceux qui font « avancer » le monde sont souvent dépendants financièrement.

Plusieurs inventeurs étaient dépendants financièrement, tout chercheur l’est aussi, payé par son pays, c'est le seul moyen d'obtenir les meilleurs résultats possibles.

C'est normal, si le chercheur ne peut consacrer que trois heures par jour à sa recherche, il ira souvent moins loin que s'il y consacrait le triple.

(Bien entendu, parfois le chercheur fait aussi office d'enseignant et est payé pour ce travail)

Pensez à la somme colossale payée chaque année par le trésor national français pour subventionner la recherche dans différents domaines (pas en Talmud, c’est vrai, c’est d’ailleurs pour ça que les rabbins collectent des fonds chez les particuliers, ce que les professeurs de médecine n’ont pas besoin de faire pour aider leurs chercheurs).

Constatez que toute science qui a progressé ne l’a fait que depuis que l’on a commencé à subventionner les chercheurs dans cette discipline.

Comparez les progrès de la médecine du dernier siècle avec ceux du XIIème siècle et vous constaterez clairement que sans chercheurs subventionnés, on avance à pas de fourmi.

Bref, pour la dépendance, c’est une nécessité de ce monde.

Par contre pour la misère, là c’est autre chose et il est plus délicat de dire que ce soit la volonté de D.ieu.

Je dirais plutôt que cela résulte de l’incompréhension du reste du peuple de l’importance primordiale de cette étude.

Si les « donateurs » comprenaient leur intérêt dans ce soutien aux érudits, ils seraient souvent bien plus généreux et la misère serait moins fréquente chez les talmudistes.

Prenez exemple sur le frère du Rambam.
Qui aujourd’hui donnerait 50% de ses revenus à un érudit pour qu’il puisse étudier et « produire » de la Torah ?

Notez que même pour le Rambam, il s’agissait de son frère, mais lorsque ce dernier est passé de vie à trépas, le grand Maïmonide en personne ne trouva pas d’autres mécènes pour subventionner ses recherches.

C’est là qu’il devint médecin.
Qui sait ce qu’il aurait peut-être encore produit s’il avait trouvé un autre « zvouloun ».
Tant pis pour ceux de sa génération, tous les sfarim du Rambam ne seront associés qu’à son seul frère.

A mon avis, ceux qui en avait les moyens à l’époque et ne l’ont pas subventionné, doivent s’en mordre les doigts de là où ils sont à l’heure actuelle.

Mais je doute qu’aujourd’hui quelqu’un soit prêt à donner 50% de ses revenus à un érudit MÊME si c’est son frère.
A notre époque, nous sommes tellement attachés au matériel, tellement à l’affût de nouveaux conforts et plaisirs, qu’il paraîtrait inconcevable de se séparer de la moitié de ses gains.
Même quelqu’un qui peut techniquement vivre avec la moitié de ce qu’il gagne se dit toujours qu’en en gardant un peu plus, il pourrait se payer de plus belles vacances, une plus jolie voiture, un nouveau téléphone et autres futilités de ce genre.

Bref, la misère en question n’est pas forcément « voulue » par D.ieu, mais par les donateurs (et ceux qui ne le sont pas).

Mais il faut être honnête et reconnaître que cette misère n’est pas entièrement imputable aux autres, il y a aussi un problème dans le fait que le choix de devenir chercheur est devenu obligatoire dans certains milieux, tout le monde est « obligé » d’étudier au kollel pendant plusieurs années, même s’il n’aime pas l’étude.

Ça ne peut pas marcher, d’une part il y a trop de gens au kollel (par rapport à la population frum) et surtout, dans la mesure où ce n’est pas un choix personnel, en l’absence de motivation, les résultats ne sont pas toujours très brillants, ce qui ne peut que refroidir le donateur.

Ceci étant dit, j’ajoute une idée rabbinique qui justifie ce choix de D.ieu concernant cette nécessité d’être dépendant financièrement (car, certes, c’est une réalité incontournable, mais pourquoi D.ieu n’y change rien…).
Il se trouve que l’étude poussée n’est pas à la portée de tous, ainsi il est clair que certains juifs n’arriveront PAS à étudier toute la Torah, c’est pourquoi cette situation reste plaisante dans la mesure où ces personnes pourront s’associer à l’étude d’un chercheur et la rendre possible.

C’est vrai dans les autres domaines scientifiques aussi; celui qui aime la physique ou la médecine, mais qui malheureusement ne peut pas s’y adonner pour différentes raisons, s’il peut au moins subventionner des chercheurs, ou sponsoriser un projet ou une étude, il participera activement à cette étude qui n’aurait pas pu exister sans lui.

Certains sponsorisent aussi un sportif, lorsqu’ils pensent qu’il peut avoir de l’avenir.


Quant à ce que vous écrivez :
Citation:
Ce chemin est difficilement acceptable lorsqu'il n'engage pas que l'homme lui même mais sa femme et ses enfants

Je dois préciser qu’il n’est pas question de faire subir la pauvreté à son épouse, ce n’est qu’avec son accord que ça se fait généralement.
Si elle choisit d’épouser un kollelman, elle s’y attend un peu.
On ne saurait reprocher à rabbi Akiva d’avoir été responsable de la pauvreté dans laquelle sa femme Ra’hel est restée des années durant, elle était (plus que) consentante.

Pour ce qui est des enfants, je ne crois pas qu’il y ait aujourd’hui (au XXIème siècle) des kollelmen qui fassent subir une vie misérable à leurs enfants.
Les plus pauvres ont encore de quoi manger.
Certes pour la femme cela peut paraître difficile, car elle aurait été habituée à plus, mais les enfants ne sont pas aussi difficiles que ce que les adultes veulent l’imaginer, n’ayant jamais connu mieux, ils s'accommodent parfaitement à un mode de vie sans luxe.

Si cela porte sur leur santé ou leur bien-être (je ne parle pas d’un bien-être malmené car l’enfant n’aurait pas tout le confort possible et une chambre pour lui seul ainsi que tous les nouveaux jouets etc.), là c’est autre chose.
Il y a eu des cas graves, mais il y a maintenant bien longtemps.

Pour finir, je vous signale qu’il y a eu des talmudistes –rares, certes- qui ont échappé à cette misère en étant sponsorisé par des mécènes intelligents, comme dans le cas du Rambam et encore celui du Maharit (R. Yossef de Trani, décédé en 1639, fils du Mabit) qui était très largement sponsorisé par la famille Yaïche qui ne s’est pas contentée de lui donner de quoi vivre, mais en a fait un rabbin très riche au point qu’il a pu ouvrir sa yeshiva (entièrement financée par la même famille).

Selon le Yaabets dans Le’hem Shamayim (sur Avot V, 10) ils l’ont pris comme associé dans leur entreprise, de telle sorte qu’il en partageait les gains sans pour autant y travailler.
Rabbi Yaakov Emden conclut : « lezékher olam yiyou tsadikim kaélé » et il a bien raison. Preuve en est, même nous -sur terre, nous souvenons encore d'eux!

Je crois que depuis (-donc depuis près de 400 ans !), personne au monde ne les a imité…

Et puis, il y a ceux qui ont aussi échappé à la dépendance du donateur, des rabanim rentiers qui vivent sur un héritage familial, ça existe aussi, j’en connais quelques-uns.
Reb Manès
Messages: 33
Et pourquoi ne pas citer ceux qui ont réussi dans les deux domaines comme Rabbi lui-même ou comme le Rashash ou comme Don Isaac Abravanel et tant d'autres ?

Il en existe pas mal aux USA, par exemple, capables d'être à la tête de business florissants tout en enrichissant le Beth haMidrash de leurs 'hidoushim.
Maverick
Messages: 32
Merci de votre réponse.

Deux points cependant.

1. Je tiens à mieux comprendre le parallèle entre les chercheurs (en sciences dures) et les ameilim batorah.
Dans le cas de la recherche les avancées sont claires et touchent concrètement tout le monde, du chercheur au plus profane. Il suffit de comparer l'état de la médecine au temps de Molière et dans notre génération. Et on pourrait continuer avec le développement des télécommunications, des moyens de transports, de la biologie, etc. Mais que dire lorsque l'on compare la Torah du temps du Gaon de Vilna à la Torah de notre génération ? Et celle du AriZal par rapport à la notre ? Et celle du Rambam par rapport à la notre ? Et celle des guéonim par rapport à la notre ? Et celle des amoraïm ? Et des Tanaïm ? Et on pourrait continuer...

Quelles sont donc les découvertes des chercheurs en Talmud (et plus généralement en Torah) ?

Mais indépendamment de cela, la seule importance (intrinsèque et pour le klal Israël) du limoud torah est une raison suffisante de subventionner les ameilim batorah.

2. Sinon le faible nombre de donateurs provient certainement du fait que les gens ne prennent pas conscience de l'aspect crucial de l'étude de la Torah et que les kollelmen ne soient pas tous complètement investis dans l'étude.
Je rajouterais une raison. La condamnation de toute personne qui entreprendrait d'entrer dans le monde h'ol (étude ou travail). Car une telle personne a vendu son âme au diable ! Il entre dans la toumah ! Et s'il réussit malgré tout à être chomer Torah ce n'est que grâce au yetser hara qui s'arrange pour ne pas le faire fauter afin d'attirer d'autres juifs dans sa voie qui eux vont fauter (ça c'est véridique, on m'a fait ce reproche :) ).

{ Ce type de discours était-il tenu par le miou't de juifs envers Mordékhaï ? Puisqu'on est à Pourim, j'en profite. Mais là mon message risque de trop s'allonger. }

Peut-être que les gens ne sont pas si prompts à donner à des personnes qui condamnent violemment et sans nuances leur mode de vie. C'est humain comme réaction...
Mais heureusement que d'autres sont au-dessus de cela :)
Maverick
Messages: 32
PS : je ne suis pas meh'allel shabbat, je vous écrit juste des USA où il est 13h30
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
A Maverick:

Les découvertes en Torah dont je parle, sont celles qui vont permettre justement de retrouver cette Torah des temps reculés.

Avec le temps qui s’écoule et les différents exils, on s’est éloigné de la Torah.
Le Talmud sous sa forme actuelle est vieux d’à peu près 1500 ans, rédigé dans une langue morte, avec des expressions d’époque, s’adressant à des juifs de cette époque en fonction de leurs problématiques et des modes de pensée régnant à l’époque.

Arriver à l’interpréter de nos jours, à le lire avec une grille de lecture du XXIème siècle superposée à celle du Vème s. n’est pas donné au premier venu.
Nous avons besoin pour cela de spécialistes, de chercheurs qui vont comparer et analyser ces textes, c’est un travail qu’aucun Tana ou Amora n’a eu à faire.
Les Rishonim et les A’haronim ont déjà été confrontés à cette problématique des temps « modernes », mais à chaque génération ses défis et il est certain que tout ce que nous trouvons (de manière explicite) dans les livres de gueonim/rishonim/a’haronim reste insuffisant pour « adapter » le Talmud à notre époque.

En fait, lorsqu’on essaie de ramener la Torah à son niveau initial, c’est un travail absolument nouveau à chaque génération dans le sens où nos problèmes n’existaient pas il y a quelques siècles.

Donc oui, la Torah est différente des sciences en cela qu’elle était plus parfaite au départ et que le temps qui s’écoule depuis est synonyme de régression, mais il est faux de croire qu’il n’y a donc pas de besoin de créativité pour retrouver ce qui était clair au départ, car de nos jours, cette clarté « n’existe plus » sans passer par ces nouveaux raisonnements.

Nous devons donc créer de nouveaux raisonnements pour obtenir l’ancien résultat. (=le comprendre convenablement et pouvoir l'appliquer et l'adapter à notre monde.)

Et lorsque vous parlez de comparer « l'état de la médecine au temps de Molière et dans notre génération. »
Le parallèle avec la Torah n’est donc pas de comparer la connaissance de Torah d’il y a plusieurs siècles avec celle d’aujourd’hui, mais de comparer la connaissance de Torah sur l’ensemble du XXème siècle en fonction des villes et pays où l’étude était plus ou moins considérée et sponsorisée.

Là où on s’attachait à étudier, la Torah progressait (en ce sens qu’elle se rapprochait de la Torah d’origine dont on s’écarte naturellement avec le temps) et dans les autres villes/pays, la distance qui se créait avec la Torah était colossale.

Aujourd’hui aussi, si l’on abandonne l’étude approfondie –comme celle d’un chercheur et même plus- de la Torah, rapidement, on dérivera vers un judaïsme totalement dénaturé.

Dès qu’un hurluberlu débarquera en annonçant qu’il est le Mashia’h, les masses le croiront et on n’aura pas assez d’érudits pour vérifier et analyser ses dires et le « valider » ou le « disqualifier ».

Au XVIIème siècle, à l’époque de Shabtaï Tsvi, les rabbins classiques sont tombés dans le « piège », seuls quelques « chercheurs rabbiniques », comme le ‘Hakham Tsvi, le Rav Sasportas ou le Rav ‘Haguiz (puis plusieurs autres) ont su voir la supercherie.

Sans ces « spécialistes », il y a fort à parier que tout le peuple aurait adhéré aux thèses sabbataïstes et quelques décennies après sa mort –lorsqu’il est devenu clair aux yeux de la majorité des juifs que c’était un imposteur- nous aurions eu un abandon général du judaïsme. (voire même dix ans avant sa mort, lors de sa conversion à l’Islam en 1666.)

Sans arriver à de telles situations extrêmes du type Shabtaï Tsvi, il y aura déjà bien avant des tas de « rabanim » qui dévieront vers une religion parallèle, un mélange de mysticisme, de superstitions et de pseudo-kabbale et sans les chercheurs en Torah, on ne pourrait pas les démasquer.

Regardez aujourd’hui à quel point ces imposteurs pullulent (surtout en Israël, où la naïveté du public « croyant mais pas trop pratiquant » est étonnante), il est vrai qu’ils réussissent bien financièrement, mais leurs victimes en sont responsables car elles refusent de se renseigner avec intelligence, elles cherchent un gourou et le trouvent, qu’ils s’arrangent entre eux !
Mais il faut préserver le vrai message de la Torah malgré ces falsificateurs.

Il y a aussi le paramètre halakhique qu’il faudrait mentionner, il faut pouvoir établir une halakha juste et précise concernant les nouveautés et notamment tout ce qui est lié aux nouvelles technologies, comme les portes magnétiques, les codes, les lumières (etc.) et autres soucis des parisiens.

Je n’ai volontairement pas parlé de ça en premier, car je dois dire que le résultat est assez décevant, je trouve que nos chercheurs en halakha s’égarent souvent dans des dédales sans fin qui au final ne nous rapprochent pas de D.ieu et leurs conclusions se soldent trop souvent de manière très prévisible.

Je considère que c’est une erreur de confier le psak halakha à des chercheurs « en halakha », il faut le confier à des chercheurs en Torah –ce qui inclus toutes les disciplines de la Torah ; la halakha, la gmara, le tanakh, le midrash, hashkafa, etc.
J’en parle ici : http://techouvot.com/ben_adam_lehavero_et_la_nouvelle_religion_alaha-vt16913.html?highlight= Et peut-être aussi là : http://www.techouvot.com/se_fixer_son_propre_psak_halaha_et_faut_il_croire_a_la_magie-vt17185.html?highlight=

Les Avrekhim qui se consacrent à la halakha le font trop souvent aux dépens de la connaissance générale de la Torah et cela a des implications sur leurs psakim d’après moi.

Je cite :
Citation:
le faible nombre de donateurs … les gens ne prennent pas conscience de l'aspect crucial de l'étude de la Torah …Je rajouterais une raison. La condamnation de toute personne qui entreprendrait d'entrer dans le monde h'ol (étude ou travail). Car une telle personne a vendu son âme au diable ! Il entre dans la toumah ! Et s'il réussit malgré tout à être chomer Torah ce n'est que grâce au yetser hara qui s'arrange pour ne pas le faire fauter afin d'attirer d'autres juifs dans sa voie qui eux vont fauter (ça c'est véridique, on m'a fait ce reproche :) ).


Je note votre ajout. Intéressant.
Néanmoins, je ne sais pas si on peut le voir à l’origine du peu de donateurs étant donné que la majorité des « donateurs potentiels» n’a jamais entendu ce type de discours, car ceux qui le tiennent savent aussi l’adapter à leur auditoire :)

Mais permettez-moi de retourner (partiellement) l’argument : vous pourriez-vous dire que c’est précisément pour éviter ce genre de hashkafot (selon vous contraires à la tradition juive) qu’il conviendrait de mieux sponsoriser la recherche talmudique…
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
À Reb Manès :
Citation:
Et pourquoi ne pas citer ceux qui ont réussi dans les deux domaines comme Rabbi lui-même ou comme le Rashash ou comme Don Isaac Abravanel et tant d'autres ?


Qui vous a dit que ces trois rabbins auraient « réussi » dans les deux domaines ?

Pour Rabbi (Yehouda Hanassi), il était riche, d'accord, mais plutôt par héritage.
N'allez pas croire qu'il travaillait !

D'ailleurs son poste de Nassi le lui interdisait et comme il est devenu Nassi très jeune (à 30 ans -voir la biographie imprimée au début du Shas mishna classique et étrangement censurée dans le nouveau Shas Zekher 'Hanokh. Je crois que l'auteur de cette biographie est le fameux Rav Moshé Konitz). Il n'aurait pas eu l’occasion de vraiment travailler longtemps.

En tant que Nassi, il était très largement rémunéré et il a aussi hérité la fortune de son père (voir Yeroushalmi 'Hala IV, 4).

Rabbi était extrêment riche, mais il n'avait qu'à gérer sa fortune tant bien que mal, au final il aurait toujours à manger.

Il possédait - entre autre - quatre pressoirs à huile (Yeroushalmi Péa II, 3), des vergers dans différentes villes (Yeroushalmi Maasser Shéni IV, 1) et de grande qualité (Yeroushalmi Shabbat VI, 1 et Avoda Zara II, 2), de nombreux troupeaux, et ses taureaux étaient réputés et jalousés pour leur robustesse (Yeroushalmi Yevamot IV, 11 selon le Pnei Moshé ad loc.), ses écuries devaient assurément être des plus importantes vu la richesse de son écuyer (Baba Metsia 85a et Shabbat 113b) et nous trouvons aussi mention de ses mûlets (Shabbat 52a).

Il possédait aussi une flotte au service de ses exportations commerciales (Yeroushalmi Avoda Zara II, 9), des carosses (Shabbat 122a et Yeroushalmi Avoda Zara V, 5 et Yeroushalmi Shabbat XVII, 1)

Son amitié avec un des empereurs Antonin lui rapporta aussi une belle fortune en cadeaux (Yeroushalmi Shviit VI, 1).

Bref, nous avons affaire à un riche héritier qui n'a pas gagné sa fortune en travaillant, mais « au mieux » en la gérant avec intelligence.

Je me demande même si son expression avant de mourir « j'ai utilisé mes dix doigts pour la Torah » (lorsqu'il disait qu'il n'avait pas voulu profiter durant toute sa vie de ses richesses), ne viendrait pas justement dire que ses dix doigts n'ont travaillé qu’en Torah…


Pour le Rashash, vous faites erreur. Il ne travaillait pas du tout, sa fortune lui venait de son épouse.

C'est elle qui amenait la parnassa et se chargeait toute seule de son commerce.

Au point que l'on raconte qu'une fois, elle serait venue déranger son mari en pleine étude car un client important réclamait une garantie par la signature de son mari (du Rashash). Madame Shtrashun (=patronyme du Rashash) est donc venue chercher son mari de peur que son absence occasionne une perte d'argent conséquente. Mais ce dernier refusa, arguant qu'il n'allait pas interrompre son étude en raison des lubies d'un client.
Lorsque sa femme insista en prétextant le risque de perte, le Rav lui demanda ce qu'elle aurait fait s'il était mort et qu'un client demandait sa signature ?
(Vous pourrez lire une version de cette anecdote dans le Gdolei Hadoraot tome 2 p.682)

Bref, contrairement à ce que vous pensiez, si le Rashash a pu produire toute cette Torah, ce n'est pas en faisant fortune en parallèle. Non seulement il ne travaillait pas du tout, mais il ne participait absolument pas au gagne pain familial.
Donc oui, les Shtrashun étaient riches, mais c'est Madame qui travaillait.


Et pour le Abrabanel, il était rentier; il a hérité une grande fortune de famille de son père.
Toutefois, il est vrai qu'il occupait un poste de nature à mettre plus que du beurre dans les épinards puisqu'il était ministre des finances en Espagne sous Ferdinand et Isabelle depuis 1484 jusqu'à l'expulsion de 1492, mais ce n’était pas en France au XXIème siècle. À son époque on pouvait devenir ministre sans avoir de diplômes….

Le Abrabanel nous est essentiellement connu grâce à ses sfarim, mais il faut savoir qu'il les a rédigés durant ses périodes de chomage. Avant d'être « embauché » par Ferdinand, puis après l'expulsion.

Voir ce qu'il écrit lui-même à ce sujet dans le responsum à R. Shaoul (cf. Toldot Hassar Don Its'hak Abrabanel - Podgorze 1900 - p.19 et Kitvei Harav yehouda Arié Mimodéna -N.Y. 1906- p.14).

En définitive, c'est un peu comme pour le Rambam. On répète toujours qu'être le médecin de Saladin ne l'a pas empêché d'étudier toute cette Torah et d'écrire tous ces sfarim, mais c'est un affreux mensonge car il n'est devenu médecin que tardivement et a pu tant étudier car il était « kollelman » durant des années grâce à une association « issakhar-zvouloun ».
On ne peut pas écrire un livre comme le Mishné Torah entre deux patients.

Son fils témoigne que lors de la rédaction du Mishné Torah, le Rambam n'est pratiquement pas sorti de son bureau pendant 10 ANS !

Voir encore ce que j'ai écrit ici:

http://techouvot.com/professions-vt14074.html

(message du 17 novembre 2011 à 21h14)(ou 22h14 selon les affichages)


Tout ceci pour dire que s'il y a eu énormément de rabanim qui travaillaient (et certains étaient riches, voir ce que j'ai écrit ici:

http://techouvot.com/choix_difficile_parnassa_et_limoud-vt18524.html )


il est rarissime qu'ils aient amassé une fortune matérielle parallèlement à une fortune spirituelle.

On ne peut donc pas dire qu'il soit "tout à fait possible" et à la portée de (presque) tous de travailler en faisant fortune et en devenant talmid 'hakham, surtout de nos jours en France où le moindre diplôme nécessite d'apprendre des tas de choses pour la culture générale.


Citation:
Il en existe pas mal aux USA, par exemple, capables d'être à la tête de business florissants tout en enrichissant le Beth haMidrash de leurs 'hidoushim.

Disons qu'aux USA c'est déjà plus "facile".
Il s'agît de personnes qui ont une formation yeshivique classique et les diplômes sont réalisables dans le cadre de la halakha et en relativement peu de temps (pas de culture générale, uniquement ce qui est nécessaire).
Il est donc possible à des avrekhim de faire leurs études en peu de temps et de pouvoir travailler et bien gagner.

J'ai plusieurs amis qui étaient au Kollel avec moi à Lakewood qui ont emprunté ce chemin, sans avoir ni diplômes, ni bac, ils ont pu passer dans le "monde du travail" avec seulement quelques mois de cours intensifs en vue d'obtention d'un diplôme et s'en sortent très bien matériellement.

Mais même là, ça ne donne généralement que de "bons juifs", qui enrichissent le beth hamidrash avec leurs 'hidoushim.
Mais ça ne donne pas des spécialistes, ni des talmidei 'hakhamim d'envergure.
Maverick
Messages: 32
À Rav Wattenberg.

J'arrive mieux à saisir ce que vous signifiez par chercheurs en Torah. Il subsiste cependant quelques zones d'ombre.

Est-ce qu'il existe de tels chercheurs aujourd'hui ?

Si oui, qui sont-ils ? Où se forment-ils ? Sont-ils "nombreux" ? Coopèrent-ils ? Si quelqu'un veut sponsoriser des chercheurs en Torah à quelles institutions pourrait-il reverser ses dons ? Peut-on avoir accès aux découvertes ? Pouvez-vous citer les 5 dernières découvertes qui ont révolutionné le milieu ?

Merci pour vos réponses !
RavWattenbergForever
Messages: 3
Chlom rav Binyamin

bien que très respectueux de vos réponses, je ne peux m'empêcher de relever votre phrase, je cite
"Mais même là, ça ne donne généralement que de "bons juifs", qui enrichissent le beth hamidrash avec leurs 'hidoushim.
Mais ça ne donne pas des spécialistes, ni des talmidei 'hakhamim d'envergure."

Le "que" serait il un lapsus ?

De plus il me semble assez osé de tenter des klalim de ce genre sur les Talmidei hahkamim...
Sans vous citer des rabbanim des siècles passés (que je ne connais pas, en tous cas pas rencontrés, j'ai d'ailleurs certaines réticences à croire tout ce qu'on raconte sur eux...) je connais personnellement des Talmidei hakhamim qui travaillent et voyagent pour leur travail. (Diamants, vins... et autres yeroushot comme vous dites mais qui ne travaillent pas toutes seules !)

Talmidei hakhamim hakavana spécialistes dans plusieurs domaines de la psika et du shas et qui sont reconnus autorités dans leur matière dans le monde harédi.
Evidemment ils dorment très peu.

Vous pensez bien qu'ils dérangent, surtout quant ils habitent Bnei Brak, mais là-bas on leur pardonne avec l'excuse classique: "c'est un original, c'est un ilouy" ou bien " il est à part".

À part ou pas, ils existent bien et grace à D... sont des exemples.


Chabat chalom.
joël
Messages: 264
Shalom Rav,

Pensez vous que l'on peut dire de Rabbi Yo'hanan ben Zakaï qu'il a réussi dans les 2 domaines ?
R. Yo'ahanan ben Zakaï a vécu 120 ans : 40 ans de commerce, 40 ans d'études, 40 ans d'enseignement (Rosh Hashana 31b).

Merci pour le temps que vous nous consacrez.
Joël
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Il y a 3 messages, je commence par Joel :

Citation:
Pensez vous que l'on peut dire de Rabbi Yo'hanan ben Zakaï qu'il a réussi dans les 2 domaines ?
R. Yo'ahanan ben Zakaï a vécu 120 ans : 40 ans de commerce, 40 ans d'études, 40 ans d'enseignement (Rosh Hashana 31b).


Il n’est pas établi que RYBZ ait fait fortune, seulement qu’il ait travaillé et, croyez-moi, ce n’est pas le seul parmi les maîtres du Talmud, loin s’en faut.
Nous trouvons des rabanim du Talmud qui ont exercé toutes sortes de métiers du porteur au brasseur en passant par le mégissier ou peaussier et le puisatier sans oublier le marchand de coton et le cordonnier.

Mais au-delà de cela, je vous rappelle que ce qui nous intéresse ici, c’est de CONJUGUER les deux, d’avoir une bonne parnassa TOUT EN devenant talmid ‘hakham, or pour RYBZ, comme vous le savez, c’est précisément l’INVERSE que l’on constate !
Il n’a progressé en Torah qu’en ARRÊTANT de travailler (40 ans de commerce PUIS 40 ans d'études), il serait donc plutôt une contre-preuve à ce que vous pensiez…
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Maintenant je passe au message de Maverick :

Je cite :
Citation:
Est-ce qu'il existe de tels chercheurs aujourd'hui ?
Oui.

Citation:
Si oui, qui sont-ils ?

Vous souhaitez une liste exhaustive, l’annuaire complet ?

Citation:
Où se forment-ils ?

Ils commencent à la yeshiva, comme tous, puis ils se performent généralement dans un kollel, mais on ne peut pas pointer une école en particulier qui ne formerait que des chercheurs alors que d’autres ne formeraient que des « avrekhim ».

Citation:
Sont-ils "nombreux" ?

Relativement, oui.

Citation:
Coopèrent-ils ?

Pas assez –à mon sens.
C’est que l’annuaire en question n’existant pas, ça complique… De plus, ils n’ont pas toujours une boite mail.

Citation:
Si quelqu'un veut sponsoriser des chercheurs en Torah à quelles institutions pourrait-il reverser ses dons ?

Comme dit, il n’y a pas une institution qui « forme des chercheurs », elles sont toutes (enfin théoriquement) supposées être capables de le faire, avec plus ou moins de réussite.
Certaines n’en n’ont JAMAIS produit, d’autres en ont produit de nombreux et divers.

C’est pourquoi je trouve plus intelligent d’adresser ses dons au chercheur directement, si on en a repéré un qui vaille le coup d’être sponsorisé.
Ecoutez ce que j’en dis ici : http://www.centre-alef.fr/2013/11/issakhar-et-zvouloun-peut-on-se-faire-aider-financierement/

Citation:
Peut-on avoir accès aux découvertes ? Pouvez-vous citer les 5 dernières découvertes qui ont révolutionné le milieu ?

Encore faut-il être à même de les comprendre, c’est comme dans toute science, si vous consultez les dernières évolutions et trouvailles des chercheurs en mathématiques ou en physique, si vous n’êtes pas initié, seul un grand travail de vulgarisation pourrait vous donner un semblant de pâle idée générale du concept dans lequel il y a eu une avancée.

Je précise aussi, qu’en parlant de Torah, il ne convient pas vraiment de parler de découvertes qui auraient « révolutionné le milieu » puisque –comme dit plus haut- ces recherches ont pour but de « retrouver » la Torah d’origine, sa vraie compréhension.
Cela donnera parfois des « révolutions » sur d’éventuels domaines où l’on s’était égaré, mais ça ne ferait que ramener le peuple à la vraie Torah d’origine.

A titre de mini-exemple (j’aurais préféré trouver autre chose, mais comme aujourd’hui encore des personnes m’ont dit que ce cours avait changé leur vision de la Torah et des mitsvot ainsi que leurs rapports avec autrui), j’indiquerais ce shiour http://www.centre-alef.fr/2016/04/le-racisme/ dans lequel je m’évertue à démontrer à partir des sources classiques et des Rishonim que la hashkafa souvent admise dans certains milieux qui tient en haut mépris les non-juifs même s’ils se comportent bien, est une grave erreur ayant des répercussions néfastes à différents niveaux.

Je ne suis pas en train de dire « j’ai raison, vive moi », je dis seulement que « dans l’hypothèse où j’aurais peut-être raison », vous avez-là un exemple de découverte [ou re-découverte] du judaïsme qui permet de rectifier une hashkafa.
Il est possible que vous ne voyiez pas exactement à quel point cela peut changer des tas de choses dans la pratique du judaïsme, mais j’utilise cet exemple pour indiquer le principe d’une re-découverte de ce qui était admis fut un temps et se serait perdu ou perverti avec le temps et les exils consécutifs.

Il y aurait encore des tas d’exemples, mais ils ne sont pas toujours faciles à présenter simplement.

De manière générale, chaque ‘hidoush qui bouleverse votre vision de la Torah (ou celle de certains), qui est un ‘hidoush produit par une recherche construite et une étude approfondie, peut être considéré comme une découverte (qui est une re-découverte de la vraie vision/hashkafa) qui « révolutionne » la pensée ou l’approche habituelle.

(Attention : je parle de recherche construite et d’étude approfondie, pas d'élucubration kabbalistico-farfelue, ourdie par un ignorant.)
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
A présent je passe au troisième et dernier message, celui de Baloukim :

Je cite :
Citation:
bien que très respectueux de vos réponses, je ne peux m'empêcher de relever votre phrase

Bien que très respectueux des questions des internautes, je ne peux m'empêcher de vous conseiller de tout lire avant d'intervenir :)

Je sais que mes interventions sont parfois assez longues et l'on serait tenté de se contenter d'une lecture partielle, sans reprendre la discussion depuis le début.
Mais en lisant ma première réponse sur ce fil, vous verrez que je souhaitais expliquer l'intérêt du concept du Kollel, j'écrivais :
il y a une réalité que nous retrouvons dans toutes les sciences : ceux qui font « avancer » le monde sont souvent dépendants financièrement. Plusieurs inventeurs étaient dépendants financièrement, tout chercheur l'est aussi, payé par son pays, c'est le seul moyen d'obtenir les meilleurs résultats possibles. C'est normal, si le chercheur ne peut consacrer que trois heures par jour à sa recherche, il ira souvent moins loin que s'il y consacrait le triple.

Ne perdez pas de vue que ma phrase que vous soulevez était adressée à Reb Manès qui parlait de talmidei 'hakhamim « qui ont fait avancer la Torah », "Rabbi Yehouda Hanassi, le Rashash et le Abrabanel"…
Ainsi, lorsqu'il écrivait qu'il « en existe pas mal aux USA, par exemple, capables d'être à la tête de business florissants tout en enrichissant le Beth haMidrash de leurs 'hidoushim », je précisais que ces Baalei Batim ne sont pas comparables au Rashash


Citation:
je ne peux m'empêcher de relever votre phrase, je cite
"Mais même là, ça ne donne généralement que de "bons juifs", qui enrichissent le beth hamidrash avec leurs 'hidoushim.
Mais ça ne donne pas des spécialistes, ni des talmidei 'hakhamim d'envergure.
"

Le "que" serait-il un lapsus ?

Non, point du tout, le « que » n'est pas un lapsus, comme vous avez pu le voir, je parle de ceux qui font avancer les sciences et de ceux qui font avancer la Torah.
Et un « bon juif » qui étudie sérieusement la Torah en parallèle de l'exercice d'un métier relativement chronophage, pourra assurément enrichir le beth hamidrash de ses 'hidoushim, mais ne pourra que très rarement « faire avancer la Torah », je me cite : « C'est normal, si le chercheur ne peut consacrer que trois heures par jour à sa recherche, il ira souvent moins loin que s'il y consacrait le triple. »


Citation:
De plus il me semble assez osé de tenter des klalim de ce genre sur les Talmidei hahkamim...

Je ne suis pas certain de saisir votre intention, mais la mienne n'est pas de tenter des klalim (généralités) sur les Talmidei 'hakhamim, je ne fais que dire une évidence: celui qui se consacre à plein temps à son étude peut souvent produire plus que celui qui s'y consacre « seulement 3 ou 4 heures par jour » (pour reprendre l’expression du Drisha dans Yoré Déa §246).

Citation:
je connais personnellement des Talmidei hakhamim qui travaillent et voyagent pour leur travail. (Diamants, vins...

Là encore, vous vous égarez à double titre:
Tout d'abord si certains êtres d'exception arrivent à devenir de grands hommes de Torah tout en travaillant, cela n'indique pas que ce soit réalisable pour une personne classique, mais surtout, il convient de s'intéresser au nombre d'heures qu'ils consacrent au travail par jour !
Parle-t-on de deux-trois heures quotidiennes de TRAVAIL … ou de LIMOUD ? Ça change tout !

Car voyant vos exemples, je crois savoir de qui il s'agît (puisque je ne pense pas qu'il y ait tant de diamantaires talmidei 'hakhamim que ça).

Je connais un diamantaire talmid 'hakham, mais il ne faut pas perdre de vue qu'il ne travaille en moyenne (paraît-il) qu'une semaine sur quatre ! Ce qui signifie dans les 5 jours par mois…

Alors oui, dans ces cas-là, d'accord.

D'autant qu'il dirige plusieurs kollelim/yeshivot.
Je parle bien entendu de Rav David Leibel de Bnei Brak.

Ça ne veut pas dire qu'il doit être LE diamantaire le plus doué du monde et que c'est pour cela qu'il arrive à gagner sa vie en ne travaillant qu'une semaine par mois, je suis persuadé qu'il doit y en avoir d'autres sur terre , tout aussi talentueux, mais avides de matérialité, ils ne se contentent pas de ce qu'ils peuvent gagner en une semaine s'ils peuvent en gagner plus…

Rav Leibel, ressortissant des Yeshivot (il a étudié à Ponovezh) et ayant la tête sur les épaules (et ayant bénéficié de l'éducation de son père, le fameux rav Leibel connu des strasbourgeois), ne s'intéresse à sa parnassa qu'en tant que MOYEN. Ce n'est pas un BUT ni une raison de vivre.
Au contraire, il utilise ses gains pour faire vivre ses yeshivot, pas pour s'acheter une énième voiture, ni pour partir en croisière aux Canaries tous les trois mois.

Bien entendu, si quelqu'un arrive à suivre ce chemin, Ashrav Veashrei 'helko !
Subventionner des yeshivot en ne travaillant que très peu et réserver le plus clair de son temps au limoud, qu'espérer de mieux ?

Quant au vin, je suppose que l'on parle de la famille Nadel. Là aussi nous avons des personnes dont le temps est occupé à 90% par le limoud. Il est évident que consacrer 10% de son temps à autre chose que l'étude ne va pas entraver les résultats de cette étude.

Les kollelmen aussi « dépensent » 10% de leur temps ailleurs que dans l'étude.

S'il y en a un qu'il faut souligner, c'est mon maître Rabbi Guedalia Nadel qui a atteint des niveaux vertigineux en Torah, tout en travaillant en parallèle.
Mais bien entendu, il ne travaillait pas 8h par jour (en moyenne). Il a eu des courtes périodes où il travaillait toute la journée, elles permettaient de renflouer les caisses et dès qu'il avait assez d'argent pour se relancer dans une période de limoud, il arrêtait.

Je ne connais personne sur terre aujourd'hui (dans les pays développés) qui soit prêt à vivre dans le même dénuement que lui par amour pour la Torah.
Il vivait très simplement afin de pouvoir étudier un maximum.
Il refusait de toucher une bourse de kollelman et devait donc travailler pour gagner sa vie, mais son « niveau de vie » ferait peur aux petits français délicats bercés dans le luxe.
Voilà pourquoi son « niveau de Torah » pouvait faire peur aux plus grands de la génération.

Rabbi Guedalia ne s'intéressait pas au matériel, il a accepté toutes sortes de petits boulots ponctuels pour gagner un peu d'argent et continuer son étude, c'est ainsi qu'il est devenu un géant en Torah.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que le temps qu'il mettait dans le travail (et qui n'était donc pas utilisé pour le limoud) est INFERIEUR au temps qu'un « bon juif » (qui travaille et étudie) consacre aux promenades, aux fêtes et repas entre amis ou avec les enfants, aux vacances et au restaurant (etc.) Il y a beaucoup de temps perdu dans la vie du « bon juif » parisien, même s'il prend le temps d'étudier 3 heures par jour.

Bref, ce que je veux dire, c'est que généralement, celui qui exerce un métier « normal » n'a pas le temps de percer réellement en Torah.

La question de Maverick était de savoir pourquoi celui qui se consacre à la torah de manière approfondie et poussée est souvent « tout juste » en parnassa, ma réponse pointait donc les spécialistes de la Torah, pas les "bons baalei batim" dont parle Reb Manès. Voilà pourquoi je soulignais que ces américains « capables d'être à la tête de business florissants tout en enrichissant le Beth haMidrash de leurs 'hidoushim » ne sont pas ceux qui font avancer la Torah par leur étude.
[Je ne dis pas qu'ils ne sont pas dans le droit chemin (h"v), je dis juste que ce ne sont pas eux les « chercheurs en Torah ».]

Il y a eu dans le récent passé des cas exceptionnels de Talmidei 'hakhamim qui travaillaient, comme le grand R. Reouven Margulies, Rav Baroukh Epstein ou encore Rav Yossef Patsonovsky (dont c'était le Yohrzeit le jour où vous avez envoyé votre message, le 2 juin, 25 Iyar ), mais même à son époque, Rav Mendel Alter (fils du Sfat Emet) étonné, écrivit à son sujet : « Peut-on trouver un tel homme qui malgré ses occupations commerciales arrive à étudier autant et produire de tels 'hidoushim ? » (cf. Haskama au Pardes Yossef).
Et cetera
Messages: 94
Rav Wattenberg a écrit:
C'est pourquoi je trouve plus intelligent d'adresser ses dons au chercheur directement, si on en a repéré un qui vaille le coup d'être sponsorisé.


Je profite du sujet pour poser une question qui me dérange depuis quelque temps.

Dans votre Shiour sur Issakhar Zvouloun à 1h31m43s vous dîtes que ce n'est pas en donnant au Yéshivot et Kollélim qu'on fait avancer la Torah.
Ça ne sert qu'à éviter aux Rabbanim de chercher trop longtemps des donateurs, et ainsi ça ne fait pas avancer la Torah.

1) Au final, notre argent aura été utilisé pour permettre à des personnes d'étudier la Torah. N'est-ce pas une contribution à l'avancement de la Torah ?
Peu importe si quelqu'un d'autre aurait accompli la Mitsva de Méssayéa (aide à l'étude), si on l'accomplit soi-même on devrait en avoir le mérite.
Je ne comprends pas pourquoi non ...

2) Et puis de toute façon : comment affirmer une telle chose en public dans une conférence au centre Alef et ici sur techouvot.com, comment les Yéshivot vont tenir si les dons des gens (je ne parle pas des gros donateurs) diminuent ?

(Pour un Kolelman néanmoins, il suffirait qu'il demande à réduire sa paie du Kollel).

Je veux dire que peu importe d'avoir le plus grand Olam Haba possible (en sponsorisant personnellement un Talmid 'Hakham qui a de l'avenir), les Kollélim et surtout les Yéshivot sont indispensables au Olam Torah et les futurs Gdolim passent par là.
D'ailleurs, si ce chercheur en Torah en est arrivé à ce stade c'est grâce aux Yéshivot.

Merci d'avance pour vos éclaircissements, j'imagine ne pas être le seul à me poser la question.


P.S: Je ne sais pas quelle va être votre réponse. Désolé de vous avoir si mal compris / désolé de ne pas avoir la bonne façon d'analyser la situation, peut-être qu'il faut prendre en compte le fait que les Kollélim sont trop remplis de gens qui n'ont rien à y faire, je ne sais pas...
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Je cite :
Citation:
Dans votre Shiour sur Issakhar Zvouloun à 1h31m43s vous dîtes que ce n'est pas en donnant au Yéshivot et Kollélim qu'on fait avancer la Torah.


'Has veshalom, 'has lei lezarei deAba ! J'espère ne pas avoir dit ça comme ça ! « ce n'est pas en donnant au Yéshivot et Kollélim qu'on fait avancer la Torah » ?, mais alors comment ?

Si jamais c'est ce que j'ai dit (ou plutôt ce que j'ai prononcé), j'y apporte immédiatement une correction, mais réécoutez, j'ai certainement dû préciser que SI LES AVREKHIM N'EN TOUCHENT RIEN, alors on n'a pas fait avancer la Torah, on a juste facilité la tâche du récolteur (et s'il transforme ce temps condamné en limoud on aura au moins une part dans SON étude).
Mais il y a des kollelim où le Rosh kollel ASPIRE à donner des bonus aux avrekhim et s'y applique dès que les « recettes » le permettent.
Dans ce cas, on fait réellement avancer la Torah.

Citation:
1) Au final, notre argent aura été utilisé pour permettre à des personnes d'étudier la Torah. N'est-ce pas une contribution à l'avancement de la Torah ? Peu importe si quelqu'un d'autre aurait accompli la Mitsva de Méssayéa (aide à l'étude), si on l'accomplit soi-même on devrait en avoir le mérite.
Je ne comprends pas pourquoi non ...


Si, si, bien sûr, si vous parlez de « mérite », en effet, vous avez un mérite.

Ce dont je parle ce n'est pas « d'entretenir » la Torah, mais la faire AVANCER.

Celui qui participe aux frais d'un kollel/yeshiva/beth Hamidrash/… a bien entendu un « mérite », il entretient l'étude de la Torah, c'est une très grande mitsva, si grande qu'on peut se demander s'il y a mieux à faire, mais en fait… il y a encore mieux !
Et c'est d'entretenir la Torah tout en la faisant avancer !

On peut considérer le limoud hatorah comme indispensable au titre de « im lo briti yomam valayla… », c'est déjà énorme, mais il y a encore plus : il y a permettre un PROGRÈS de la Torah.

Si une personne souhaite donner une grande somme à la Torah, au lieu de se contenter « d'entretenir » la Torah, il peut espérer faire encore mieux : faire AVANCER la Torah !

C'est dans ce contexte que je dis que celui qui irait offrir une grande somme à un kollel ne sera pas toujours aussi « bénéfique » à la Torah que s'il sponsorisait directement un avrekh/des avrekhim.

Il pourrait faire AVANCER réellement la Torah, or si en finale, le rosh kollel en ressort le seul gagnant (car il n'aura pas à voyager pour ses collectes durant un ou deux ans), il faut être conscient que ce n'est « que » SA torah à qui l'on permet d'avancer.

J'ai mentionné cette idée tout récemment dans un de mes shiourim du shabbat au Centre Alef.
Pour l'illustrer, j'ai parlé de ce qui s'est passé dans un kollel précis où un donateur était venu pour offrir une très grande somme en pensant permettre à une centaine d'avrekhim du kollel de pouvoir se plonger dans leur étude sans avoir de soucis de parnassa pour quelques années, mais en finale, son don astronomique n'a absolument RIEN changé au quotidien des avrekhim !

C'est dans ce but que je parle de cela, afin de mettre en garde et éveiller tout potentiel donateur à considérer cet écueil et agir en conséquence.

Au-delà de cela, l'arrangement dit « Issakhar-Zvouloun » est nettement préférable au système du kollel, même au niveau halakhique.
Le système du kollel n'existe que parce que s'il fallait attendre les Zvouloun, on pourrait attendre longtemps, hélas.
Donc, entre rien et le kollel, ce dernier est préférable, mais idéalement, il vaut mieux être Issakhar que kollelman.


Citation:
2) Et puis de toute façon : comment affirmer une telle chose en public dans une conférence au centre Alef et ici sur techouvot.com,

Comme dit, j'espère ne pas avoir présenté les choses comme vous les écriviez, mais bien en expliquant que je ne parle que du cas où le kollelman ne touche rien du don en finale (-ce qui est malheureusement trop souvent le cas).
Si j'ai malencontreusement énoncé les choses comme vous le faisiez, veuillez considérer cela comme une erreur, ce n’est absolument pas ce que je voulais dire.

(si quelqu'un écoute ce shiour, merci de confirmer/infirmer que j’ai bien mentionné l'idée des avrekhim qui ne toucheraient rien en finale.)


Citation:
comment les Yéshivot vont tenir si les dons des gens (je ne parle pas des gros donateurs) diminuent ?

Remarquez que je parle du Kollel, pas de la yeshiva.
En effet, cette dernière n'a pas pour vocation de payer ses élèves, au contraire, ce sont les élèves qui paient pour profiter des enseignements qui y sont dispensés.
Ainsi, tout don à une yeshiva, dans la mesure où il [/s'il] contribue effectivement au bon déroulement des études (paie des enseignants, nourriture, électricité, eau,…), il permet à la Torah d'être étudiée.

Le souci se présente plus souvent dans un kollel où la paie des avrekhim est fixe (et hélas, nettement insuffisante). Si mon don arrive dans la poche des avrekhim en « bonus », j'ai fait avancer/progresser la Torah, alors que si mon don y arrive en tant que paie habituelle que les avrekhim auraient de toute façon reçue SANS mon élan subit de tsedaka, grâce aux dons fixes et habituels du kollel par exemple, je n'aurais pas fait AVANCER la torah, je l'aurais certes entretenue, mais j'aurais pu faire plus.

Vous allez me dire que ce soit moi ou un autre, il faut bien faire vivre ce kollel, je répondrais ne pas en être sûr.
Pourquoi faudrait-il faire vivre CE kollel ?
Notre but est de faire vivre la Torah, mais pas nécessairement dans CE kollel.

Vous allez encore me dire, oui, mais si tout le monde se dit ça, en finale il n'y aura plus de kollelim.
Je répondrais: en effet, mais les avrekhim seront sponsorisés par des Zvouloun :)

La vérité, c'est que le système Issakhar-Zvouloun permet de mieux cibler les étudiants, afin de mieux sponsoriser les éléments sérieux (et donc prometteurs).
Alors que le kollel distribue la même paie à tous ses inscrits, même si d'aucuns se permettent une assiduité toute relative.

Pas tous les kollelmen sont animés des mêmes motivations, il y a parfois, dans le MÊME kollel, assis sur le même banc, un étudiant qui aspire à étudier plein de torah, alors que son voisin se « contente » d'accomplir la mitsva d'étudier la Torah, lorsqu'il le peut, sans plus.
L'un sera tout feu tout flamme pour réviser une énième fois son traité, alors que l'autre se contentera de pointer au kollel et y étudier près de six heures par jour.
(et je ne parle pas des batlanim qui étudient 3 heures par jour, dont la présence pèse sur le budget du kollel…)

Vous comprendrez donc que même en donnant à un kollel, il est bon de se renseigner pour savoir si c'est un kollel globalement sérieux.

Citation:
(Pour un Kolelman néanmoins, il suffirait qu'il demande à réduire sa paie du Kollel).

Pas compris.


Citation:
Je veux dire que peu importe d'avoir le plus grand Olam Haba possible (en sponsorisant personnellement un Talmid 'Hakham qui a de l'avenir), les Kollélim et surtout les Yéshivot sont indispensables au Olam Torah et les futurs Gdolim passent par là.


En effet, précisément, comme vous le dites, le but n'est pas d'avoir le plus grand Olam Haba [c'est ce que j'appelais plus haut « résonner en mérite »].

Le but est de faire AVANCER la torah et de former des Gdolim Batorah, de vrais talmidei 'hakhamim indispensables à la survie du « vrai judaïsme », pas seulement « gagner des zkhouyot ».

Soutenir l'étude de la Torah participe forcément un peu de près ou de loin au progrès de la Torah, même en sponsorisant un petit beth hamidrash dans une banlieue paumée, cela permettra d'élever un peu le niveau de quelques baalei batim, qui sauront grâce à cela - en finale - être un peu plus futés et avisés dans le choix de la yeshiva pour leurs fils, qui sauront aussi présenter à leurs enfants un judaïsme pas totalement farfelu (etc……) et tout cela peut faciliter la progression d'un futur yeshiviste…

Mais si on en a la possibilité, on peut aussi faire progresser la Torah de manière plus concrète, comme en sponsorisant convenablement des avrekhim engagés et sérieux.
C'est ce dont je parlais dans ce shiour sur Issakhar-Zvouloun.

J'ai connu des avrekhim d'un sérieux quasiment parfait, d'une volonté d'apprendre toute la torah comme on en rencontre peu, d'une assiduité hors du commun, d'une force morale remarquable, mais qui étaient contraints de travailler dans toutes sortes de petits boulots en dehors des heures de sdarim, afin de trouver de quoi payer leur loyer ou la scolarité de leurs enfants.

Allez savoir combien de précieuse Torah a été perdue par toutes ces heures de travail… Et pendant ce temps, il y avait des donateurs qui donnaient aux kollelim et même au kollel où CES avrekhim étudiaient. Ça a fait un peu de vacances aux récolteurs attitrés du Kollel, mais ces avrekhim n'ont connu aucun soulagement et ont continué à devoir gagner leur parnassa la nuit et à l'heure du repas, tout en étudiant comme ils le pouvaient le reste du temps.

Si ces donateurs avaient été renseignés, ils auraient plutôt réalisé des contrats Issakhar-Zvouloun avec ces avrekhim prometteurs et la connaissance de la Torah en serait sortie gagnante.
[Et même lorsqu'un donateur y a pensé, en finale il s'est laissé convaincre de donner son don "au Kollel" en général, pas à des avrekhim/un groupe précis]


Citation:
peut-être qu'il faut prendre en compte le fait que les Kollélim sont trop remplis de gens qui n'ont rien à y faire

En effet, ce problème existe parfois, j'en parle un peu plus haut.
Et le système Issakhar-Zvouloun permet non seulement une sélection, mais pourrait aussi créer une motivation et « mitokh shelo lishma ba lishma ». (Psa'him 50b, Erkhin 16b, Sotah 22a et 47a, Horayot 10b, Sanhedrin 105b).

Il y aura de toute façon toujours des donateurs qui préféreront donner « au kollel » plutôt qu'aux avrekhim - et ce, pour plusieurs raisons - soit parce qu'ils ne connaissent pas un avrekh particulièrement « intéressant » pour miser dessus, soit parce qu'ils préfèrent avoir leur nom en grandes lettres sur le bâtiment du Kollel, soit pour avoir la reconnaissance des rabanim, soit parce qu'ils n'ont jamais lu ni entendu mon conseil à ce sujet :)

Donc je me permets de donner ce conseil à qui voudra l'entendre, sans craindre que cela ferme tous les kollelim, d'autant qu'idéalement, si on pouvait revenir à une sponsorisation des avrekhim plutôt que d'un kollel, tout le monde y serait gagnant.

Reste un souci: Le manque de publicité du donateur qui sponsorise un avrekh inconnu pourrait refroidir certains et les subventions seraient plus maigres.
Mais comme je le disais, celui qui souhaite gagner la publicité préférera toujours donner au Kollel (et avoir son nom gravé sur le mur), donc que ces donateurs continuent, mais aux autres d'êtres plus intelligents…
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