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Etudier le Coran ?

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michaelmkl
Messages: 105
Bonjour Rav j'aimerai étudier les livres qui traitent des autres religions tels le Coran, le nouveau testament, les Evangiles...

Je voulais savoir avant : est-ce Moutar ? Conseillé ?

Je sais que la Verité ne se trouve pas las bas mais je voudrais connaitre ce qui est dit ailleurs pour le situer , et aussi un petit peu par curiosité

Merci
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Citation:
Bonjour Rav j'aimerai étudier les livres qui traitent des autres religions tels le Coran, le nouveau testament, les Evangiles...
Je voulais savoir avant : est-ce Moutar ? Conseillé ?
Je sais que la Verité ne se trouve pas las bas mais je voudrais connaitre ce qui est dit ailleurs pour le situer , et aussi un petit peu par curiosité


Le Coran n’est pas un livre d’Ovdei Avoda Zara, mais le Rambam écrit (Hil. Avoda Zara §II, 2-3) : qu’il nous est défendu de lire -non seulement les livres d’idolâtrie, mais aussi tout ce qui entraîne à une pensée contraire à l’un des points fondamentaux (Ikarim) de la Torah (cf. Vayikra XIX, 4 et Dvarim XII, 30), car la pensée humaine est faible et [savoir faire efficacement le tri afin d’]accéder clairement à la vérité n’est pas donné à tout le monde.

C’est pourquoi la Torah nous défend de lire les livres qui s’opposent aux fondements de la Emouna, afin d’éviter que le lecteur n’étant pas doté des facultés nécessaires, se retrouve à errer entre Emouna et Kfira, entretenant des doutes sur D.ieu, sur la prophétie, sur l’authenticité de la Torah, etc. (cf. Bamidbar XV, 39 et Brakhot 12b).

C’est ce qui est dit dans Sanhedrin (90a) au sujet des Sfarim Ha’hitsonim.

Resterait à définir dans quelle mesure pourrait-on établir avec assurance que le Coran irait à l’encontre d’un des Ikarim de la foi juive…
Ce point sera sujet à discussion, car la liste des Ikarim l’est elle-même amplement.

Le Coran semble contredire certains Ikarim, comme celui qui stipule que la Torah ne sera pas changée/abrogée/annulée/remplacée. Or, le Coran considère être un livre venant confirmer la Torah certes, mais aussi la dépasser et qu’il prévaut sur elle. Cf. par exemple : Coran (V,48).

Ce point à lui seul peut lui conférer le statut de livre interdit dénoncé dans le Mishné Torah.

Voici les mots du Rambam, écourtés par endroits :

ספרים רבים חברו עובדי כוכבים בעבודתה ... צונו הקב"ה שלא לקרות באותן הספרים כלל ולא נהרהר בה ולא בדבר מדבריה. ואפלו להסתכל בדמות הצורה אסור שנאמר "אל תפנו אל האלילים". ובענין הזה נאמר "ופן תדרש לאלהיהם לאמר איכה יעבדו", שלא תשאל על דרך עבודתה היאך היא אף על פי שאין אתה עובדה, שדבר זה גורם להפנות אחריה ולעשות כמה שהן עושין ...
ולא עבודת כוכבים בלבד הוא שאסור להפנות אחריה במחשבה אלא כל מחשבה שהוא גורם לו לאדם לעקר עקר מעקרי התורה מוזהרין אנו שלא להעלותה על לבנו... מפני שדעתו של אדם קצרה ולא כל הדעות יכולין להשיג האמת על בריו. ואם ימשך כל אדם אחר מחשבות לבו נמצא מחריב את העולם לפי קצר דעתו. כיצד. פעמים יתור אחר עבודת כוכבים ופעמים יחשב ביחוד הבורא שמא הוא שמא אינו. מה למעלה ומה למטה מה לפנים ומה לאחור. ופעמים בנבואה שמא היא אמת שמא היא אינה. ופעמים בתורה שמא היא מן השמים שמא אינה...ונמצא יוצא לידי מינות. ועל ענין זה הזהירה תורה ונאמר בה "ולא תתרו אחרי לבבכם ואחרי עיניכם ...". כלומר לא ימשך כל אחד מכם אחר דעתו הקצרה וידמה שמחשבתו משגת האמת. כך אמרו "אחרי לבבכם זו מינות"


Il existe cependant des « dérogations », dans le cas où cette lecture a pour but de pouvoir [juger les contrevenants ou encore] répondre et contrer les arguments que l’on nous opposerait, cf. Sanhedrin (68a) et Avoda Zara (18a) : לא תלמד לעשות לעשות אי אתה למד אבל אתה למד להבין ולהורות et voir aussi Avot (II, 14) : ודע מה שתשיב לאפיקורוס

Ce type de dérogation est possible car ce n’est pas la lecture en elle-même qui constituerait un problème, mais plutôt les traces qu’elle laisserait sur la personne [et c’est pourquoi, selon Rav Wasserman (Kobets Shiourim II, §47, 12), le Rambam omet de son livre הקורא בספרים החיצונים...].

Voilà pourquoi, lorsqu’on sait que cette lecture ne laissera pas de trace et que l’intention est pure (להבין ולהורות), c’est autorisé.

Mais ceci est réservé à ceux qui sont en mesure de pouvoir mener cette « mission » à bien, comme nous le voyons dans les mots du Rambam cité : ולא כל הדעות יכולין להשיג האמת על בריו
(et voir aussi Piroush Hamishnayot du Rambam sur Avot II, 14).

Et comme l’écrit le Rivash (§45), si le Rambam lui-même a lu des livres dont il faut savoir se tenir à l’écart, c’est parce qu’il en avait les moyens et avait étudié toute la Torah AVANT cela, כי הוא למד קודם לכן כל התורה כולה בשלמות.

Il est donc recommandé d’étudier la Torah avant de vouloir jouer les chevaliers pourfendeurs d’Apikorsim et l’usage veut que l’on ne se déclare pas soi-même « au niveau » de pouvoir s’aventurer dans ces lectures. Idéalement, on aura recours à l’autorisation d’un Rav.

Le fait d’avoir eu accès au Talmud n’est pas suffisant, d’autres aspects doivent être pris en compte.
Au point que les ‘Hazal soient allés jusqu’à dire que ce type de lecture y était certainement pour quelque chose dans le terrible accident de parcours d’Elisha Ben Avouya « A’her », qui était pourtant un maître Tannaïque et connaissait la Torah orale et écrite. Cf. ‘Haguiga (14b) : בשעה שהיה עומד מבית המדרש הרבה ספרי מינין נושרין מחיקו

Ceci étant dit, il eût été dérangeant que le message soit « lis la Torah et rien d’autre, surtout pas ce qui la contredit », car on pourrait avoir des doutes sur la motivation d’un tel interdit…
Mais ça n’est pas le cas, il n’y a aucun problème à lire des opinions contraires à la Torah dans la mesure où l’on connait déjà bien cette Torah et que la démarche est Leshem Shamayim.
Quant à l’interdit, il est nécessaire et justifié comme l’écrit le Rambam (op cit) pour la majeure partie du peuple qui ne peut pas se hisser à un niveau lui permettant de mener à bien toutes les réflexions nécessaires et indispensables pour y voir clair.

Celui qui ne connait pas encore assez bien la Torah ou celui qui n’est pas doté des facultés cognitives requises pour affronter cette démarche, devra s’en remettre à des personnes de confiance pour leur analyse des Sifrei Minim.

Vous écrivez :

Citation:
je voudrais connaitre ce qui est dit ailleurs pour le situer , et aussi un petit peu par curiosité

Je comprends votre curiosité, mais il y a largement de quoi l’assouvir et occuper votre esprit avec la littérature rabbinique qui ne cesse de surprendre et d’émerveiller ceux qui s’y plongent.
SI vous souhaitez toutefois absolument voir un peu ce qui se passe dans le Coran, vous pourriez commencer en lisant le livre de ‘Haï Bar Zeev, « Une lecture juive du Coran » ou similaire…

Ceci étant dit, si vous avez déjà lu Torah et Talmud, et que vous souhaitez lire à présent le Coran (à des moments/endroits où le problème de Bitoul Torah ne se pose pas), votre connaissance talmudique a déjà dû vous renseigner et on ne peut pas comparer le Coran à des Sifrei Avoda Zara, car le Coran reconnait le Yi’houd Hashem et s’oppose au polythéisme.

Je vous suggérerais tout de même d’en demander l’autorisation à un Possek au titre de להבין ולהורות.

Je m'aperçois que votre question portait aussi sur le Nouveau Testament, là c'est encore plus corsé et le recours au Heiter au titre de להבין ולהורות est indispensable.

Mais au-delà de l'aspect Halakhique, je tiens à préciser que je trouve assez déplorables les situations où des juifs lisent le Coran ou les Évangiles avant même d'avoir lu le Talmud entièrement ne serait-ce qu'une fois.
Pourquoi aller chercher ailleurs pour mieux situer la religion, alors qu'il y a déjà de quoi mieux la situer en lisant la littérature rabbinique?

Je ne parle pas pour celui qui aurait déjà lu tout son Talmud, où là, seuls les aspects Halakhiques mentionnés plus haut entrent en ligne de compte, mais comment se mettre à lire les livres d'autres religions avant de se documenter sur celle que l'on pratique ou à laquelle on adhère?

PS: je ne me relis pas, veuillez excuser les fautes.
michaelmkl
Messages: 105
Woaw ! Merci Rav pour cette réponse complète et précise !!

Mais il reste un point que je n'ai pas bien compris si vous pourriez m'éclaircir :

Vous citez l'exemple d'Elisha Ben Abouya qui aurait été influencé par la lecture de tels livres.

D'autre part je suis allé voir le Rivash en question (§45 qui est d'ailleurs très intéressant et essentiel à mon goût ... encore une fois Merci bcp !) qui dit que le Rambam lui-même s'est fait influencé par de telles lectures, la même chose pour le Ralbag (il me semble)

Je me demande donc : Comment un Rabbin de nos jours (ou de n'importe qu'elle époque) pourrait se permettre de lire ou de donner un heiter quand bien même la personne aurait étudié le Talmud correctement (il me semble que c'est votre intention lorsque vous parlez "d'avoir lu le Talmud au moins une fois") et avec une intention leshem shamayim quand des Grands sont "tombés" ? Le risque n'est-il pas toujours présent ?

Ps : Oui j'ai l'air d'avoir changé d'avis après la lecture de ce Rivash
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Citation:
Vous citez l'exemple d'Elisha Ben Abouya qui aurait été influencé par la lecture de tels livres.… le Rivash en question … qui dit que le Rambam lui-même s'est fait influencé par de telles lectures… Comment un Rabbin de nos jours … pourrait se permettre de lire … quand bien même la personne aurait étudié le Talmud correctement … quand des Grands sont "tombés" ? Le risque n'est-il pas toujours présent ?


Le Rivash n’est pas le seul à reprocher au Rambam des déviances, le plus connu pour cela est assurément le Gaon de Vilna (YD §179).

Mais il n’y est pas question de déviance suite à la lecture de livres d’autres religions, le reproche est une déviance suite à des lectures d’ouvrages philosophiques.

La lecture du Coran n’a pas perturbé le Rambam.

Quant à Elisha ben Avouya, vous remarquerez que selon la Gmara citée, il lisait ces livres à l’époque où il était encore kasher et les Rabbanim ne le lui ont pas reproché à ce moment.
C’était toléré, justement parce qu’étant donné qu’il connaissait bien la Torah, cela ne représentait pas un danger conséquent.

Il se trouve qu’il a tout de même changé de cap, mais tant qu’il restait fidèle à la Torah (et érudit), ça ne lui était pas reproché.
On peut donc légitimement supposer que d’autres maîtres du Talmud ont lu des livres de ce style et qu’il ne leur serait rien arrivé, justement parce qu’ils connaissaient bien la Torah et étaient intentionnés Leshem Shamayim.
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