Généralement, ce sont les sfaradim qui disent Koneihem, les ashkenazim disent Konam.
Il y a cependant d’anciens sidourim/ma’hzorim nossa’h Ashkenaze qui indiquent Koneihem.
(voir par exemple l’ancien sidour de Lublin, cité par Freimann dans Hatsofé Le’hokhmat Israel X, p284)
(voir aussi Minhagot Wermayza (=minhaguei Worms) Makhon Yeroushalayim 1987, p.356, qui indique de dire Koneihem dans Kel Adon).
C’est probablement une correction grammaticale tardive (de R. I. Satanow) qui préfère Konam.
On trouve dans trois prières cette possibilité de versions différentes:
Dans le Yotser, dans Birkat Halevana et dans Kel Adon (le shabbat).
Pour Kel Adon, on serait tenté d’avoir une préférence pour Konam, afin de justifier la rime avec Haolam et Bevoam qui précèdent.
Néanmoins, les autres vers ne riment pas vraiment, on ne peut donc pas en tirer de conclusion.
[De plus, les rimes n'étaient pas valorisées à cet époque, ce n'est que tardivement que c'est devenu "à la mode".
Ce que j'écris ici est un peu rapide pour ce sujet, mais comme je m'apprête à écrire assez longuement sur la question de Koneihem ou Konam, je ne peux pas me permettre de m'étaler plus en détail sur la notion de rimes chez les 'Hazal et les Rishonim.
Je le ferai BLI NEDER si un internaute ouvre un AUTRE post en demandant si l'on trouve des rimes dans la Bible et chez les 'Hazal, mais ici, il ne va pas y avoir assez de place :) ]
De nombreux auteurs A’haronim se sont élevés contre ce Nossa’h en expliquant que « koneihem » קוניהם indique un pluriel et va à l’encontre du principe d’unicité de D.ieu.
Voir Atéret Zkénim (§59) qui supprime le Youd pour obtenir קונהם (Konéhem) [voir aussi Ma’hzor Bnei Roma].
Le Gaon de Vilna dans Maassé Rav (§34) opte plutôt pour קונם (Konam) et je crois que c’est aussi le choix du Baal Hatanya dans son Sidour Tehilat Hashem (que je ne possède pas pour vérifier, j’espère m’en souvenir et le faire à la synagogue) et c’est le Nossa’h que nous trouvons dans le Tour (O’’H §426).
Voir aussi le Shout Rabbi Moshé Provençal (§10) et surtout ce qu’écrit le Rav qui lui envoie la question, de manière très virulente à l’encontre de la version « koneihem ».
J’ai cependant retrouvé cette expression dans le Midrash Zouta sur Shir Hashirim (§1):
מושלים ביצרם לעשות רצון קוניהם
Voir aussi Brayta DeMaassé Merkava (§4 et §6) et Massekhet Heikhalot (§4 –dans Beit Hamidrash p.42 et 43 et §6, p.44).
C’est une expression qui se retrouve dans différents Sifrei Kabbala d’auteurs sfarades comme dans:
le commentaire du Ramak sur Sefer Yetsira (§5),
R. H. Vital dans Mevo Shearim (Jérusalem 1985, p.309),
R. Shlomo Molko dans Sefer Hamefoar (Varsovie 1883, daf 13c),
Avodat Hakodesh (Ibn Gabay)(‘helek hayi’houd, §XIX, daf 19a),
Shaarei Ora (Guikatila)(Shaar 5, Varsovie 1883, daf 58b)
et dans le ‘Hemdat Hayamim (II, Rosh ‘hodesh, birkat halevana §5, p.73 et pessa’h 2, p.390) (III, yom kippour 6, p.290, soukot 4, 13, p.405).
On la retrouve dans les Sidourim sfarades dans le Yotser (et parfois aussi dans Birkat Halevana il me semble).
Voir aussi le
Maharam Alaskar dans Mirkevet Hamishné sur Avot (I, 2),
le Mabit dans Beit Elokim (Shaar Hatfila §19, p.93, Shaar Hayessodot §10, p.184, et §52, p.479),
R. Yehouda ben Yakar (Piroush Hatfilot, Jérusalem 1979, p.25 et p.102),
le Radbaz (Migdal David, Shir Hashirim §4, daf 42a)
et différents a’haronim sfarades, comme le
‘Hida dans Kesher Goudal (10, §7) et dans Kissé Ra’hamim (Sofrim §20) [voir aussi son Shout Tov Ayin (§VII, p.13)],
le Meam Loez (Bereshit, p.57), (Dvarim p.378) et (Yehoshoua p.170),
le Ben Ish ‘Haï (Shemot, §3),
Rabbi ‘Haim Pallagi dans Zekhira Le’haim (début de Vayikra, daf 39a),
le Pélé Yoets (Ahavat Réim p.13, Torah p.311) (-voir aussi Havta’ha p.82 où il écrit les deux indifféremment Konam et Koneihem),
Rabbi Avraham Didi de Tunis (fin de sa hakdama à son Vayaas Avraham, Livourne 1890),
Etsba Ktana (§188, Izmir 1876, daf 28b),
R. Avraham Ashkenazi dans Darash Avraham (Vayigash, Salonique 1841, daf 49a).
Voir aussi le Baer Heitev (§59, 1) qui cite le Le’hem Rav (§1) et le Arizal qui optaient pour Koneihem קוניהם.
C’est aussi une expression qu’on retrouve sous la plume du Maharal (Netivot Olam, Netiv Haavoda §11, p.109), qui avait pour version une différence entre le Yotser (Koneihem) et Birkat Halevana (Konam) (-cf. aussi Netiv Haavoda §13, p.119, où il justifie Koneihem comme n’étant pas problématique).
Voir encore son ‘Hidoushei Agadot (Makot fin de perek 2) et son Tiferet Israel (§XVI).
Le Le’hem Rav (op cit) justifie l’emploi du pluriel en soulignant que c’est la tournure habituelle pour le terme Elokim, comme dans Yehoshoua (XXIV, 19) « Elokim Kedoshim » (et non « kadosh »).
Mais le Shaarei Tshouva (§59, 1) indique qu’il n’est pas nécessaire d’avoir recours à cette explication, car il faut comprendre le pluriel קוניהם comme se rapportant aux נקנים (et non au קונה).
J’ai vu que c’est aussi le Nossa’h dans le Sidour du Yaabets (daf 59b) pour le Yotser (mais pas dans Birkat Halevana –daf 220b).
Il est aussi cité par le Anaf Yossef (Otsar Hatfilot daf 133a).
C’est aussi le Nossa’h dans le
Seder Rav Amram Gaon (Varsovie 1865, daf 4b),
ainsi que dans le Aboudarham (yotser),
Rambam (seder Tfilot, dans le Fraenkel c’est p.325, brakha rishona) et dans Hil. Brakhot (§X, 16) (mais l’édition de Venise indiquait Konam, cf. Fraenkel, Yalkout Shinouyei Nos’haot, p.67),
Sefer Hashkol (Rosh ‘hodesh 54a),
Behag (Mekitsei Nirdamim, p.148),
Nimoukei Yossef (Sanhedrin 41a, d’’h Garsinan, daf 14a dans les dapim du Rif. Il est à noter toutefois que le Ba’h corrige le texte du Nimoukei Yossef en Konam),
Tania Rabati (daf 36a et b),
Or’hot ‘Haim (Rosh ‘Hodesh §11),
Rabeinou Yona (Drashot, Jérusalem 1980, p.96),
Ma’hzor Vitry (§89, 160, 202) dans l’ancienne édition cf. p.65 et 154),
Méiri (Sanhedrin 42a),
Shibolei Haléket (§167, daf 67a),
Tosfot (Hadar Zkénim, Vaéra, p.149),
Abrabanel (Dvarim X, p.108), (Yeshaya VI, p.57) et (Ye’hezkel 1, p.542),
Tseida Laderekh (maamar 1 klal 3, daf 36a et maamar 4 fin de klal 2, daf 102b),
Rabbi Avraham Aboulafia (Otsar Eden Haganouz, Jérusalem 2000, p.216),
le Smak (§151, Yerid Hasfarim 2005, p.124),
Menorat Hamaor (Ner Revii, hakdama, Mantoue 1563, daf 79a).
Dans le Pri ‘Hadash (o’’h §426) aussi nous trouvons (dans Birkat Halevana) le nossa’h « koneihem » qui n’est pas à comprendre comme un pluriel –comme justifié par le verset dans Yeshaya (42, 5) בורא השמים ונוטיהם et dans Kohelet (XII, 1) וזכור את בוראיך.
Il indique que c’est aussi la version de Birkat Halevana dans le Rif (en fin de 4ème chapitre de Brakhot), mais dans le Rif dont je dispose (et vous aussi) il est écrit Konam.
Il devait y avoir différentes versions, car dans le Shout Le’hem Rav (§1) aussi, Rabbi Avraham de Boton (auteur du Le’hem Mishné) écrivait que le Rif indiquait la version Koneihem…
Nous trouvons aussi dans le commentaire du Maharal sur le Rif de Brakhot (édité dans Yeshouroun II, p.98) qu’il avait Koneihem dans la version du Rif.
J’ai vu ça encore dans les annotations de Albeck sur le Sefer Hashkol (éd. Albeck, p.140, note 14).
Je n’ai pas de moyen de vérifier les anciennes versions du Rif.
Mais il est étonnant de la part du Kaf Ha’haim (§426, sk.6) de s’être contenté de copier ce qu’écrivait le Pri ‘Hadash sans vérifier par lui-même et constater que ce n’est pas ce que nous avons comme version dans le Rif.
Toutefois, une partie des commentateurs indique une autre interprétation de ce verset de Yeshaya, qui voit bien un pluriel dans le mot ונוטיהם mais il ne se rapporterait pas à D.ieu, seulement aux étoiles.
C’est ce que reproche au Pri ‘Hadash le Tslota DeAvraham dans la partie Emek Brakha (Mossad Harav Kook 2016, p.253 et 255), en soulignant que c’est aussi la lecture du Midrash (Bereshit Raba §12).
C’est aussi la lecture du Shaarei Tshouva (§59, 1) cité plus haut.
Néanmoins, nous trouvons aussi chez les Rishonim l’idée du Pri ‘Hadash, par exemple dans le Radak (Yeshaya 42, 5) qui justifie le pluriel de Noteihem, à l’instar du verset (Tehilim 149, 2) ישמח ישראל בעושיו.
On pourrait aussi indiquer le verset dans Bereshit (XL, 1) « Laadoneihem » au lieu de « laadonam ».
Voir aussi Bereshit (39, 20) et Shoftim (III, 25).
[Voir encore Rashi Bereshit (35, 7), Ibn Ezra Bereshit (1,1) et Radak dans son Mikhlol (119a)].
Voir aussi ce qu’écrit le Pilpoula ‘Harifta sur le Kitsour Piskei Harosh (Sanhedrin §5), en justifiant le pluriel comme dans (Dvarim X, 17) Elokei Haélokim Vaadonei Haadonim. (voir aussi le Tikoun Tfila dans Otsar Hatfilot daf 133a)
Pour ce qui est de la preuve à partir du verset de Kohelet, le Emek Brakha (op cit) la repousse avec des arguments peu convaincants que je ne reproduis pas ici dans un souci de concision.
Rabbi Shaoul Hacohen, dans Tfilat Cohen (daf 135a) (et dans l’édition de 2014, p.573) soutient le nossa’h « Koneihem » en indiquant le verset de Yeshaya (42, 5) cité plus haut.
Dans le commentaire Tfila Ledavid, il cite rabbi Méir Mazouz qui cite encore d’autres preuves et mentionne Rav Matityahou Shtrashon (le fils du Rashash) dans son Miv’har Ktavim (p.29) qui mentionne le Shout Le’hem rav (op cit), puis il indique le Torah Tmima (Haftara de Bereshit) qui explique le verset de Yeshaya (42, 5) plus ou moins comme le Tslota DeAvraham (op cit) et le Shaarei Tshouva (et je m’étonne que Rabbi Méir Mazouz n’ait pas mentionné ce Shaarei Tshouva au lieu du Torah Tmima) et que selon cette lecture, il n’y aurait plus de preuve.
(Rav Mazouz a été devancé en cela par le Tslota DeAvraham).
Il termine tout de même avec une préférence pour Konéhem sans Youd, afin de marquer notre volonté d’éviter l’erreur de compréhension.
Concernant Birkat Halevana, nous trouvons dans la Gmara Sanhedrin (42a) ainsi que dans le R. ‘Hananel (ad loc), le Nossa’h « Konam » et il semblerait que ce soit aussi la version qui se trouve dans les anciennes Gmarot.
Le Dikdoukei Sofrim (sanh. 42a, note khaf) indique toutefois une variante dans certains manuscrits et que ça serait la version du Shas Soncino.
Ça reste à vérifier car il écrit aussi étrangement que c’est la version du Tour et ce n’est pas le cas.
Voir encore Dikdoukei Sofrim Brakhot (59b note khaf).
Mais dans Otsar Hagueonim (Sanh. P.348) sur cette Gmara (Sanhedrin 42a) nous avons Koneihem
et c’est aussi la version qu’avaient dans cette gmara:
le Sefer Hameorot (fin de 4eme perek de Brakhot, N.Y. 1964, p.100),
Sefer Hatadir (§XV, N.Y. 1992, p.202),
Sefer Habatim (XIII, 17, N.Y. 1983, p.170),
le Sefer Haeshkol (éd. Albeck, p.140)
et le Menorat Hamaor (perek Hatfila, N.Y. 1929, p.203).
Voir encore:
Likoutei Maharia’h (daf 99a),
‘Hidoushei Hamalbim (Zva’him 77b),
Darkei ‘HaimVeshalom (§432, note 3),
‘Hidoushei R. E. Gutmacher (Meguila 2a),
Shout Assé Lekha Rav (VI, p.320, §7),
Sdei ‘Hemed (maarekhet Rosh Hashana III, 10),
Igueret Hamelitsa (Margolies)(daf 30a),
Otsar Ha’haim (Braunroth)(Pietrekow 1930, daf 77b §5),
Hakdama Haklalit lesidour R. Shabtay Sofer (Frankfort 1909, p.72),
Shout Rivevot Ephraïm (III, §53),
Kiriat ‘Hana David (Skali)(II, §4, Jérusalem 1936, 1b),
Shout Shemen Rokéa’h Ha’hadashot (III, O’’H, §32, 3).
Il y a encore d'autres Sfarim qui débattent de ce sujet et tentent d'apporter des preuves, certains sont cités dans les titres que j'ai cités ici, mais je me contente de ça, il y a déjà de quoi approfondir.
De plus, je suis certain qu'on trouverait encore d'autres Sfarim en utilisant le moteur de recherche Bar Ilan.
En bref, certains préfèrent Konam , car Koneihem laisse entendre un pluriel, mais je me demande si c’est vrai en Lashon Hakodesh (en langage biblique).
Il est possible que cette distinction qui nous paraît évidente ne le soit qu’en hébreu moderne, pas en hébreu biblique.
Dans ce dernier, Koneihem peut s’entendre comme Konam, le pluriel n’étant là que par rapport aux נקנים pas au קונה (comme l'explication donnée par le Shaarei Tshouva (§59, 1)).
C’est –je pense- l’explication de la réponse de Rabbi Yossef Messas dans Otsar Hamikhtavim (III, §1444) qui indique plusieurs versets desquels nous voyons ce type de pluriel, comme ומראיהן רע qui signifie ומראה שלהן ; bref, il faut savoir distinguer l’hébreu moderne de l’hébreu biblique et les prières sont basées sur ce dernier.
Voir Moré Halashon (Lerner)(Vilna 1898, p.71, note 2).
Je m'étais préparé à être long, mais pas tant que ça. Je n'ai pas le temps de me relire et j'ai des dizaines de sfarim sur mon bureau à ranger, j'espère que ce message ne comporte pas trop de fautes...
Dernière édition par Rav Binyamin Wattenberg le Mar 17 Décembre 2024, 9:53; édité 1 fois