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Tefilin attachés par un goy

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MrQuestion
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Rav Wattenberg,

Dernièrement j’ai assisté à une bar-mitsvah d’un membre de ma famille, la coutume est d’appeler des proches pour faire un tour avec la lanière sur le bras du bar-mitsvah. Il se trouve que l’oncle du bar-mitzsah n’est pas juif et ils l’ont appelé à faire lui aussi un des tours de la lanières. Le rav de la synagogue ne savait pas que l’oncle n’est pas juif. Je ne savais pas si je devais réagir car ça aurait fait une humiliation publique à l’oncle même s’il ne cache pas qu’il est goy. Je n’ai rien dis mais j’ai des remords que le jeune bar-mitsvah a peut être pas été quitte des téfillin le jour de sa bar-mitsvah par ma faute.

Que dois-je faire ou qu’aurai-je du faire ?
Est ce de ma responsabilité d’intervenir ? je ne suis pas rav.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6685
Citation:
J’ai assisté à une bar-mitzvah d’un membre de ma famille, la coutume est d’appeler des proches pour faire un tour avec la lanière sur le bras du bar-mitzvah. Il se trouve que l’oncle du bar-mitzvah n’est pas juif et ils l’ont appelé à faire lui aussi un des tours de la lanières. Le rav de la synagogue ne savait pas que l’oncle n’est pas juif. Je ne savais pas si je devais réagir car ça aurait fait une humiliation publique à l’oncle même s’il ne cache pas qu’il est goy. Je n’ai rien dis mais j’ai des remords que le jeune bar-mitzvah a peut être pas été quitte des téfillines le jour de sa bar-mitzvah par ma faute. Que dois-je faire ou qu’aurai-je du faire ? est ce de ma responsabilité d’intervenir ? je ne suis pas rav.


Ne vous inquiétez pas, le Bar Mitsva est quitte de la Mitsva des Tfilines, même si l’oncle goy lui a enroulé un tour de lanière sur le bras, et vous avez bien fait de ne pas réagir, car il n’y a aucun problème à cela.

Là où il y a (selon certains) un doute, c’est s’il lui a « mis » les Tfilines, c-à-d lui poser et attacher le boitier sur le bras et sur la tête [cf. Hagahot Mamoniot hil. Tsitsit (§1, sk.9), Shout ‘Hayei Halévy (II, §1), Pit’hei Tshouva (§39)], mais les enroulements de lanière autour du bras ne posent pas problème.
[On comprendra aussi du Tshouvot Vehanhagot (II, §25) qu’il est préférable d’éviter qu’un non-juif mette les tfilines à un juif, idem pour une femme, puisque non concernée. Voir aussi Shout Teshourat Shay (I, §618) (II,§23) Vayashev Moshé (Zorger) (I,§92).]

Et même s’il lui avait entièrement mis les Tfilines, l’avis général des Poskim est que ce n’est pas problématique.

Le Shout Maharam Shik (§15) écrit qu’une femme peut mettre à un homme les Tfilines car elle peut accomplir les commandements positifs dépendants du temps. Cet argument étrange laisse entendre qu’un non-juif ne pourrait pas mettre à un juif les Tfilines.
C’est bizarre car, l’opinion générale est de dire que la Mitsva consiste à avoir les Tfilines sur soi, et non en l’acte de les poser sur soi.
Du coup, peu importe comment les Tfilines se retrouvent sur lui, il est quitte.

La Halakha est donc qu’on ne s’intéresse pas à celui qui pose les tfilines, on est quitte dans tous les cas.
Voir :
Shout Maharshag (II, §120)
Shout Ma’hané ‘Haïm (III, §6)
Shout Yehouda Yaalé (§19)
Shout Birkat Retsé (Orenstein) (§104)
Shout Erets Tsvi (I, §8)
Shout Sheérit Israel (o’’h §9)
Shout Beèr Moshé (IV, §6)
Min’hat Shlomo (II, §4)
Shout Kinian Torah Bahalakha (II, §120)
Yabia Omer (IX, §7)
Tsits Eliezer (XIII, §7)

Voir encore Shevet Halévy (I, o’’h §8), Shout Olat Ish (§1), et Bessamim Rosh (Kassa Deharsena §100).

Cependant, ces A’haronim considèrent, comme on l’a dit, que la Mitsva est d’avoir les Tfilines sur soi (et non de les « mettre/poser » sur soi) et cela indique donc qu’un non-juif peut les mettre à un juif et le fait qu’il (le non-juif) ne soit pas « Bar ‘Hiyouva » (concerné par la mitsva) ne porte pas à conséquence, car poser les Tfilines n’est qu’un Hekhsher Mitsva (un acte nécessaire pour accomplir la Maitsva) mais pas « la mitsva » elle-même.

Toutefois, le Rogatshover (Tsafnat Panéa’h hil. Tfilin IV,4) considère que ceci est vrai pour les Tfilines de la tête, mais pour les Tfilines du bras, la mitsva serait de les « poser/mettre » (et non de « les avoir sur soi »), c’est ce qui s’entend aussi dans la différence entre les Brakhot ; Lehania’h pour le Shel Yad car la Mitsva est de les « poser » sur soi, tandis que l’on fait (coutume ashkenaze) la Brakha « Al Mitsvat Tfilin » sur le Shel Rosh car la Mitsva est de les avoir sur soi.
La même idée se retrouve aussi chez R. Yossef Engel (Guilyonei Hashas Yeroushalmi Zraïm I, §44 -daf 52a), attribuée au Shas Yeroushalmi.

J’apporte des preuves à cette position dans un shiour accessible ici : https://www.centre-alef.fr/3113/ ou là : https://chiourim.com/les-tefilines/ .

D’après cette idée, on ne pourra pas accepter qu’un non-juif mette les Tfilines du bras à un juif, mais il pourrait lui mettre les Tfilines de la tête. (Je suis étonné des très nombreux A’haronim du XXème siècle donnant l’impression de ne pas avoir vu cette idée du Rogatshover et de ne pas en tenir compte du tout.)

Cependant, le Beit Yossef (o’’h §25) écrit une idée opposée selon laquelle le choix des ‘Hazal de fixer la Brakha avec le terme « Lehania’h » et non « Likshor » (qui aurait été plus logique pour suivre l’expression du verset de la Torah), était afin d’éviter qu’on se trompe en pensant que « Likshor » (s’attacher les Tfilines sur soi) suffirait pour accomplir la Mitsva, alors que la mitsva n’est pas (l’action) de se les attacher sur soi, mais (le fait) de les avoir sur soi.

On comprend aussi la même chose du Rosh (Psa’him I,§10) qui explique la différence entre les Brakhot qui sont formulées « asher kideshanou bemitsvotav vetsivanou AL … » et celles qui sont formulées « asher kideshanou bemitsvotav vetsivanou Le… » comme « Lehania’h Tfilin » (qui n’est pas « Al Hana’hat Tfilin »), ou « Lehitatef Betsitsit » etc.
Le Rosh explique donc que les Brakhot en « Le… » sont pour les Mitsvot qui durent et s’étalent dans le temps (et celles qui sont en « AL … » sont pour les Mitsvot qui s’accomplissent en un instant).
On voit donc que « Lehania’h Tfilin » indique que la mitsva ne s’accomplit pas en un simple instant (celui de poser les tfilines sur soi), mais qu’il faut les « avoir sur soi ».

A priori, d’après ça, l’idée est inversée et le non-juif peut mettre au juif les Tfilines du bras et non de la tête…

Par contre, quoi qu’il en soit, il ne convient pas trop de laisser l’honneur à un non-juif de mettre les Tfilines à un Bar Mitsva, on choisira plutôt des personnes concernées elles aussi par cette Mitsva.
Cette halakha (acceptant qu’un non-juif mette les Tfilines à un juif) doit donc essentiellement servir « sans tenir compte du kavod qu’on y joindrait », par exemple pour une personne âgée ou malade qui ne peut pas mettre ses tfilines seule, là, un goy peut les lui mettre…

Dans ce cas, on préfèrera aussi un homme Goy à « une juive qui n’est pas de sa famille », en raison de la crainte des Hirhourim, sauf s’il est malade à un point où l’on ne craint pas de hirhour (Shout Kinian Torah Bahalakha II, §120).

Il y aurait encore beaucoup à redire, ne serait-ce que sur le Beit Yossef et le Rosh qui semblent contredire le Rogatshover (et R. Y. Engel) et sur les halakhot qui en découleraient, je le fais légèrement dans le cours indiqué plus haut (sans aborder le sujet du non-juif qui nous intéresse ici), il aurait fallu en dire un peu plus ici, mais comme c’est déjà long, je m’arrête là, dans la mesure où votre question portait sur enrouler la lanière et non placer le boitier lui-même sur le bras du Bar Mitsva.

Je ne prends pas non plus le temps de me relire, désolé pour les fautes.
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