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Sionisme les mitsvot seraient facultatives en France ?

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HZZ
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Bonjour Rav, j'espère que vous allez bien.

J'ai une question concernant le courant sioniste qui se base sur des maamaré hazal (que je ne saurais citer, par manque de connaissances, désolé).

Est-il vrai qu'il y a un Rachi qui dit que toute notre avoda en houts laarets n'est qu'une préparation ? Si oui, comment s'arranger avec ces différentes sources qui "tuent" notre avoda ?

Merci d'avance !
Rav Binyamin Wattenberg
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Citation:
J'ai une question concernant le courant sioniste qui se base sur des maamaré hazal (que je ne saurais cité par manque de connaissances, désolé).
Est il vrai qu'il y a un Rachi qui dit que toute notre avoda en houts laarets n'est qu'une préparation? Si oui, comment s'arranger avec ces différentes sources qui "tuent" notre avoda?



Ce n’est pas exact.
Le Rashi dont vous parlez des trouve dans Dvarim (11,18). Il dit ceci :
Même après votre départ en exil, soyez distingués par les Mitsvot, mettez les Tfilines, faites des Mezouzot, afin que (ces Mitsvot) ne soient pas nouvelles pour vous lorsque vous reviendrez (en Israël).
אף לאחר שתגלו היו מצוינים במצוות, הניחו תפילין, עשו מזוזות, כדי שלא יהיו לכם חדשים כשתחזרו

Ce texte cité par Rashi est en réalité un texte du Sifrei (Ekev §7).
Le Ramban (Vayikra 18,25) le mentionne, dans le cadre de sa Shita très particulière selon laquelle la raison d’être essentielle des Mitsvot est de s’accomplir en Erets Israel.
Le Ramban est connu pour son opinion qui maintient la Mitsva min hatorah de Yishouv Erets Israel même de nos jours.

Mais lui-même (le Ramban) se considère en Ma’hloket avec Rashi sur ce point ;
Le verset (Bamidbar 33,53) dit והורשתם את הארץ וישבתם בה (Vous conquerrez ainsi le pays et vous vous y établirez), Rashi (ad loc) (à l’instar d’Onkelos) le comprend comme une promesse et non comme un précepte, « vous conquerrez » dans le sens de « vous allez conquérir ».
Le Ramban (Bamidbar 33,53) en déduit que Rashi considère qu’il n’y a pas de Mitsva de Yishouv Erets Israel (on pourrait aussi le comprendre de Rashi Brakhot 57a), et s’y oppose.
C’est pourquoi il interprétera le verset dans le sens d’une injonction, c’est un précepte, une Mitsva.

Le Or Ha’haïm et le Mizra’hi (ad loc) préfèrent la lecture de Rashi (et Onkelos) à celle du Ramban.

Il y a de longues discussions concernant l’opinion du Rambam (Maïmonide) sur la question, ce dernier omettant la Mitsva de Yishouv Erets Israel de son code, nombreux sont ceux qui en comprennent qu’il se positionnerait comme Rashi et non comme le Ramban.
D’ailleurs, le Ramban le souligne dans ses remarques/ critiques, les Hassagot sur le Sefer Hamitsvot du Rambam, lui reprochant d’omettre cette Mitsva qui s’applique (selon Ramban) de nos jours aussi.

Quoi qu’il en soit, pour le Ramban, il y a, de nos jours aussi, une Mitsva min hatorah de Yishouv E.I. et, comme on l’a dit, il mentionne ce texte du Sifrei pour montrer à quel point cette Mitsva serait essentielle.

Il convient de remarquer que le même Rashi qui considère qu’il n’y a pas de Mitsva de Yishouv E.I. (du moins selon le Ramban), cite quand même ce texte du Sifrei.

Il y a effectivement des gens irresponsables et qui comprennent mal la Torah, qui se plaisent à raconter que les Mistvot ne s’appliquent qu’en Israël et que tant que vous êtes en ‘Houts Laarets, les Mitsvot n’existeraient qu’à titre d’entrainement et seraient donc un peu facultatives.
C’est une erreur.
Même le Ramban qui interprète le Sifrei dans ce sens (celui de l’entrainement) ne considèrerait pas pour autant que cela puisse amoindrir un tant soit peu le caractère obligatoire des Mistvot en dehors d’Israël.
Le Maharal le souligne dans Gour Arié (Dvarim 11,18).

Si l’on imaginait être « non-concernés » par les Mitsvot en étant en ‘Houts Laarets, il en résulterait que le Mitsva de faire la Aliya (tant soulignée par le Ramban) n’existerait pas, puisqu’en étant en ‘Houts Laarets nous ne serions pas vraiment tenu de respecter les Mitsvot.

L’idée du Ramban est donc autre.
En parlant d’entrainement (‘Hinoukh) ce qu’il veut dire est que l’accomplissement optimal doit se faire en Israël, mais ça reste un véritable accomplissement des Mitsvot même en ‘Houts Laarets.

Plusieurs auteurs s’opposent au Ramban en soulignant que les Tfilines (dont il parle, Tfilines et Mezouzot) sont des Mitsvot liées au corps (‘Hovat Hagouf), et par conséquent indépendantes de la géographie.
C’est ce que l’on voit dans la Gmara Kidoushin (37b) qui nous dit que la Mitsva des Tfilines concerne aussi ‘houts laarets. [et voir Rashi Kidoushin (37a sv. Venohaguin) et Tosfot (ad loc. sv. Harei), et voir encore Pnei Yehoshoua (ad loc.) qui propose une autre source à partir de Bekhorot (4a) -il a été devancé sans le savoir par le Raavad, rapporté par le fils du Ritva cité par le Torah Shleima (III, 12, p.247)].
Voir aussi, de manière plus explicite, le Yeroushalmi Kidoushin (§1,8).

Mais il me semble évident que le Ramban n’a jamais eu l’intention de dire que la qualité de « Mitsva » puisse pâtir de la présence de la personne en ‘Houts Laarets, c’est uniquement la « qualité de la Mitsva » qui varierait en fonction du pays, c-à-d sur un plan philosophique, pas sur un plan pratique.

[Le Ramban lui-même, dans Kidoushin (daf 37) cite le Yeroushalmi (op cit) pour justifier le ‘Hiyouv Tfilin en ‘houts laarets.
Et même si certains ont compris de ses mots (Ramban Vayikra 18,25) que l’obligation ne serait que Miderabanan en ‘houts laarets, c’est une erreur, et son intention est clairement comme ce que j’ai écrit, comme on le voit aussi dans son commentaire de la Torah plus loin (Ramban Dvarim 11,18).]

De la même manière qu’on pourrait dire qu’entre deux personnes qui mettent les Tfilines, l’une d’elles en sachant ce qui est écrit à l’intérieur des Tfilines et en en connaissant les Halakhot, alors que l’autre ignorerait tout ça, que leur Mitsva n’a pas la même valeur, bien qu’il s’agisse d’un ‘Hiyouv du même niveau.

De nombreux A’haronim, choqués par les propos du Sifrei qui relèguerait l’accomplissement de Tfilines et Mezouza en ‘Houts Laarets au simple statut d’entrainement, ont proposé une interprétation nouvelle dans cette phrase emblématique du sionisme religieux.
Ils disent que le texte portait :
אף לאחר שתגלו היו מצוינים במצוות, ה"ת ע"מ, כדי שלא יהיו לכם חדשים כשתחזרו

Et ces Rashei Teivot ה"ת ע"מ auraient donné הניחו תפילין, עשו מזוזות alors qu’en réalité cela voulait dire הפרישו תרומות, עשרו מעשרות (prélevez la Trouma et le Maasser), c-à-d que le Sifrei nous dit de continuer la Mitsva des prélèvements même en dehors d’Israël, pour ne pas que ces Mitsvot se perdent durant la Galout.
Il ne s’agirait donc que de ces Mitsvot liées à la terre qui auraient valeur d’entrainement…
C’est ce qui est rapporté au nom du Gaon de Vilna par Rav Moshé Ginzburg (Zikaron Bassefer, Kountras Taout Haolam, p.5 §42). On retrouve cette explication aussi dans Tel Talpiot (1895 IV, p.104).

Le texte même du Sifrei ne comporte pas cette précision sur les Mitsvot, il ne parle ni de Tfilines et Mezouza ni de Troumot et Maasrot, il dit :
אע"פ שאני מגלה אתכם מן הארץ לח"ל, היו מצויינים במצות שכשאתם חוזרים לא יהיו לכם חדשים

Le Netsiv dans son commentaire sur le Sifrei (Emek Hanetsiv, III, p.69) écrit que cela se rapporte même sur ce dont on est théoriquement dispensé en ‘Houts Laarets, comme les Troumot et Maasrot, puis il indique que Rashi et Ramban citent ce texte en mentionnant les exemples de Tfilines et Mezouzot (הניחו תפילין, עשו מזוזות), ce qui m’avait fait penser, à l’époque, en lisant ce Netsiv, qu’il était possible que la source qui mentionnait תפילין ומזוזה était peut-être rédigée (dans la version d’origine de Rashi et Ramban) en Rashei Teivot sous cette forme : תו"מ qui aurait été interprétée (par un des copistes) תפילין ומזוזה , alors que ça voulait dire תרומות ומעשרות.
Puis j’ai lu ce qu’écrit le Rav Ginzburg au nom du Gaon, qui reprend les termes mêmes qui sont mentionnés dans Rashi et Ramban (הניחו תפילין, עשו מזוזות) pour proposer une autre erreur d’interprétation des Rashei Teivot qui voulaient dire הפרישו תרומות, עשרו מעשרות.

J’ai ensuite vu que j’avais été devancé pour ma proposition (תו"מ) par le Haktav Vehakabala (Dvarim 11,18), ainsi que par l’excellent Reb Dovid Kohn dans son livre Avraham Yaguel Its’hak Yeranen (p.98) et dans son livre Héakov Lemishor (p.14).

Le regretté Rav Moshé Tsuriel-Weiss, dans ses annotations sur le Haktav Vehakabala (II, p.1123) indique que d’autres Sfarim ont proposé cette lecture (תו"מ), et certains l’ont fait au nom du Gaon de Vilna (alors que Rav Ginzburg rapporte en son nom l’autre proposition).
Je crois me souvenir aussi de la même chose dans le Mekor Baroukh (mais je ne me souviens plus de la page).

Dans mon Shiour sur ce sujet, j’avais proposé une nouvelle compréhension du Sifrei, même si l’on s’en tient à la version de Rashi et Ramban telle qu’elle nous est parvenue (c-à-d en parlant de Tfilines et Mezouza). Quand il est dit
אף לאחר שתגלו היו מצוינים במצוות, הניחו תפילין, עשו מזוזות, כדי שלא יהיו לכם חדשים כשתחזרו
l’expression « היו מצוינים במצוות » ne signifie pas « soyez distingués par les Mitsvot » dans le sens de « accomplissez » les Mitsvot (pour qu’elles ne soient pas nouvelles lorsque vous reviendrez en Israël…), mais cela veut dire accomplissez les Mitsvot de manière à vous distinguer.

Cela vient exclure par exemple de placer sa Mezouza à l’intérieur de l’appartement pour ne pas paraître différent des non-juifs (je ne parle pas des cas où il y a un danger, mais de ceux qui placent la mezouza à l’intérieur même lorsque tout va bien, dans les pays où tout va bien). Car, dans un souci de discrétion, on pourrait être amené à accomplir les Mitsvot de manière déformée et ainsi, au bout de la Galout, en revenant en Israël, on ne se souviendrait même plus que la place de la Mezouza est à l’extérieur.
(Idem pour la Menorah de ‘Hanouka qui s’allume souvent à l’intérieur en ‘Houts Laarets et ça a été validé par les Poskim, mais il ne faut pas oublier la Halakha d’origine.)
Idem pour toutes les Mitsvot qui ne doivent pas pâtir de notre situation d’exilés TANT QUE CE N’EST PAS NECESSAIRE.

Je veux dire par-là qu’il est important de respecter le pays dans lequel on se trouve et qu’il n’est pas question de chercher à se distinguer des non-juifs AUX YEUX DES NON-JUIFS. L’idée de se distinguer est dite par rapport aux juifs, mais on ne nous demande pas de faire RESSENTIR aux non-juifs que nous sommes différents.
C’est une nécessité (absolue) pour NOUS de le ressentir, mais il n’est aucunement nécessaire de s’investir dans une démarche de publicité extravagante de nos différences, enfreignant en cela le devoir basique de respect et de discrétion dans l’espace public.
Nous nous devons de respecter le pays dans lequel nous sommes (-non, ça ne veut pas dire qu’il est autorisé d’écrire le shabbat lorsqu’un examen tombe samedi), il faut veiller à ne pas porter atteinte à la culture locale par des manifestations trop vigoureuses de nos coutumes.

Il y aura donc parfois quelques « plus » facultatifs dans la Halakha qu’on ne devra pas mettre en pratique si cela contrevient à l’esprit de respect de la société dans laquelle on se trouve.
Il est difficile d’établir une liste des pratiques licites et illicites, mais pour citer au moins un exemple (pas forcément représentatif de l’étendue des incidences) je dirais qu’il ne convient pas, en allant à la synagogue le matin, de se promener dans les rues de Paris avec ses Talit et Tfilines portés sur soi, comme on le voit souvent en Israël.

Cette explication de היו מצוינים במצוות permet d’accepter la version de Rashi telle qu’elle est, et d’exclure malgré tout la compréhension erronée qui effrayait les A’haronim (comme le Gaon de Vilna et les autres) et qu’affectionnent certains sionistes sans Yirat Shamayim, selon laquelle les Mitsvot en ‘Houts Laarets ne seraient qu’un jeu.
Le Sifrei ne viendrait pas dire que les Mitsvot seraient facultatives en France, mais qu’il ne faut pas « s’affaiblir » dans leur accomplissement dans une volonté de se fondre dans la masse, le juif doit veiller à préserver sa particularité.

On pourrait contrer cette lecture erronée en citant le Yalkout Shimoni (Yeshaya §443) où l’on peut lire l’argument suivant :
כיון שהגלתני בין האומות בדין הוא שלא אשמור שבת ואקיים המצות שלך
Or, s’il fallait comprendre du Sifrei que l’obligation des Mitsvot ne s’appliquait pas vraiment en ‘Houts Laarets, cet argument n’aurait pas manqué d’être mentionné ! (et on n’y trouverait pas les reproches qui sont faits aux pécheurs de ‘Houts Laarets).

En complément, voici le Shiour que j'ai donné (il y a plus de dix ans) sur le sujet:

https://www.centre-alef.fr/4196/

ou
https://chiourim.com/faut-il-habiter-en-israel/

PS: j'ai été long, je ne me relis pas, veuillez excuser les fautes.
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