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Définition de Notrikon

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michaelmkl
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Bonjour Rav

Quel est le sens du mot נוטריקון :

Rachi le cite dans Chabbat (54a sv.Chehouzot) dans le sens de contraction de deux mots, tandis que dans la Paracha (Chemot 20,12 sv.Lemaan) il le ramène en tant que déduction logique du message de la Torah ?
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6787
Citation:
Quel est le sens du mot נוטריקון :
Rachi le cite dans Chabbat (54a sv.Chehouzot) dans le sens de contraction de deux mots, tandis que dans la Paracha (Chemot 20,12 sv.Lemaan) il le ramène en tant que déduction logique du message de la Torah ?


C’est le sens qu’en donne Rashi dans Shemot (20,12) (que vous citez) qui est étrange et inhabituel. En principe, la notarique (le Notrikon -convenablement et/ou sfaradiquement prononcé c’est Notarikon), c’est l’interprétation qui consiste à voir la contraction de deux ou plusieurs mots en un, c’est ce qui ressort la grande majorité des sources. [Comme l’a dit le Maharil (Likoutei Maharil §57), le Notrikon c’est déployer les lettres d’un mot en plusieurs mots, alors que les Rashei Teivot consistent à faire l’inverse ; faire de plusieurs mots un seul.]

Et là, Rashi nous dit que cela veut dire que l’on peut déduire le négatif du positif et vice-versa :
שדברי תורה נוטריקון הם, נדרשין מכלל הן, לאו, ומכלל לאו, הן
C'est étrange.
En fait, il ne faut pas lui en vouloir, Rashi ne fait que rapporter la Mekhilta DeRabbi Yishmael (Massekhta DeBa’hodesh §8) qui dit :
אם כבדתן, "למען יאריכן ימיך", אם לא, יקצרון ימיך. שדברי תורה נוטריקון, שכן דברי תורה נדרשין מכלל הן, לאו, ומכלל לאו, הן

Ce mot trouve son étymologie dans le grec (on a aussi en latin « notare »), comme l’indique Rabénou ‘Hananel (Shabbat 105a), Notari signifie « scribe » ou « greffier » (comme en français « noter » du latin « notare », d’où aussi « notaire » etc.) voyez Tishbi (sv. Notarikon) et Rashi Sotah (35b sv. Notirin).
Et Rabénou ‘Hananel explique que les greffiers des rois et des princes avaient un langage qui leur était propre et qui est appelé Notarikon, le « langage des greffiers ».

Il n’explicite pas en quoi consistait ce langage parallèle, mais nous le devinons ; les greffiers devaient écrire le plus rapidement possible, à la vitesse de la parole, ils ont donc élaboré une langue abrégée, condensée, qui permet d’écrire assez vite (lorsqu’ils prennent note des discours qu’ils doivent mettre par écrit), ce sont les débuts de la tachygraphie.

Ainsi, tout langage abrégé est appelé « Notarikon », et ce terme peut inclure les Rashei Teivot, les contractions de mots, les mots abrégés et allégés de leur suffixe, ou tout ce qui se déduit grâce à une certaine formulation, comme déduire le positif du négatif et l’inverse.

On retrouve cette idée dans le Moussaf Héaroukh (sv. Notarikon) qui explique que « les scribes et greffiers devaient écrire rapidement, donc ils n’écrivaient que le début des mots, et ce système d’écriture est appelé en latin Notarikon ».

Le scribe écrivait le début du mot et mettait un petit point (ou petit rond) au-dessus pour indiquer qu’il faut continuer le mot lorsqu’on le lit. Voyez Rashi (Shabbat 104b) : כתב אות אחת על שם נוטריקון: שעשה סימן נקודה עליה לומר שלהבין בה תיבה שלימה כתבה
Le Rambam dans Piroush Hamishnayot (Shabbat 12,5) dit plus ou moins la même chose.

Tiron, secrétaire/esclave de Cicéron, est connu pour avoir développé une sorte de sténographie il y a plus de deux mille ans.
Il aurait peut-être été devancé de trois siècles par l’historien grec Xénophon.
En tout cas, les grecs et les romains ont été confrontés au besoin de développer la tachygraphie afin de prendre des notes à la cadence de la parole.

Ainsi, les ‘Hazal, sans utiliser la sténographie, se permettaient de donner des interprétations de termes clés ou étranges (souvent de langue étrangère) comme s’il s’agissait d’une locution contractée par ces scribes. Selon Rav Elie Benamozegh (Pratique et institutions hébraïques, Livourne 1898, p.8-9), ils se seraient en cela inspirés de l’école proculienne.

Dans leur sillon, les rabbins (Shla au nom du Maharik) sont même allés jusqu’à interpréter par Notrikon le mot Notrikon lui-même et ont dit que c’est la contraction de נוטר אות קונה תיבה [on garde une (seule) lettre (d’un mot) et on acquiert/obtient (le sens d’)un mot], comme si Notarikon était composé de Notèr-Koné.
[La même explication est citée par le Aroukh Hashalem (V, p.336) au nom du Yavin Shmoua (daf 64a), voir encore Beshem Mordekhaï (ad Tishbi sv. Notarikon).
Nous trouvons aussi sous la plume de Rav Yossef Karo dans son Klalei Hagmara (ad Halikhot Olam IV, §3,30) une expression similaire mais moins pertinente : נוטר אות מקצר תיבה.]

Le Beèr Re’hovot (cité par le Raglei Mevasser, ad Tishbi sv. Notarikon) rapporte la « Koushiat Haolam » sur le Rashi que vous citez : quel rapport avec Notrikon, où voit-on un Nitrikon ?
Et il apporte une réponse entendue qui consiste à relever les Rashei Teivot (initiales) d’une partie des mots du Passouk en question : אמך למען יאריכון qui forment le mot אלי qui correspond aussi aux initiales de אם לאו יקצרון (« si non, ils seront abrégés »), c-à-d que tout en disant « si tu respectes tes parents tes jours seront allongés », la Torah dirait aussi par biais d’initiales : « et si non (si tu ne respectes pas tes parents) ils seront abrégés ». Nous obtenons donc ici un Notrikon dans le sens de מכלל הן אתה שומע לאו.

Le Raglei Mevasser souligne que toute cette difficulté qui pousse le Beèr Re’hovot à de telles acrobaties littéraires n’en est une que parce qu’il a compris que Notrikon était une contraction de mots par leurs initiales, mais en réalité la question (contre Rashi/la Mekhilta) ne commence pas, car Notrikon ne veut pas exclusivement dire « Rashei Teivot », mais tout langage abrégé.
Donc même la règle de מכלל הן אתה שומע לאו peut être qualifiée de Notrikon. (Cependant, voyez le Beshem Mordekhaï (ad loc) qui n’apprécie pas ce qu’écrit le Raglei Mevasser.)

[J’indique au passage que R. Z. Fraenkel dans son Mevo Hayeroushalmi (Breslau 1870, daf 147b) écrit que le terme Notrikon n’apparait pas dans le Shas Yeroushalmi (il veut dire dans la Gmara Yeroushalmit, car dans la Mishna ça apparait dans Shabbat 12,5 et Orla 1,5), mais le Aroukh Hashalem (V, p.336) souligne qu’il apparait (aussi) dans la Gmara du Shas Yeroushalmi Orla (§1,5).]
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