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Traduction de Sélah

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MrQuestion
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Rav Wattenberg,

Quelle est la traduction ou le sens explicatif du mot Sélah que l’on trouve dans le séfer téhilim uniquement ?

Les traducteurs ont tendance à ne pas le traduire, il n’aurait pas de sens ?

Merci d'avance.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6685
Citation:
Quelle est la traduction ou le sens explicatif du mot Sélah que l’on trouve dans le séfer téhilim uniquement.
Les traducteurs ont tendance à ne pas le traduire, il n’aurait pas de sens ?


Vous écrivez que ce mot n’apparait que dans Tehilim, c’est inexact, il se trouve aussi dans ‘Habakouk (3,3) (3,9) (3,13). Mais le contexte est toujours celui du cantique.

C’est un terme assez obscur, la Bible du rabbinat ne le traduit pas et le reproduit sous forme d’exclamation (Sélah !).
Dans la traduction des Septante c’est étrangement traduit et cela indique une sorte de pause dans le chant. [Voir aussi Otsar Hashorashim (Ben Zeev) (Wien 1840, p.101)].

Beaucoup l’interprètent comme voulant dire « pour toujours / pour l’éternité » (לנצח), comme semble le comprendre le Talmud (Erouvin 54a) (אין לו הפסק עולמית).
[Ce n’est pas nécessairement ce que veut dire le Talmud, il n’y est pas obligatoirement dit que la traduction de Séla serait éternellement (אין לו הפסק עולמית), mais qu’à chaque fois que le mot Séla figure, cela indique que c’est éternel. Cf. Hatorah Veha’hokhma (I, Vilna 1913, p.217).]

C’est d’ailleurs ce qui ressort du Targoum sur Tehilim (3,3) et c’est ce qu’écrivent le Metsoudat Tsion (ad loc) et beaucoup de commentateurs.
C’est aussi ce qui m’apparait avoir été l’intention des ‘Hazal dans le Nossa’h de la Tfila dans la Amida וכל החיים יודוך סלה (même si c’est par rapport à Tehilim 88,11) ou dans le reste de la Tfila, comme : וקרבתנו לשמך הגדול סלה באמת ou encore ועל מאורי אור שעשית יפארוך סלה.

Et surtout lors de la Brakha du Gomel où l’on répond : מי שגמלך טוב הוא יגמלך כל טוב סלה (Rambam, hil. Brakhot §10,8).


Quant au Radak (Tehilim 3,3) (et Shorashim סל), il comprend « סלה » dans le sens d’élévation, comme dans « סולו המסילה » (Yeshaya 62,10), c’est aussi ce qu’on lit dans le Sforno (Tehilim 9,17), mais le Radak en donne un sens assez surprenant : il s’agirait d’une indication de lecture ; aux endroits où se trouve ce mot dans le passouk, c’est un signe qu’il y avait une « élévation de la voix »
(Je suppose que l’indication ne précède pas la partie à dire à haute voix mais la suit, car nous trouvons toujours « Séla » en fin de phrase ou quelques fois en fin de proposition.
C’est assez étrange pour une indication de lecture, on se serait attendu qu’elle figure avant la partie concernée).

Il en résulte qu’il ne ferait pas partie du texte à lire, ça ne serait qu’une indication en petits caractères ou entre parenthèses pour donner le ton.

Le Ibn Ezra (ad loc) mentionne cette idée au nom d’un “traducteur des Psaumes pour les autres” "מתרגם ספר תהלות לאחרים" (c-à-d un non juif).
Pour sa part, le Ibn Ezra préfère l’expliquer comme une confirmation, voulant dire « c’est vrai ! ».
Voir aussi Erkhei Hakinouyim (du Seder Hadorot, Rav Ye’hiel Halpern) (daf 50a).
Ce qui semblera étrangement redondant lorsqu’on dit וקרבתנו לשמך הגדול סלה באמת.
Contrairement à אל יעזבונו נצח סלה ועד où la redondance, d’après l’explication du Metsoudat Tsion et du Targoum, se comprendrait mieux.

Néanmoins, il est aussi envisageable de dire que Séla pourrait avoir plus d’une acception, cela serait parfois une notion de vérité, et d’autres fois une idée d’éternité. C’est d’ailleurs ce qu’écrit Rav Its’hak Gersternkorn dans son Neïm Zmirot Israel (Bnei Brak 1955, I, p.148).

J’ai aussi vu que R. Yaakov Tsvi Meklenburg écrit dans Iyoun Tfila (Jér. 2016, p.143) que l’idée d’élévation / d’importance et celle d’éternité, sont compatibles [il explique que נצח aussi est lié à צח, que עדי עד qui veut dire pour l’éternité se retrouve aussi dans עדי עדיים qui veut dire décoration/bijou]. Ainsi, Séla comporterait les deux acceptions et son sens varierait selon le contexte et la phrase.
Par la suite (p.144) il indique un ancien (=le Erkhei Hakinouyim) qui voyait dans Séla une appellation de D.ieu et le Iyoun Tfila explique que c’est compréhensible selon chacune des deux explications du terme, soulignant soit l’aspect élevé de D.ieu, soit Son aspect éternel.
Sa conclusion est de dire que Séla pourrait avoir chacun de ces trois sens, en fonction du passouk.

Le Emounat ‘Hakhamim (Basila) (§22) s’insurge contre l’interprétation du Radak qu’il accuse de se croire supérieur aux Anshei Knesset Hagdola (qui ont utilisé le mot Séla dans le Nossa’h de la Tfila de manière qui prouve l’erreur du Radak) et se permet d’inventer cette explication saugrenue qu’il n’a pas reçue des maîtres ni de personne, ce qui indique par conséquent, ajoute le Rav Basila, que le Radak considère que tous les juifs diraient des sottises dans leurs prières.

Le Yaabets (annotations au Emounat ‘Hakhamim, Jér. 2016, p.175) souligne que cette critique est inconséquente, car on peut estimer que l’expression des versets bibliques est une chose, alors que celle des sages en serait une autre.
Rav Zekharia Yolles (Hatorah Vaha’hokhma I, p.217) défend lui aussi le Radak, d’abord avec des arguments qui ne m’apparaissent pas pertinents, puis en expliquant que le sens des mots évolue avec le temps et que même si dans la Bible le mot Séla servait à ce que dit le Radak, rien n’empêche qu’il ait été utilisé dans le sens d’éternité à l’époque talmudique. Cela rejoint un peu l’idée du Yaabets.

J’ai vu dans le Shorshei Levanon (Ribal) (Vilna 1841, p.118) qu’il considère que ce n’est pas un mot hébraïque mais latin ( !), qui aurait été ajouté ultérieurement, à l’époque du second Temple ( !!), qui signifie Doukhan (c-à-d un banc, une estrade, ou la Bima, l’almémor) car les Leviim montaient sur le Doukhan pour chanter.

Il s’agirait selon lui aussi d’une indication dans le texte, mais pas pour dire qu’à cet endroit les Leviim élevaient la voix, mais qu’ils s’élevaient eux-mêmes en montant sur le Doukhan.

Sella en latin signifie effectivement une chaise, un banc.
D’où, en français, le mot selle (de cheval), qui se dit sella en italien, du terme latin sella qui signifie un siège. [חוץ מכבודכם il reste aussi en français l’expression « aller à la selle »].

Ribal ajoute que le mot latin vient peut-être de l’hébreu, puisqu’en hébreu c’est une notion d’élévation (comme le dit le Radak) et qu’on s’élevait en montant sur le banc/l’estrade.

Si le Radak y voit une notion d’élévation, d’autres comprennent l’inverse, Shlomo Gelblum (Shvil) (c’était le beau-frère de Rav Yaakov Gesundheit, le Tiféret Yaakov) dans son Sefer Hamilim écrit que c’est une idée de rabaissement, avilissement ( ירידה ושפלות).

C’est étrange car cette racine indique l’élévation, mais je remarque qu’on trouve aussi dans Eikha (1,15) Sila Khol Abiray סלה כל אבירי dans le sens rabaisser, broyer, écraser ou avilir, ou dans Tehilim (119,118) סלית כל שוגים מחוקיך (piétiner, écraser : « Tu foules aux pieds ceux qui errent loin de tes préceptes ») ce qui va dans son sens.

Il semblerait donc que ce soit plutôt une idée de « propulsion », dans un sens ou dans l’autre, vers le haut ou vers le bas, et qu’il faille adapter selon le contexte.

Voir aussi le dictionnaire hébreu-français d’Abraham Elmaleh (Milon ‘Hadash Veshalem, Tel-Aviv 1964, tome 3 p.2354) qui mentionne le sens de l’élévation de la voix, ou au contraire d’une pause, en fonction de la racine.

Le Otsar Israel (VII, p.205) mentionne l’idée que Séla soit un instrument de musique et ce mot serait une indication pour que celui qui entonne le cantique fasse signe à l’assemblée de commencer l’accompagnement musical.
Cela me semble assez improbable dans les textes de la Tfila où ce mot apparait.

Dans le Otsar Hashorashim (Ben Zeev) (Wien 1840, p.101), après avoir expliqué que c’est un terme qui vient pour marquer une pause dans le cantique afin de favoriser la Kavana (cf. la traduction des Septante op cit), il cite que certains disent qu’il s’agit de Rashei Teivot de סוב למעלה השר, qui voudrait donc indiquer au cantor d’élever la voix. C’est aussi mentionné dans le Otsar Israel (op cit) en qualifiant cette position de pure supposition (השערה בעלמא).

Rav Yaakov Tsvi Meklenburg qui semble l’avoir lu, écrit dans Iyoun Tfila (Jér. 2016, p.144) que ces deux explications (marquage de pause ou Rashei Teivot) sont des élucubrations repoussées par l’utilisation de ce terme (Séla) par les Anshei Knesset Hagdola dans la Tfila à des endroits où ces explications ne sont pas valables.
Ça rejoint ma remarque (voir plus haut).

R. Shlomo Papenheim (Yeriot Shlomo -Jér. 2018, p.202) explique que Séla vient de Messila מסלה qui sgnifie quelque chose que l’on utilise beaucoup, racine qui se retrouve dans סל, un panier, qui est un ustensile qu’on utilise pour y mettre différentes choses. Ainsi, סלה indiquerait la multiplicité, la volonté du chantre d’en ajouter, mais qu’il s’en prive afin de préserver l’équilibre poétique מלה פייטנית וכרוז מפליג הדבור השיריי.

Il ajoutera dans son ‘Heshek Shlomo (Shaalvim 2018, p.361) que d’après cette idée, le mot Séla correspondrait au mot וכולי (etc.), ou bien qu’il voudrait indiquer la multiplicité dans le sens de répéter la phrase.

On trouve une idée proche de cela, dans le Piroush Hatfila de Rabbi Avraham ben Hagra (Varsovie 1887, puis Jérusalem 1989, p.45) sur וכל החיים יודוך סלה il explique que ce mot indique l’insistance sur la continuité et l’aspect perpétuel, comme un chemin , Messila, qui est continuellement utilisé.

Je remarque aussi cette idée dans son commentaire sur Tehilim (Beèr Avraham, Varsovie 1887, daf 3b etc.) où il traduit סלה par « à tout moment », « de manière perpétuelle ».

PS: J'ai été long et je ne prends pas le temps de me relire, veuillez excuser les éventuelles fautes.
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