Citation:
A l’occasion du grand rassemblement des guédolim au dôme de Paris, j’ai été émerveillé par presque tout barouh HM mais aussi j’ai été dérangé par le discours d’une partie des rabbanim, pas dans le fond seulement dans la forme, surtout le ton. C’est-à-dire que quelques uns des rabbanim parlait de manière étrange, un peu prétencieuse , en criant au lieu de parler ou en relevant le ton par moments en fin de phrases comme pour se montrer un peu menaçant. Le gadol rav Lando parlait calmement et doucement, mais d’autres ravs (1 israélien et 1 français) donnent l’impression qu’ils joue un jeu pour faire solennel et qu’ils font du théatre ou un discours de politicien. Je ne sais pas vraiment comment expliquer ce que j’ai sentit et je ne sais pas si vous me comprenez. Que pensez vous de mon sentiment ?
Je vois de quoi vous parlez, c’est vrai qu’il y a des rabanim qui crient au lieu de parler et parfois c’est dérangeant, je vous le concède.
Mais il faut comprendre que dans la mentalité lituanienne c’est très répandu, et il ne faut pas y voir systématiquement une marque d’orgueil ni un manque de délicatesse.
C’est peut-être, effectivement, plus choquant lorsque des rabanim sfaradim imitent les rabanim lituaniens et poussent des cris au lieu de parler calmement et sereinement, car ça ne colle pas toujours avec leur personnalité.
Vous ne nommez pas les rabanim que vous visez, mais je devine que l’un d’eux était certainement le champion de la discipline :
Rav Its’hak Ezra’hi שליט"א qui semble ne pas savoir parler normalement dès qu’il s’adresse à un public.
S’il est vrai que certains Rabanim adoptent ce mode de discours en véhiculant un certain orgueil, en faisant preuve de suffisance ou d’arrogance, je peux vous assurer qu’il n’y a rien de tout cela chez
Rav Its’hak Ezra’hi que je connais d’assez près depuis une vingtaine d’années, puisqu’il vient au moins une fois par an au Centre Alef, et j’ai été étonné de son humilité et sa simplicité dès qu’il quittait la scène, lorsque nous étions en très petit comité.
C’est un Rav gentil et bon, qui se soucie des autres avec une véritable humilité.
J’avoue que ça ne colle pas avec ses cris et l’idée qu’on peut s’en faire en France, mais il faut tenir compte de la mentalité lituanienne et des Rabanim qu’il a connu étant plus jeune, qui font que, pour lui, lorsqu’on fait passer un message de Torah, on le crie haut et fort.
Il a raconté qu’une fois, en France, après un discours enflammé, une personne est venue le voir pour le remercier pour ses paroles de ‘hizouk mais en lui demandant pourquoi criait-il ainsi alors que le verset dit que les paroles des sages sont énoncées avec calme (דברי חכמים בנחת נשמעים) ?
Rav Ezra’hi lui a répondu qu’il n’y peut rien, dès qu’il parle Torah, ça sort sur ce ton.
Est-ce qu’on peut dire «
qu’il joue un jeu pour faire solennel et qu’il fait du théâtre ou un discours de politicien », oui, peut-être, mais son intention est assurément Leshem Shamayim, je trouve.
S’il joue un jeu, c’est pour mieux faire passer ses messages, pas par prétention ni par fatuité.
Je n’en dirais pas autant de certains Rabanim (qui n’ont PAS pris la parole ce jour-là) qui singent ces rabanim lituaniens mais chez qui l’on ressent, aux intonations, une certaine mégalomanie.
Je sais que cela impressionne parfois certains, lorsque le discours est prononcé avec des cris et des gesticulations, c’est peut-être ce qui motive ces rabanim.
Lorsque j’ai visité le Holocaust museum de Washington DC, il y avait des enregistrements filmés de discours du grand criminel nazi, et je dois avouer que sa gestuelle, ses regards, et surtout ses intonations, n’étaient pas sans rappeler
-Lehavdil Elef millionei Havdalot- certains discours rabbiniques de Mashgui’him en vogue.
Il disait des phrases creuses mais en hurlant et en tremblant comme s’il était en transe et en état d'exaltation, je ne voulais pas l’écouter hurler, mais en passant à côté de l’écran, un Ba’hour Yeshiva m’a dit que, sans comprendre l’allemand, il reconnait qu’il est convaincant !
(il voulait expliquer comment tant d’allemands ont pu être séduits par ce fou).
J’en ai été choqué
(et m’en souviens encore aujourd’hui, plus de vingt ans après).
Du coup je suis allé écouter un morceau des hurlements de ce démon, il y disait, grosso modo
(je n’ai pas noté les mots exacts mais c’était l’idée) : «
vous allez me dire, oui, mais il y a le parti (=le parti nazi)
et il y a aussi le Führer » (contradiction sous-entendue : que faut-il alors considérer comme supérieur…) et il y répondait en hurlant : «
aber die Partei ist der Führer, und der Führer ist die Partei! » (=~
mais le parti c'est le führer et le führer c'est le parti !).
A question stupide, réponse stupide.
Et des masses de tarés applaudissaient frénétiquement.
C’était glaçant.
Mais ledit Ba’hour Yeshiva était fasciné par les vociférations, hurlements et convulsions du psychopathe en fureur.
J’en ai donc déduit que ces comportements qui me font fuir, séduisent certains.
Même si le monde des Yeshivot est coutumier de ces discours grandiloquents, ce n’est pas l’habitude de tous les Rashei Yeshivot. Si
Rav Shakh avait effectivement un peu tendance à lever la voix,
Rav Dovid Povarsky ne criait pas ce qu’il avait à dire,
Rav Guershon Edelstein non plus. (Idem pour
Rav Steinman, Rav Elyashiv et beaucoup d’autres qui parlaient calmement.)
Voyez aussi le
Sefer Hazikaron sur
Rav Ye’hezkel Sarna « A’har Héassef » (Jér. 1971, p.73) qui souligne que le passouk
(Kohélet 9,17) qui dit דברי חכמים בנחת נשמעים ne vient pas (uniquement) exclure les discours empreints de colère, mais (même) les propos criés.
Car élever la voix lorsque ce n’est pas le moment abime le discours, même s’il est plein de sagesse, il n’aura pas l’impact qu’il aurait pu et dû avoir. A l’instar d’une musique où un seul son inadapté pourra tout abimer.
En hébreu :
דברי חכמים בנחת נשמעים בנחת ממש. ולאו דוקא שלא בכעס. אלא כי הרמת קול שלא במקומה, פוגמת. ואף אם הדברים כשלעצמם מלאים תוכן נשגב, אין הם עושים את הרושם הראוי אם אינם נאמרים בנחת. וכמו במנגינה צריך כל קול להיות שקול ומדוד וכל צליל שלא במקומו פוגם הטעם כי אין הדברים נכנסים אל הלב.
