Citation:
La gmara dans Roch Hachana 29b indique (au nom de Raba) que min hatorah il est permis de sonner du shofar shabbat mais les hahamim ont fait une gzeira de peur qu’il aille apprendre à sonner chez un baki et qu’il transgresse arba amot dans rechout harabim
(Puis la gmara precise : Même raison pour loulav et meguila)
1/ Que pensez vous des aharonim (je n’ai pas vu ou assez cherché chez les rishonim) qui expliquent qu’en réalité la raison est plus profonde (exemple : shabbat et shofar poursuivent le meme objectif et donc ce serait un “yitour” de sonner du shofar shabbat) mais que les hahamim ont “habillés” cette raison profonde avec une gzeira qui semble peu commune ?
De quelle manière «
shabbat et shofar poursuivent le même objectif » ?
Et en quoi cela «
interdirait » de sonner du Shofar ?
Citation:
2/ Le Tossefot sur place demande pourquoi la gmara parle de 4 amot et non otsaa mi rechout le rechout. Il répond que sortir d un rechout a un rechout cest nikar mais arba amot dans R”HR non. Comment peut il arriver à faire 4 amot dans le r”hr si il n est pas sorti de chez lui avec le shofar (car sortir de chez lui avec le shofar : ca il ne le fera pas a priori) ? Il faudrait dire qu’il a trouvé un shofar dans la rue et qu’il ait voulu aller avec chez le baki qui lui même serait dans le r”hr et il me semble que c’est un cas assez peu fréquent. Donc comment les hahamim auraient pu faire une gzeira sur un cas pareil ? (J’ai sûrement manqué une étape dans le raisonnement ou mal compris le tossfot)
C’est une bonne question.
Rashi (Souka 43a) pose la question de savoir pourquoi ‘Hazal ont parlé de transport sur 4 Amot et non de Hotsaa, et il explique qu’il est plus fréquent d’obtenir un Issour Torah dans Haavara que dans Hotsaa.
En effet, pour qu’il y ait Issour Torah, il faut qu’il y ait Akira avant et Hana’ha après, or, si la Akira (soulèvement de l’objet) se fait dans une autre intention que celle de le sortir (de faire une Hotsaa), l’interdit retombe au niveau Derabanan.
(C-à-d que pour transgresser Min Hatorah il est indispensable que la Akira précédant la Hotsaa ait eu lieu en vue de faire une Hotsaa).
Et comme en étant chez soi il est imaginable de prendre en main un objet dans l’intention de le déplacer (à l’intérieur de la maison), puis finalement de sortir avec sans avoir fait de pause (עומד לפוש) avant la sortie, on n’obtiendra pas de Issour Torah dans Hotsaa aussi fréquemment que dans Haavara, car dans cette dernière il serait étrange d’imaginer que l’on puisse soulever un objet dans le but de le déplacer (dans les 4 Amot) sans faire Haavara.
[Je réponds en cela à la Koushia du Tosfot (Souka 43a) sur Rashi, selon qui dans Haavara aussi il est possible de faire Akira sans intention de Haavara. Et il n’est pas nécessaire d’arriver au ‘Hidoush du Kapot Tmarim (ad loc) qui dit que selon Rashi, différemment du cas de Hotsaa, il y a un ‘hiyouv dans Haavara même si la Akira n’était pas faite dans cette intention.]
De son côté,
Tosfot (Beitsa 18a, Rosh Hashana 29b, Meguila 4b, Souka 43a) explique qu’il est plus facile de se tromper et commettre une Haavara que de commettre une Hotsaa, car en sortant d’un reshout il y a un Heiker.
Vous demandez que pour arriver à se tromper et faire Haavara il faut d’abord commencer par se tromper et faire Hotsaa, mais je pense que ce que veut dire Tosfot c’est qu’étant donné qu’une Hotsaa constitue un Heiker, ‘Hazal ont préféré parler des (plus rares) cas où le Shofar est déjà dehors et qu’il ne s’agit que de se tromper et faire Haavara, puisque c’est plus facilement imaginable qu’une Hotsaa.
Ça reste tout de même un cas de figure assez rare (qu’un Shofar soit déjà dans la rue etc.), mais la Gzeira concerne tous les cas, même un éventuel oubli en dépit du Heiker (et donc avec Hotsaa), mais comme il y aura toujours Haavara (que le Shofar soit à l’intérieur ou à l’extérieur) et qu’il est plus dérangeant d’imaginer un oubli menant à Hotsaa (car il y a un Heiker), les ‘Hazal ont choisi de parler de la Haavara.
On dira la même chose pour expliquer le
Tosfot ‘Hadashim (sur la Mishna Souka §4) qui explique le choix de ‘Hazal de parler de Haavara plutôt que de Hotsaa, car cette dernière est interdite par Halakha Lemoshé MiSinaï
(Shabbat 96b) et ne trouve pas sa source dans les versets, on aurait donc pu croire que l’interdit de Haavara ne serait que Miderabanan et se dire qu’il n’y a pas de gzeira Bimkom Mitsva
(que pour pouvoir accomplir la Mitsva, les ‘hakhamim n’auraient pas interdit Haavara qui n’est que Miderabanan), alors que la Hotsaa est Min Hatorah. Voilà pourquoi ‘Hazal ont parlé de la Haavara.
Là encore vous pourriez poser votre question, comment accéder à une Haavara sans passer par Hotsaa ?
Il est possible de répondre comme nous venons de le faire, ou encore plus simplement en disant que celui qui imagine que le Issour Haavara n’est que Miderabanan et non applicable Bimkom Mitsva, pourrait, en veille de Shabbat, déposer volontairement son Shofar dans le Reshout Harabim pour pouvoir aller chez le ‘Hakham et lui demander (de bien vouloir sortir pour) lui montrer comment faire les sonneries.
Il existe une autre explication, très intéressante, de
Rabbi Yehouda Aszod (Shout Yehouda Yaalé o’’h §87) qui écrit que si le Issour Hotsaa nécessite, pour obtenir un Issour Torah, que le Reshout Harabim réponde à certains critères, dont le passage de 600000 personnes, cela ne concerne pas la définition du Reshout Harabim pour obtenir le Issour Torah de Haavara.
En effet, cette dernière ne s’apprend pas du Mishkan
(pour que l’on exige une ressemblance avec le Reshout Harabim de l’époque du désert, lors de la construction du Mishkan) et même avec un reshout Harabim bien moins fréquenté, on transgresse déjà l’interdit Min Hatorah.
Ce côté ‘Hamour de Haavara qui est absent de Hotsaa, explique pourquoi ‘Hazal
(Psa’him 69a, Beitsa 17b, Rosh Hashana 29a, Meguila 4b, Souka 42b) parlent du Issour Haavara dans cette Gzeira
(concernant Shofar, Loulav et Meguila) et non du Issour Hotsaa, car à leur époque déjà (et de nos jours encore) il était rare d’avoir un reshout Harabim si fréquenté et d’arriver au Issour Torah de Hotsaa.
Alors que le Issour Torah de Haavara est beaucoup plus « facile d’accès » puisqu’il se concrétise
(on y accède) même avec une rue peu fréquentée.
Le même ’Hidoush se retrouve dans le
Et Sofer (§83) au nom de
R. Yossef Leib Sofer, et est cité dans le
Divrei Sofrim (I, p.238).
Néanmoins, j’ai quelques réserves.
D’abord on comprend que les Rishonim ne pensaient pas comme eux, car dans ce cas
Rashi (op cit) n’aurait pas écrit son explication, et
Tosfot non plus.
Dire que Haavara est un Issour Torah alors que Hotsaa est quasiment toujours seulement Miderabanan est une explication bien plus convaincante que ce que
Rashi et
Tosfot trouvent comme justification au choix de ‘Hazal de parler de Haavara.
Plus encore, il faut se demander pourquoi Haavara n’apparait pas dans la liste des 39 travaux
(Shabbat 73a) alors que son Din est Min Hatorah.
Le
Ran (Shabbat daf 73) explique que la Halakha Lemoshé MiSinaï nous enseigne que Haavara est à inclure dans Hotsaa
(et ce n’est pas une Melakha distincte).
C’est aussi la position du
Ritva (Shabbatb 96b) [et c’est encore ce qui se comprend du
Rambam (Shabbat XII, 8)].
[Une idée similaire existe dans Reb ‘Haïm sur le Rambam (Maakhalot Assourot X,15) concernant la Ma’hloket entre le Rambam et les Gueonim si l’on peut être Podé la Orla de ‘Houts Laarets. Reb ‘Haïm fait dépendre cette Ma’hloket d’une compréhension différente de la Halakha Lemoshé MiSinaï (Kidoushin 38b), vient-elle juste interdire la Orla de ‘Houts Laarets, ou veint-elle dire que le din de Orlat ‘Houts Laarets est inclus dans Orlat Erets Israel…]
Donc d’après le
Ran et le
Ritva, si Maavir est inclus dans Motsi, le Issour sera aussi dépendant d’un Reshout Harabim où passent 600000 personnes.
D’autres A’haronim aussi semblent ne pas avoir compris comme le
Ran et le
Ritva.
Le
Pri Megadim (Pti’ha de Hilkhot Shabbat) écrit qu’étant donné que Maavir n’est qu’une Halakha Lemoshé MiSinaï, il n’y aura pas de ‘Hatsi Shiour pour interdire moins de 4 Amot « min hatorah ».
Ce qui explique le Heiter de «
pa’hot pa’hot mearba amot » pour celui qui s’inquiète de perdre son portefeuille. Or, d’après le
Ran, puisque Maavir est inclus dans le Issour Motsi de la Torah, ce distinguo n’a pas lieu d’être.
Idem pour ce qu’écrit
R. Yossef Leib Sofer dans
Likoutei Sofer (Mitsva 32) qu’étant donné que Maavir ne s’apprend pas du Mishkan, le ‘hiyouv s’obtiendra même sans que ce soit Melekhet Ma’hshevet. Là encore, selon le
Ran, la même règle s’appliquera à Maavir, il faudra que ce soit Malekhet Ma’hshevet.
[Il y aura plusieurs incidences en fonction de si l’on dit que c’est une Halakha Lemoshé MiSinaï « indépendante » ou si elle nous enseigne que Maavir est inclus dans Motsi.
Par exemple, en cas de safek sur du Deorayta, on est ma’hmir. Et sur du Derabanan, on est Meikel.
En cas de Safek sur une Halakha Lemoshé MiSinaï, il y a une Ma’hloket Rishonim, certains comme le Ramban (Sefer Hamitsvot Shoresh 1 et 2), le ‘Hinoukh (Mitsva 246), le Rivash (§163), pensent que Safek Halakha Lemoshé MiSinaï Le’houmra.
Tandis que le Rambam (Piroush Hamishnayot Mikvaot VI,7) pense que Safek Halakha Lemoshé MiSinaï Lekoula (idem pour le Rash (ad loc), il semblerait).
Néanmoins, selon la compréhension du Ran que la Halakha Lemoshé MiSinaï vient inclure un nouveau Din dans le Din Min Hatorah, même d’après le Rambam, un Safek sur une telle Halakha Lemoshé MiSinaï sera Le’houmra.]
On pourrait encore objecter au Yehouda Yaalé à partir du Talmud lui-même
(Shabbat 5a) qui nous dit que le Maavir 4 Amot dans un Reshout Harabim couvert par un toit n’est pas ‘Hayav car ça ne ressemble plus au cas des Bnei Israel dans le désert. Or, d’après
R. Yehouda Aszod Maavir n’a pas besoin de ressembler au Midbar…