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Est-ce qu'en tenant compte de notre génération, de tous les changements et défis qui la caractérisent, on peut encore dire aujourd'hui que le rôle premier de la femme est de tenir son foyer ? Quel livre d'ashkafa conseillez-vous pour donner du sens à ce rôle ?
Ce n’est pas un principe religieux, il ne s’agit pas d’un « combat de la Torah ».
Si une femme travaille et que c’est son mari qui s’occupe du foyer, elle ne transgresse en cela aucun interdit.
Si elle et son mari travaillent et qu’ils délèguent pour ce qui touche au foyer et aux enfants, ce n’est pas une bonne chose pour les enfants, mais là encore, il n’y a aucun issour enfreint.
Notre génération a (hélas) tendance à mépriser les femmes qui s’occupent de leur foyer, c’est une pensée moderne en phase avec notre temps, mais il n’empêche que les dégâts sur le couple et sur les enfants seront difficiles à éviter.
Chaque génération peut avoir des vues différentes sur la vie, il n’y a pas de raison de se focaliser sur un système précis et refuser le changement, mais lorsque ce changement implique une dévaluation de la cellule familiale, une dégradation dans l’éducation des enfants (et tout ce qui en découle), on peut le déplorer.
Ça ne veut pas dire qu’il faille encourager les femmes à ne pas travailler ou à rester à la maison s’occuper de leur famille, car une personne qui ne le ferait pas pour les bonnes raisons (=vouloir construire un foyer exemplaire, assurer le bien-être de ses enfants et leur éducation dans les meilleures conditions), serait attristée, démoralisée, et ne remplirait pas bien ce rôle de toute manière.
C-à-d qu’à partir du moment où une femme se sent dévalorisée si elle s’occupe de son foyer, si elle se sent rabaissée en faisant à manger où les devoirs avec les enfants [que ce soit à tort ou à raison], on a déjà quasiment tout perdu (sur ce plan). Et si elle se fait violence parce qu’un rabbin lui aurait dit qu’il est important de s’occuper de son foyer, mais qu’elle a honte et qu’elle se sent comme une esclave si elle remplit des tâches ménagères, ça n’est pas une solution.
Sur le plan Halakhique, rien ne s’oppose à ce que la parnassa soit assurée par la femme
(de manière Ksheira) et que l’homme reste à la maison s’occuper du foyer. Il faudra peut-être alors écrire une nouvelle Ktouva inversée, dispenser les hommes des mitsvot positives dépendantes du temps (et les imposer aux femmes), ou rebaptiser autrement la confiture Bonne Maman, mais il n’y a pas transgression d’un Issour en inversant les rôles conventionnels et ancestraux.
Donc, pour vous répondre, je dirais que tenir son foyer (et éduquer ses enfants) n’est pas « le rôle premier de la femme », ni de l’homme, mais du couple.
Historiquement, la répartition des tâches a toujours réservé l’entretien du foyer à la femme
(car il était difficile de faire autrement). Si un couple choisit d’inverser les rôles classiques, c’est son affaire. Mais si chacun s’en décharge en n’acceptant de s’en occuper, comme une contrainte, que de manière minimaliste et sans se soucier réellement du résultat, c’est la catastrophe. Péché ou pas péché, là n’est pas la question, mais c’est un drame. Pour les enfants, pour le couple et pour la société.
Hélas, nous y sommes déjà.
Chaque génération a ses défis et ses défauts. Avant la libération de la femme, il y avait des problèmes de violences conjugales
(il y en a toujours, mais il y en avait encore plus à l’époque, les femmes ne pensaient pas trop à divorcer en raison de la précarité inéluctable en femme célibataire, et des hommes en abusaient), maintenant qu’elles peuvent travailler
(et avoir un compte en banque sans l’accord de leur mari) et qu’on court tous après le luxe et les plaisirs de manière égocentrique, elles ont parfois tendance à fuir tout ce qui ressemble à une réelle vie de famille, la moitié des couples divorce et la majorité va mal de toute façon.
Sans parler du fait qu’il n’y a qu’une petite minorité qui se marie.
Les couples « à l’ancienne » avec Papa et Maman qui se marient étant jeunes et qui restent mariés 60 ans avec la même personne, se font rares et risquent de se faire de plus en plus rares.
Ce n’est pas que les jeunes soient plus méchants ni plus bêtes que les plus âgés, c’est leur éducation qui privilégie le plaisir et favorise l’égocentrisme qui crée cette situation où la vie de couple n’est plus adaptée.
Les couples durent 5 ou 7 ans et se fanent. Car avoir une vie de famille implique trop de « sacrifices » aux yeux des jeunes, assurément chez les hommes, mais même chez certaines femmes de nos jours.
Avant, les femmes tenaient absolument à avoir des enfants et bien s’occuper d’eux
(alors que les hommes n’étaient pas toujours aussi partants), mais il existe à présent de nouvelles femmes qui n’envisagent pas de devoir s’occuper d’enfants, qui ne le supporterait pas ou qui ont eu des enfants sans réaliser ce que cela impliquait et elles voient leur vie s’écrouler car contraintes de faire à manger et changer les couches (ra’hmana litslan).
Le drame c’est que ces femmes du XXIème siècle ne sont souvent pas satisfaites quoi qu’elles fassent, car même celle qui se consacre à son travail et se concentre sur son nombril et ses plaisirs, ressent souvent, au bout d’un moment, un manque profond et voudrait une vie de famille et avoir des enfants.
C-à-d que la nouvelle mentalité de notre génération met les femmes dans une situation où elles sont constamment tiraillées entre deux modes de vie qui ne sont pas totalement compatibles, donc elles font généralement des compromis sur les deux plans et en sont souvent contrariées voire frustrées.
Certes, il existe des minorités qui s’en sortent très bien, soit parce qu’elles épousent totalement la mentalité moderne et ne souhaitent absolument pas vivre une vie de famille, soit parce qu’elles ont été éduquées dans un milieu valorisant la « femme au foyer » et y trouvent plaisir, satisfaction et accomplissement, mais une bonne partie des femmes juives françaises du XXIème siècle a parfois du mal à trouver son équilibre entre ces deux mondes.
Pour cela, il faut savoir faire preuve d’abnégation, prendre du recul sur le monde, se définir ses propres priorités, faire l’effort constant de relativiser l’impact que peut avoir la pensée d’autrui sur nous, et prendre conscience de l’importance et de la fierté d’avoir des enfants convenablement éduqués.
Les femmes qui sont plus « intellectuelles » que la moyenne et qui souhaitent avoir une vie de famille, auront forcément plus de mal à jongler entre leurs différentes aspirations. Mais un équilibre reste possible, Brouria l’épouse de Rabbi Méir le prouve puisqu’elle a, malgré son érudition, réussi à mener une vie de famille en assumant le rôle classique des femmes de l’époque et en s’instruisant en parallèle
[bien que, d’après une certaine légende (contée dans Rashi Avoda Zara 18b), ça se serait très mal fini…].
De nos jours, il est beaucoup plus facile (qu’à l’époque) pour les femmes qui le souhaitent de s’instruire en Torah, mais il est probablement beaucoup plus dur (qu’à l’époque) de veiller à garder une bonne « marche familiale » et un Shlom Bayit serein.
La frustration qu’engendre le tiraillement entre deux mondes, entraine souvent des tensions au sein du couple, la femme ne se sent jamais satisfaite et en veut à son mari.
Ça a toujours existé, même sans aspiration particulière ni à l’érudition, ni à la réussite financière, des femmes qui n’étaient pas carriéristes pour un sou faisaient tout de même des misères à leur mari car elles étaient elles-mêmes certainement frustrées
(comme l'inverse aussi, des hommes frustrés qui rendent la vie pénible à leur épouse).
Plusieurs de nos Tsadikim ont souffert et supporté une épouse difficile à vivre, comme le plus grand des Amoraïm, Rav, ainsi que son oncle Rabbi ‘Hiya (cf.
Yevamot 63a), idem pour Rabbi Yossi Haglili (qui a supporté sa femme jusqu’à ce qu’il trouve les moyens (financiers) d’en divorcer) (cf.
Yeroushalmi Ktouvot XI,3), et jusqu’à nos jours avec le ‘Hazon Ish qui a connu -ce n’est pas un secret- de grandes tensions dans son couple.
C’est un très grand enseignement, l’idée erronée qu’on se fait des couples supposés parfaits des Tsadikim fait l’affaire du Yetser Hara car elle permet à celui qui connait des difficultés dans ce domaine de se dédouaner et se trouver des circonstances atténuantes s’il n’est pas parfait en Avodat Hashem.
Savoir que le ‘Hazon Ish a pu arriver à un tel niveau sans avoir pu bénéficier du meilleur soutient est véritablement engageant.
Lire les misères que l’épouse de l’Amora Rav infligeait à son mari permet de réaliser que celui qui n’a pas mérité d’avoir une femme qui soit « Ezer » mais plutôt une qui soit « Kenegdo », ne doit pas pour autant se sentir exempté de redoubler d’efforts pour arriver par lui-même au niveau qu’il aurait pu rejoindre plus aisément s’il avait été soutenu ou au moins si personne ne lui avait mis des bâtons dans les roues.
Quant à un livre de Hashkafa « pour donner du sens à ce rôle », je ne peux pas vous en indiquer, je n’en connais pas spécialement et encore moins un qui soit adapté à tous/toutes. Mais il faut aussi prendre du recul et réfléchir à la vie et ce qu’on en attend, donc je ne sais pas si les livres à conseiller doivent exclusivement se porter sur cet aspect (=ledit « rôle »), il y a beaucoup de choses à remettre en ordre en parallèle.
PS: je ne me relis pas, veuillez excuser les fautes.
PS2: je m'aperçois que j'ai tout de même un peu dévié de votre question, mais c'est certainement en fonction de l'impression générale que je m'en suis fait, j'ai vu un lien entre ces sujets. Si telle n'était pourtant pas votre intention, cela peut tout de même refléter la compréhension qu'auraient d'autres lecteurs de votre question, qui se retrouveraient en elle tout en ajoutant cet aspect.