Citation:
J'ai complété un minyan avec des gens qui n'ont pas écouté la meguila dans un minyan ashkénaze (je crois qu'ils suivent le נוסח הגרא).
J'ai été très surpris qu'à la fin de la lecture de la meguila, ils ont dit ערורים כל הגוים. Je suis Séfarade et notre version est ערורים כל הרשעים. Je veux bien comprendre qu'il y ait des versions différentes, mais quel est le sens de maudire tous les peuples ? S'ils nous font du mal, je comprends. Mais si c'est ne pas le cas, quelle en serait l'utilité ?
La version la plus répandue et la plus classique est ארורים כל הרשעים. Certains disent הגוים au lieu de הרשעים, cela correspondrait éventuellement à une ancienne version revisitée par la censure.
Les partisans de ארורים כל הגוים voudraient donc revenir à la version originale. Il y a peut-être aussi une volonté d’éviter de maudire tout Rasha, en se disant qu’il existe bien des juifs qualifiables de Reshaïm pour leur Aveirot…
(Il vaut mieux espérer qu’ils fassent Tshouva plutôt que de les maudire.)
D’un autre côté, il serait totalement stupide de maudire « les goyim » étant donné qu’il existe aussi bien des Goyim qui sont Tsadikim, gentils et respectables.
Voilà pourquoi la version ארורים כל הרשעים reste la plus sensée, et on pourrait peut-être la compléter 'ארורים כל הרשעים שונאי ה (= « maudits soient tous les Reshaïm qui haïssent D.ieu ». Je crois avoir déjà vu cette formulation).
Dans ‘Hazal
(Yeroushalmi Meguila §3,7) (Massekhet Sofrim §14,6) (Bereshit Raba 49,1) (Esther Raba 10,9) (Midrash Shmouel 1,2) on ne maudit que Haman et ses enfants : ארור המן וארורים בניו . Il n’est ni question de « tous les goyim », ni de « tous les Reshaïm ».
J’ai déjà entendu des communautés Sfarades qui disent ארורים כל הרשעים ברוכים כל ישראל, ce qui permet de supposer l’existence (pour la première des deux propositions) d’une ancienne version censurée depuis. Alors que la coutume Ashkenaze est de dire : ארורים כל הרשעים ברוכים כל הצדיקים.
Pourtant, nous trouvons en terrain Ashkenaze, dans
Tosfot (Meguila 7b), la formule au nom du
Yeroushalmi : ארורים כל הרשעים ברוכים כל היהודים, ce qui revient un peu à la formule Sfarade.
Et le
Rosh (Meguila §1,8) rapporte ארורים כל הרשעים ברוכים כל ישראל. On comprend qu’il y avait une version portant « Goyim » (ou similaire) au lieu du terme actuel « Reshaïm ». [Il y a aussi, dans le
Aboudarham, ארורים כל הערלים, c-à-d les incirconcis.] (Mais, comme dit, dans notre
Yeroushalmi, il n’est question que de Haman et de ses fils.)
Il existe une version légèrement différente: ארורים כל העכו"ם ברוכים כל ישראל (maudits soient tous les idolâtres, bénis soient les tous les juifs).
Idem dans le
Shoul’han Aroukh (O’’H §690,16) ארורים כל עובדי אלילים ברוכים כל ישראל.
C’est probablement un effet de la censure (qui aurait imposé de changer Goyim en Akoum) mais cela reflète mieux le sens de « Goyim » qui ne signifiait pas «
les non-juifs » contrairement à ce que certains auraient pu imaginer.
Car il faut comprendre que même la version ארורים כל הגוים ne visait que les vilains Goyim barbares parmi lesquels nos ancêtres vivaient parfois.
Aujourd’hui, en France et dans les pays civilisés, les Goyim sont éduqués, civilisés, humains. Il serait stupide de les croire concernés par la formule ארורים כל הגוים. D’ailleurs, dans la même phrase on dit :
ארורים כל הרשעים ברוכים כל הצדיקים, וגם חרבונה זכור לטוב
C-à-d : « que soient maudits tous les Reshaïm, bénis tous les Tsadikim ainsi que ‘Harbona z’’l ».
Or, ce ‘Harbona n’avait rien de juif, c’est un non-juif que l’on bénit pour ses bonnes actions et ce, depuis des siècles et dans toutes les synagogues du monde.
Ce qui prouve bien que le terme
Goyim ne visait pas « les non-juifs » dans leur ensemble. Mais uniquement les criminels parmi eux (et ils étaient bien nombreux à cette époque).
Par contre un Goy comme ‘Harbona est béni et son nom est assorti de la Brakha classiquement adjointe au nom du prophète Elie: « Zakhour Latov ».