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Lecture du Moréh Névoukhim

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ThugChicken1934
Messages: 10
Bonjour,

Ma question peut sembler idiote mais je la pose quand même :
Est-il permis de lire le Moréh Névoukhim ?

Merci.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
Citation:
Ma question peut sembler idiote mais je la pose quand même :
Est-il permis de lire le moréh névukhim ?


Ma réponse peut sembler idiote mais je la poste quand même :

Oui.

Bien que certains mettent en garde sur la possibilité de s’égarer avec ce Guide, ils conseillent donc de donner la priorité aux autres Sfarim, comme le Kouzari et d’autres, mais on ne peut pas parler d’interdit de lire le Guide des égarés sans s’égarer.
(Le Yaabets dans Mitpa’hat Sfarim (p.122) se contentera d’écrire qu’il ne faut pas gaspiller trop de temps à lire le Moré Nevoukhim…)

Tout Limoud peut être une source de déviation de la Torah, cela dépendra surtout de l’état d’esprit du Lomed avant de se lancer dans son étude.
Celui qui est Anav, sincère et Yerei Shamayim ne sera pas amené à dévier par son étude.
Au contraire, il pourra parfois ressentir qu’il n’est pas encore au niveau d’étudier le Moré Nevoukhim et donc le laisser pour plus tard.
Ou bien, il pourra l’étudier et ne pas être perturbé par certaines déclarations pourtant étranges à première vue lorsqu’on manque de recul (car le Rambam lui-même écrit dans son introduction qu’il a écrit ce livre pour son élève et ceux qui lui ressemblent, il admet que certains ne vont pas le comprendre).

Je sais que le ‘Hayei Moharan (II, p.48-49-50) (voyez aussi Si’hot Haran §40) met en garde contre l’étude de ce Sefer, et qu’il serait absolument interdit de le lire, de le regarder, même du coin de l’œil, que le Rambam se serait fourvoyé en écrivant ce Sefer, qu’il contient des idées de Kfira (etc.).
Mais cette mise en garde, de nos jours, n’est plus nécessaire ; celui qui a les qualités indiquées plus haut sera à l’abri.

Il faut de toute manière préciser que R. Na’hman de Breslev n’accuse pas seulement le Moré Nevoukhim de contenir de la Kfira, mais aussi le Mishné Torah (Yad Ha’hazaka) dans Hilkhot Déot, dans Hilkhot Yessodei Hatorah et au début de Hilkhot Avoda Zara, ainsi que son Milot Hahigayon.
Il met dans le même sac certains des commentateurs de la Torah imprimés dans le Mikraot Gdolot, et mentionne nommément le Ibn Ezra, le Ralbag, le Akeidat Its’hak, le ‘Hovot Halevavot pour son Shaar Hayi’houd, le Sefer Haïkarim du Rav Albo

Toujours d’après R. Na’hman, celui qui a lu du Moré Nevoukhim perd automatiquement son Tselem Elokim et ça se voit à son visage.
Il faut souligner qu’il l’a lu lui-même, ainsi que de nombreux Tsadikim qui l’ont lu et cité dans leurs écrits, comme le Ramban, le Ritva, Rabénou Be’hayei, le Reèm, le Rama, le Beit Yossef (o’’h §113), et j’en passe… Du coup, à qui reste-t-il du Tselem Elokim ?
Et si l’on qualifie de Kfira tous ces Rishonim et commentateurs de la Torah cités, qui sont les Tsadikim qui étaient de l’avis de Rabbi Na’hman sur cela ? Qui sont les Tsadikim qui ont repoussé et condamné tous ces Sfarim ?

R. Na’hman raillait et se moquait du Rambam qui écrit des Taamei Hamitsvot ridicules qu’il qualifie de Shtout (stupidité). (‘Hayei Moharan op cit).

[Voir aussi ce qu’écrit le Munkaczer Rebbe dans Divrei Torah (V, §70), selon lui il y a des ajouts (de malotrus) dans le Moré Nevoukhim car les Taamei Hamitsvot qu’il présente sont absurdes…
Le Yaabets dans Ets Avot (II, 14, daf 20b), et Migadl Oz (éd. Fisher, Aliyat Hatéva, p.360), et Mitpa’hat Sfarim (p.90) ira plus loin et écrira que le Rambam n’est pas l’auteur du Moré Nevoukhim !
Ce qui ne l’empêche pas d’écrire qu’il n’en est pas sûr (Mitpa’hat Sfarim p.10) ou même d’écrire que le Rambam est bien l’auteur du Moré Nevoukhim (Shéilat Yaabets I, §41) !]

Il faut donc comprendre que si l’on veut valider les propos de Rabbi Na’hman Breslever sans les contextualiser, on traite tous les Tsadikim de Kofrim h’’v.
Force nous est d’admettre qu’il a réagi avec virulence contre ces Sfarim en fonction des adeptes qu’il avait, et de l’époque, comme on le lit (p.49) que quasiment tous ceux qui ont touché au Moré Nevoukhim « badorot halalou » sont devenus des Apikorsim. Badorot halalou signifiant bien que c’est une question d’époque.

Nous trouvons aussi des auteurs qui écrivent que le Rambam s’est égaré avec son étude de philosophie, le plus connu étant le Gaon de Vilna (Biour Hagra Y’’D §179, sk.13) (voir aussi Even Shleima §XI, 4), mais il y en a d’autres, comme le Shout Harivash (§45), le Yaabets (Mitpa’hat Sfarim p.122 et autres), le Sefer Habrit (Maamar Derekh Emouna §32) etc.
Ou que le Moré Nevoukhim était bien pour son époque mais pas pour nous, voir Maharal dans Derekh Ha’haïm (p.324), Ramban dans Iguéret Hitnatslout (daf 86a), Shéilat Yaabets (I, §41)

En conclusion :
1) Votre question n’était pas idiote, loin s’en faut

2) Il ne faut pas s’imposer la lecture du Moré Nevoukhim, elle est bénéfique uniquement si on ressent qu’on est adapté à cette lecture, chaque chose en son temps, ce livre n’apportera pas forcément du positif aux personnes mal intentionnées, ou mal renseignées sur la Torah et le Talmud, ou ayant un peu trop de Gaava…

3) Mais les interdits catégoriques de Rabbi Na’hman de Breslev ne sont plus d’actualité, si ce n’est pour les personnes qui se sentent en phase avec la réalité de son époque, il y a deux siècles (et non en phase avec les siècles précédents et suivants l'époque de Rabbi Na'hman).
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6656
J’ajoute encore que le ‘Hafets ‘Haim n’aimait pas trop les « ‘hakirot » et optait plutôt pour une Emouna Pshouta, et lorsque son fils acquit un Moré Nevoukhim, il le lui confisqua (Dougma Midarkhei Avi p.5).

Il a ajouté que celui qui cherche des « preuves » indique qu’il a des doutes… Sauf pour le Rambam qui a écrit le Moré Nevoukhim pour montrer le droit chemin aux égarés qui sont dans l’erreur (et pas pour un juif pratiquant et pieux).

Fin de citation.

(Le Rivash (§45) écrit quelque chose de similaire, que le Rambam aurait écrit ce livre afin de contrer l’apicorète.)

Il faut quand même souligner deux choses :

a) le Rambam n’est pas le seul parmi les Rishonim à s’être occupé des ‘Hakirot et de la philosophie, ni même le seul à y avoir consacré un ouvrage.

b) Le Rambam n’a pas écrit le Moré Nevoukhim pour des « égarés » dans le sens commun du terme (des gens totalement perdus en religion juive) comme le comprend le ‘Hafets ‘Haim, mais pour son élève Rabbi Yossef bar Yehouda qu’il tenait en très haute estime (cf. l’incipit du Moré Nevoukhim), ainsi que pour tout autre ayant des connaissances philosophiques et ayant étudié les sciences véritables, qui croit aux paroles de la Torah et qui est égaré dans ces sujets (Pti’ha du Moré Nevoukhim, éd. Kafi’h p.9).

Ce qui revient à dire qu'en réalité, le Rambam ne partageait pas la vision du 'Hafets 'Haim.
Mais ces divergences de Hashkafa doivent être comprises dans leurs contextes respectifs; il se peut qu'à une époque il soit préférable de tenir à distance ces Sfarim de 'Hakirot, alors qu'à une autre époque cela soit au contraire profitable.
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