Si l'écriture est valide ou non d'une communauté à l'autre, c'est un sujet qui est traité en de maints endroits, voyez :
Beer Moshé VIII, §53-54 et VII, §3
Kinat Sofrim (Kluger) §121
'Hayim Beyad (Pallagi) y"d §83
Noda Biyehouda II, Y"D §171 et I, §80
'Ha'ham Tsvi §99
Tsits Eliezer XIV, §3
Méil Shmouel §2
Har Tsvi o"h §32
Brit Yaakov §67
Shout Maarsham §102
Divrei Morde'hai §143
Ye'havei Daat II, §3
Sdei Aarets III, y"d §18
Eshiv Moshé y"d §51
Ces auteurs (à l'instar de la grande majorité des poskim) considèrent que l'on peut s'acquitter de la mitsva indifféremment de notre origine; que l'on soit sfarade ou ashkenaze, on est quitte avec des tfilines sfarades ou ashkenazes.
Cependant, la question ne concerne que le ktav, l'écriture, qui est valide pour les deux communautés, même si certains considéraient les choses autrement, leur opinion n'a pas été retenue.
Même si le
'Hida est connu pour avoir cité dans son
Birkei Yossef (o"h §36, 2) deux auteurs qui considèrent que l'écriture ashkenaze serait invalide pour un sfarade (voir encore
Yossef Omets §11), le
Yere'h Yaakov (§11) souligne déjà que ce même
'Hida -dans
Ledavid Emet (§13), semble considérer que les deux écritures soient valides.
En fait ce n'est pas vraiment une "contradiction" dans les paroles du
'Hida car ce dernier (dans
shout 'haim shaal I, §8) prévient déjà ses lecteurs que les opinions qu'il cite dans son
Birkei Yossef ne sont pas nécessairement approuvées par lui, il ne les cite qu'en tant que maré makom pour faciliter une recherche ultérieure.
[Aussi,
rav Ovadia Yossef dans
Yabia Omer (II, y"d §20, 6) pense que la raison de l'un des deux rabanim (cités par le
'Hida) qui invalident le ktav ashkenaze, n'est pas applicable de nos jours.
Il écrit encore (dans
Ye'havei daat IV, §3) que le
'Hida lui-même aurait reconnu (cf.
Pa'had Its'hak Lampronti d"h Mezouza daf 70a) ne pas avoir eu le temps de bien comprendre la raison pour laquelle ces rabanim invalidaient ce ktav, il n'aurait que rapidement recopié la conclusion sans approfondir.
Il amène encore, au nom de
rav Shmouel Weingarten que le
'Hida en personne écrit (dans son
Maagal Tov p. 154) qu'étant de passage en Hollande, il aurait prié un shabbat à min'ha dans la synagogue ashkenaze et serait monté au sefer Thora (et aurait donc fait la bra'ha sur un ST écrit en ktav ashkenaze)].
La différence de calligraphie entre les pays existe depuis bien longtemps, déjà au XIVème siècle, le
Rosh (shout arosh §3, 11) la soulignait.
C'est pourquoi le
Divrei 'Hamoudot (il'hot Sefer Thora, §47) se justifiera de ne pas s'allonger trop sur la forme des lettres, car elle diffère de toute façon d'un pays à l'autre.
Comme l'écrit le
Maaram Galanti (shout §124), même le
beth Yossef n'a détaillé que ce qui peut être meakev (ce qui peut invalider), mais le reste ne nécessite pas de précisions. (cependant voir
Noda Biyehouda II, Y"D §171)
Rabeinou Todros Aboulafia (élève du
Rashba) écrit dans son
Otsar Akavod ('Haguiga 15) "
ne t'imagine pas que la forme des lettres transmises à Moshé au Sinaï corresponde à la nôtre aujourd'hui (=même d'après l'opinion qui pense que la Thora a été donnée en Ktav Ashouri)", car avec le temps, les scribes de chaque génération ont tenté d'embellir les caractères hébraïques selon leur goût et il est inévitable qu'il y ait eu quelques déformations.
Il est connu que le
'Hazon Ish avait tout d'abord émis un psak contraire (=invalidant) en raison de la différence concernant la lettre tsadik (tsadé), en se basant sur une déduction des mots du
'Hatam Sofer (shout Even Aezer II, §8).
Suite à ce psak, plusieurs ashkenazim refusaient de monter à un sefer thora sfarade.
Cependant, plusieurs rabanim lui ont fait remarquer qu'il ressortait très clairement des dires du
'Hatam Sofer lui-même (y"d fin de §266) que le tsadik sfarade est aussi kasher.
Suite à quoi, le
'Hazon Ish s'est ravisé et a reconnu son erreur.
La question du Tsadik (dans le ktav sfarade, la tête de droite du tsadik est tournée dans le sens inverse; vers la droite) est traitée dans plusieurs sfarim.
Il ressort du
'Hatml Sofer (op cit) que c'est kasher, c'est aussi ce qui ressort d'autres auteurs que cite le
Ye'havei Daat (op cit):
Shout Yad Yossef (likoutim y"d §19), le Baal Atania, le Mor Ouktsia et le Divrei Israel (II) qui soulignait déjà l'erreur du 'Hazon Ish, tout comme le
Min'hat Its'hak (IV, §47, 1).
Je crois que
Rav Ovadia Yossef à oublié une référence -et non des moindre pourtant, c'est le
Shout Shoel Oumeshiv (maad.III, 'helek I §226) qui lui aussi valide le tsadik sfarade.
Bref, tout ceci pour dire que l'écriture sfarade comme ashkenaze est valide pour tous les juifs.
CEPENDANT, ça ne s'arrête pas là.
Concernant les tfilines particulièrement, il est vrai qu'il y a une opinion qui invalide les tfilines ashkenazes pour un sfarade!
Et c'est
Rav Ovadia Yossef (Ye'havei Daat IV, §3), mais pas pour une question de différence d'écriture, le problème est que les ashkenazim suivent l'opinion du
Taz (o"h §32, 26) (soutenue par le
Gaon de Vilna et d'autres) qui est invalide selon le
Shoul'han Arou'h (o"h §32, 36) (pour qui parshat veaya im shamoa doit impérativement être stouma).
Or, comme
ROY suit l'avis du
Shoul'han Arou'h, il invalide ces tfilines et considère que c'est une bra'ha levatala!
Pire encore, il ajoute que celui qui met des tfilines ashkenazes serait concerné par ce que la gmara dit au sujet de
Karkafta delo mana'h tfilin (c-à-d qu'il est considéré comme quelqu'un qui n'aurait jamais mis les tfilin et encoure donc une punition particulièrement sévère que je ne détaillerai pas ici afin d'éviter les cauchemars aux plus sensibles de nos lecteurs).
Personnellement, avec tout le respect que je dois à
ROY, je trouve qu'il exagère un peu, car il est difficile d'admettre une telle punition pour une personne qui pensait bien faire et se trompait.
À moins d'expliquer ce qu'il dit en précisant qu'il parle d'une personne qui SAIT que c'est passoul et s'entête malgré tout à ne porter que ces tfilines.
Et même là, dans la mesure où ces tfilines sont ksheirot pour de très très nombreux poskim, je ne comprends pas bien pourquoi préciser que celui qui les porte serait un "
karkafta delo mana'h tfilin selon rav Yossef Karo", quel en est l'intérêt une fois qu'il a dit que c'est passoul selon le
rav Karo?
Même s'il est vrai que certaines communautés suivent systématiquement les décisions de
rav Karo, ça n'est qu'une anaga, une conduite qu'ils ont décidé de suivre, mais ça ne change rien à la réalité;
je veux dire que si jamais
klapei shmaya galia que
rav Karo avait tort d'invalider bediavad ces tfilines, même si celui qui contrevient à ce psak et porte des tfilines ashkenazes appartient à une communauté qui suit
rav Karo, il ne sera pas pour autant "karkafta delo mana'h tfilin".
Autrement dit: les communautés qui suivent
rav Yossef Karo ne considèrent pas pour autant qu'il est certain que ce dernier ne se soit jamais trompé et aurait toujours eu raison, elles considèrent seulement qu'il peut y avoir plusieurs shitot et qu'il serait très difficile de tenter de trancher soi-même parmi des sommités , aussi elles préfèrent s'en remettre systématiquement à un rav et elles ont porté leur choix sur
rav Yossef Karo qui présentait l'avantage d'avoir écrit un livre court, détaillé et approuvé par de nombreux rabbins de communautés à travers la diaspora.
Ceci étant dit, j'en reviens à l'essentiel, selon
Rabbi Ovadia Yossef Zatsa"l un sfarade qui met des tfilines ashkenazes avec bra'ha fait une bra'ha levatala !
Donc ce dont on vous a parlé EST VRAI, il y a bel et bien une telle opinion.
Si vous suivez systématiquement
ROY, vous ne devrez pas mettre de tfilines ashkenazes, cependant, si vous êtes originaire du Maghreb, plusieurs communautés ne suivent pas totalement le
ROY précisément sur ce point qui consiste à suivre systématiquement le
rav Karo.
Aussi, il est possible que certaines communautés sfarades permettraient de mettre des tfilines ashkenazes avec Bra'ha (car pas tous les sfaradim suivent le
rav Karo de A à Z).
Très récemment, suite à ce post:
http://www.techouvot.com/yalkout_yossef_ou_choulhan_arouh-vt2002.html
un ami m'a envoyé un écrit de
Rav Its'hak Yossef, "Bnei Marocco veil'hoteiem", dans lequel il défend l'idée selon laquelle TOUS les sfaradim venus s'installer en Israel se doivent d'abandonner leurs coutumes maghrébines et adopter les décisions du
Rav Yossef (car le
Rav Karo était le rav en Israel etc...).
Sans entrer dans la discussion, je remarque donc que
rav Its'hak Yossef en personne admet que ces psakim ne concernent pas les sfaradim du Maghreb installés en France (ou au Canada, etc...), ces derniers doivent donc continuer à respecter leurs coutumes ancestrales
même d'après le rav Yossef et NE PAS suivre les psakim de
Rav Ovadia lorsqu'ils vont à l'encontre du psak admis dans leurs communautés respectives.
(voire même peut-être, selon cette logique, les sfaradim venus s'installer en France devraient donc suivre le psak ashkenaze, puisque la France -au moins pour sa moitié nord- est un pays ashkenaze!
Habituellement, on dit qu'étant donné que les maghrébins venus s'y installer ne sont pas venus seuls, mais en grands groupes, ils peuvent continuer à respecter leurs coutumes car ils créent une nouvelle communauté à l'intérieur de la communauté existante.
Mais puisque
rav Yossef semble ne pas accorder de considération à la différence entre celui qui vient s'installer tout seul et ceux qui viennent en grand nombre, il semblerait donc que selon le
Rav Yossef, les sfaradim en France devraient suivre le psak ashkenaze !!?
...à creuser...
Si c'est le cas, vous n'avez aucun problème à faire la bra'ha sur des tfilines ashkenazes car vous devez suivre tous les psakm ashkenazes !
:) )
Par conséquent, je ne sais pas si cette ala'ha (qui consiste à suivre complètement l'avis de
Rav Karo contre ce
Taz) est applicable pour un sfarade originaire du Maghreb installé en France.
Il faudra donc vous référer au psak de votre rav...
Autre chose. Vous écrivez "
des tefilines ashkénaze ou loubavich", je ne sais pas comment les loubavitsh s'y prennent pour leurs parshiot, mais s'ils suivent leur
Rabbi dans son
Shoul'han Arou'h Arav Baal Atania (o"h §32, 52) (et ça serait assez logique), ils ne devraient pas suivre l'opinion du
Taz et par conséquent leur tfilines seraient OK même d'après
Rav Ovadia Yossef.
(ce qui nous éviterait bien des complications étant donné que les loubavitsh qui mettent les tfilines aux passants à la sortie du métro ne disposent pas d'une paire spéciale sfarades).