Chalom,
J’ai lu avec beaucoup d’émotion le texte écrit par Olivier Muller, concernant sa souffrance d’être un Guer.
Si je réponds à ce message, c’est parce-que je suis mariée depuis près de 13 ans maintenant avec un Guer italien.
Quand, j’ai fait mon Alyah à Jérusalem en 1993 j’étais célibataire. Comme je suis datia, il n’était pas question que je « fasse la vie » comme on dit en Israël et j’ai fait des chidou’him. Je suis tombée sur de nombreux garçons dont la mentalité me déplaisait vraiment. Je ne voulais pas épouser un israélien car je crois que pour s’adapter à la mentalité israélienne il faille monter depuis l’enfance…
J’ai un jour rencontré celui qui allait devenir mon mari sans savoir qu’il était un converti. Dès qu’il me l’a dit (5 minutes après notre rencontre), j’ai eu un pincement au cœur et une certaine réticence à continuer le chidou’h et je vais vous en donner la raison.
Mon père –zal- avait un frère –zal- qui, il y a de nombreuses années avait épousé une convertie italienne en Tunisie dans les années 1950. Elle était très belle à ce qu’il paraît et s’était convertie « par amour » pour mon oncle. Les gens disait de cette femme « qu’elle était plus Tsadeket qu’une Juive, qu’elle allumait les bougies de Chabbat la première dans tout le quartier de la rue Lafayette à Tunis, qu’elle était très respectueuse des lois de Cacherout et de Nidah etc…
Mon oncle a quitté ce monde en 1992 (un an avant que je fasse mon Alyah). Figurez-vous que quand mon frère qui est H’abad est venu pour s’occuper de l’enterrement de mon oncle, il n’a pas compris ce qu’il voyait devant lui : mon oncle était allongé sur son lit, habillé, maquillé, vêtu d’un beau costume et d’une belle chemise de soirée avec nœud papillon et dans ses doigts croisés il tenait un crucifix !!
Mon frère a immédiatement retiré le crucifix et a demandé des explications à la femme de mon oncle « la Tsadeket de Tunis ! » Sur-ce, un prêtre a débarqué chez la femme de mon oncle pour faire des prières… Mon frère n’y tenant plus s’est immédiatement adressé au prêtre afin de lui expliquer qu’il y avait un malentendu vu que mon oncle n’était pas chrétien mais Juif et qu’il devait être enterré en tant que tel.
Ca a été l’horreur et impossible de décider la femme de mon oncle à l’enterrer dans un carré Juif du cimetière et lui offrir une véritable lévaya. Sous les conseils avisés du Rav Frankforter, mon frère s’est rendu à la morgue en pleine nuit avec un ami H’abad, afin de laver le corps de mon oncle, et de le veiller avec la lecture de Michnayot toute la nuit. On va dire que mon frère a limité à peine les dégâts. Mon oncle est malheureusement enterré au cimetière de Pantin, avec un énorme crucifix qui surplombe son nom Juif qui est « Attal ».
Suite à cela, on a appris que la femme de mon oncle s’était rendue toute sa vie à l’église en cachette de son mari, qu’elle avait triché sur la cacherout en lui faisant avaler pendant des années de la nourriture non cachère et sans le savoir, mon oncle a dormi toute sa vie avec un crucifix cloué sous le matelas de son lit conjugal !
Alors vous voyez, dans ma famille, on a malheureusement une mauvaise opinion des Guérim et des guiyorot à cause de cette histoire traumatisante ? c’est dommage, mais c’est ainsi…
Par ailleurs, pratiquement toutes les guiyorot que j’avais rencontré quand j’habitais Paris s’étaient (je répète « presque ») toutes converties au Judaïsme, dans l’intention de se marier avec un Juif et j’ai toujours eu cette malheureuse pensée qui est celle de me dire que si l’homme qu’elles aimaient avait été musulman, elles se seraient converties à l’islam.
Mon opinion a changé du tout au tout dès mon arrivée en Israël. HM sait très bien ce que l’on va faire de notre existence, avec qui on va se marier et avoir des enfants, dans quel endroit on va habiter et travailler etc… Comme HM sait absolument tout, Il a fait en sorte que mes premières copines (devenues amies) soient des converties ! Il voulait certainement me faire comprendre qu’il y avait des non Juifs sincères qui aimaient la Torah et me préparer mentalement à l’idée d’épouser moi-même un Guer quelques mois plus tard…
J’ai immédiatement fréquenté les français H’abad à Jérusalem dès mon arrivée, car cela correspondait absolument à ma façon H’assidique de concevoir la vie Juive. Mon Rav s’occupait entre autre, des jeunes filles de France qui voulaient se convertir au Judaïsme et elles venaient en Israël car le processus de conversion est plus rapide qu’en France.
Je connais des dizaines et des dizaines de Guiyorot en Israël et qui viennent de tous les milieux français : bourgeois comme prolétaires, ouverts d’esprit comme antisémites, intellos comme incultes… Je connais l’histoire émouvante de chacune d’entre elles et les raisons qui les ont poussées à se convertir.
Un jour, j’ai dit à une amie (d’origine réunionnaise) que j’aime profondément et qui est une vraie Breslev dans toute la splendeur du terme : « tu sais moi Faighée, si HM m’avait faite non Juive, je crois que je ne me serais jamais convertie au Judaïsme. Je suis très heureuse d’être Juive et de faire Torah et Mitsvoth, mais je ne pense pas que j’aurais fait la démarche de faire tout ce ‘boulot-là’ si HM ne m’avait pas choisie ! »
Je vais vous dire ce qu’elle m’a répondu : « Yaël, tu ne sais pas de quoi tu parles. Se convertir pour un non Juif, c’est revenir à ce qu’il aurait dû être à sa naissance. C’est comme si on était un garçon et notre mère nous aurait éduqué, habillé, fait jouer, maquillé uniquement comme une fille. Il y a jour où l’on ressent un décalage entre notre corps et notre esprit, où l’on sent que l’on n’est plus nous-mêmes et qu’il n’y a que les Mitsvoth de la Torah qui nous attirent, il n’y a que son étude qui nous passionne et qui nous faire vivre. On étouffe, on n’est pas nous-mêmes (elle a répété ce terme plusieurs fois) c’est insupportable et dès que l’on entre dans le Mikvée pour la première fois, on ressent en une seconde toute notre vraie vitalité, la réponse à toutes nos questions, on devient Juif, mais en vérité on l’a toujours été ! »
Je me demande combien de Juifs qui ne respectent pas la Torah et qui sont nés de mère Juive ont déjà parlé avec autant de beauté et de vérité du bonheur d’être nés Juifs ?
C’est curieux comme HM fait les choses : comme je suis assez sociable et Barou’h HM bien intégrée en Israël, je rencontre beaucoup de jeunes filles et de femmes de tous genres. Quand je vois une Guiyoret ou un Guer, je le sens immédiatement et je n’arrive pas à m’expliquer d’où me vient cette intuition ? J’ai une grande admiration pour tous les Guérim, je les trouve merveilleux !
Ici en Israël, je peux vous dire que les Guerim et les Guiyorot sont très aimés et sont aux yeux de la plupart du peuple israélien, très respectés. D’ailleurs, j’ai constaté que toutes les Guiyorot qui n’arrivaient pas à se marier en France, arrivaient à trouver un ‘hatan assez rapidement en Israël. Je connais une communauté entière de Péruviens qui habitent le Chomrone (la Samarie) et quand je suis allée récemment au mariage d’une jeune fille et de son fiancé (tous deux d’origine indienne du Pérou) j’ai eu les larmes aux yeux par la Kédoucha qui se dégageait lors de la H’oupa. Il y avait de très grands Rabbanim de tous les coins d’Israël qui étaient venus bénir le jeune couple et c’était vraiment très beau…
Je connais un couple de Guerim Corses dont l’homme (avant de se marier) était peintre pour le vatican, la femme était comédienne et ils vivaient ensemble… Un jour, le peintre devait effectuer une fresque représentant un passage des évangiles, un truc sur saint luc… Le peintre voulait avoir une réelle et profonde vue d’ensemble de l’histoire de ce saint luc, sinon il n’arrivait pas à avoir l’inspiration pour composer son œuvre. Il a commencé à poser des questions aux prélats du vatican qui répondaient comme ils savaient. Mais plus le peintre voulait approfondir les dires des prélats, moins il était satisfait des réponses. Un jour, un prêtre a dit curieusement au peintre que s’il voulait avoir plus de renseignements sur l’origine de ce passage de l’histoire chrétienne, qu’il se rendre chez le Grand Rabbin de Rome, que lui-même le connaissait personnellement et pourrait lui arranger un rendez-vous.
Le peintre est donc allé chez le Rabbin et ne l’a plus lâché ! Plus il posait des questions et plus de nouvelles se bousculaient dans sa tête, il voulait toujours savoir et savoir encore, découvrir ce qu’était le Judaïsme car il sentait que c’était la source de toute la Vérité du monde.
Ce peintre est ensuite venu en Israël avec son amie non Juive pour étudier la Torah et se convertir. Le jour de leur mariage a été si empli de Kédoucha, que toute l’assistance était en larmes (moi avec !). Ce peintre est devenu un Rav H’abad et sa femme fait partie de « l’Association des Femmes Francophones de Jérusalem » et s’évertue à longueur de temps à répandre les Lumières de la H’assidout et à s’occuper de toutes les femmes afin d’observer dans toute sa splendeur la sentence « tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Le Rabbi de Loubavitch dans une de ses Si’hot dit la chose suivante : « quand quelqu’un a fait Téchouva depuis des années, il n’a pas à rappeler qu’il a été non religieux dans son enfance. C’est comme s’il avait toujours été dans la Torah, car les années deviennent comme sa réelle peau, en quelque sorte. De même pour un converti qui le serait depuis des années, il n’a pas à rappeler ses origines non Juives. S’il observe la Torah depuis des années alors il est Juif à part entière et est considéré comme s’il l’avait été depuis sa naissance.
Pour en revenir au fait que lors d’un Chidou’h, la première chose que doit dire une personne c’est si elle est convertie, je ne crois pas que cela pose un problème. C’est comme pour une personne divorcée de l’annoncer ou de dire que l’on a un ou plusieurs enfants etc… Il y a des informations que l’on se doit de donner, mais tout dépend de comment on se présente. Si l’on parle de soi avec gêne ou malaise alors, le problème est à corriger avec nous et non pas avec l’autre. Si un Guer annonce fièrement qu’il l’est, qu’il est très content et qu’il met une grande vitalité dans son expression, alors la personne en face de lui sera touchée et recevra cette information avec joie. Si le Guer dit qu’il l’est et baisse les yeux comme s’il en ressentait de la honte, alors l’autre recevra ce sentiment en pleine figure, comme une injure.
Quoi qu’il en soit, c’est HM, le Maître du monde qui « mézavègue et ahanachim », qui fait les couples. Si quelqu’un croit que son chidou’h est rejeté parce qu’il est Guer, c’est en vérité parce que HM sait que la personne en face de lui n’est pas celle qu’il doit épouser, donc il n’y a rien à regretter, si ça n’est pas le Mazal, il ne faut pas insister.
J’ai constaté qu’en France on se méfiait des Guerim parce que la famille non Juive faisait peur. En effet, un Guer avec barbe et kippa va être gêné d’aller le dimanche rendre visite à sa famille qui lui servira des aliments non cachères qu’il ne pourra pas manger et qui parleront de sujets qui ne l’intéressent absolument plus…
En Israël, grâce à D’. on n’a pas ce problème. Comme on est loin de la famille non juive, on peut vivre comme on l’entend. Notre famille, c’est celle que l’on fonde ici, détachés de tous et c’est très bien d’ailleurs car vu le nombre de couples Juifs qui divorcent entre autre, à cause des belles familles, c’est à se demander…
Personnellement, je suis très contente d’être mariée à un Guer et ne regrette pas mon choix. Mon mari en Israël a adopté les coutumes de ma famille qui sont conformes à nos Mitsvoth et il les aime vraiment. Quand nos enfants sont nés, mon mari ne m’a pas imposé (comme chez 90% des familles Juives) les noms, parfois ridicules, de ses parents ou de ses grands-parents. J’ai nommé tous nos enfants selon mes désirs et n’ai nommé personne ni de ma famille, ni de la sienne et c’est très bien comme ça.
La belle-mère Sépharade d’une de mes sœurs lui avait dit le jour de la naissance de sa fille la chose suivante (tenez-vous bien, ça vaut son pesant d’or!) : « si tu n’appelles pas ta fille comme moi, elle mourra dans l’année ! » Une de mes nièces s’est appelée « Kouékê » jusqu’à ce que ma sœur divorce et change le nom de sa fille en « Dina », ce qui est un vrai prénom Juif et dont plus personne ne se moque. Je passe sur le fait que la belle-famille de ma sœur à grandement œuvré à provoquer le divorce entre ma sœur et mon ex beau-frère. Ah la névrose…
Alors vous voyez, rien n’est absolu, il y a du bien et du bon uniquement là où l’on veut le voir. L’essentiel est de se construire et de savoir qu’un Juif a une mission de vie et de réparation dans ce monde. Un Guer peut se sentir déraciné certes, mais un Juif qui fait son Alyah aussi peut aussi se sentir déraciné. En vérité, c’est absolument le contraire : le non Juif en se convertissant retourne aux racines de son âme, comme un Juif qui monte en Israël revient aux racines de sa Terre.
Ce n’est pas une tare d’être converti, c’est une Béra’ha !
Bien à vous et soyez fiers d’être des Guerim !
Yael Attal Gusi
Jérusalem – Ir Hakodech.
17 Chevat, Chnat Hachmita Tachna’h