@ Modern Orthodox
Bonsoir,
Je commence cette fois ci par la fin, car je pense que c'est là qu'apparait le plus clairement la nécessité de réagir. Je dois préciser que puisqu'ayant ici beaucoup à dire je devrais écourter mon discours, au prix de sa clarté. Mais je vous fais confiance, et considère que le peu d'explications que je m'apprête à donner vous suffiront. Si ce n'est pas le cas, nous pourrons toujours nous expliquer plus tard. L'important pour moi pour le moment c'est de couvrir un maximum de points, sans pour autant transformer ce message en tartine.
1) Vous présentez dans votre message (en 4b) un raisonnement qui s'articule en trois temps :
a) Vous constatez que "dans le droit hébraïque la femme n'est jamais indépendante".
b) Vous supposez alors que le "manque de liberté" que vous décelez ici, est la raison pour laquelle la femme est "exemptée de nombreux commandements", et ne "participe pas au minyan".
c) Vous rappelez ensuite qu'aujourd'hui par contre "le droit international estime qu'une femme n'est pas moins indépendante qu'un homme", et proposez donc de voir ici une "situation nouvelle" pour la hala'ha (telle que nous l'avions défini dans nos messages précédents), qui nécessiterait alors certains changements en celle-ci.
Vous soulignez que dans ce sens un rabbin MO connu "estime qu'il faudrait créer une nouvelle catégorie halakique qu'il nomme les « bnot chorin »", les "femmes affranchies".
Tout cela ne tient pourtant pas la route.
"Dans le droit hébraïque la femme n'est jamais indépendante" est une affirmation totalement fausse.
Dans la hala'ha la fille ou la femme ont une certaine dépendance vis-à-vis du père ou du mari c'est vrai. Mais deux points vous échappent apparemment :
a) Concernant la fille, il ne s'agit que de celle de moins de douze ans (ou douze ans et demi). Une fois cet âge infantile passé, la jeune fille juive est pour la hala'ha totalement indépendante. Elle ne doit aucun service à qui que ce soit, elle est financièrement parlant entièrement autonome, et ses vœux, puisque vous en parlez, sont sous son unique responsabilité.
Et malgré cela elle reste dispensée de tous les commandements dont vous parliez, et ne peut toujours pas participer au minyan.
Ce n'est donc certainement pas par manque de "liberté" que la femme est sujette à ces conditions ; la catégorie "Bnot chorin" existe bien depuis toujours, et n'est pourtant matière à aucune forme de dérogation au niveau de la hala'ha.
b) Pour la femme mariée, le fait qu'elle ait à rendre certains services en échange de ce qu'elle reçoit ne dépend, pour la hala'ha toujours, que de son propre choix.
Une femme désirant vivre avec son mari en "séparation de biens" peut tout à fait l'exiger, comme le précise le Talmud à plusieurs endroits : "une femme peut déclarer à son mari : eini nizonit véeini ossa (ne me nourrit plus, et ne me demande plus rien)" car, explique le Talmud, cet arrangement n'a été institué au départ que pour l'intérêt de l'épouse, si ça ne l'intéresse pas ou plus, elle peut changer ce statut à tout moment.
Il ne s'agit donc certainement pas d'un "asservissement", mais d'un arrangement a priori, pour le bien de la femme.
Je me répète donc, mais ça ne fait pas de mal, le fait que la Torah ait exempté la femme de nombreux commandements n'a strictement rien à voir avec son statut social.
Et de surplus, son statut social pour la hala'ha n'est, de toutes les façons, certainement pas celui d'une "servante".
Je pense qu'il n'y a donc en aucun cas raison de voir là une "situation nouvelle" et de chercher à ce titre à changer la hala'ha.
2) Mais au-delà du sujet lui-même, ce qui me dérange profondément ici, c'est la démarche sournoise du "Modern orthodox".
En premier lieu il s'adonne à diaboliser la Torah :
"La femme n'est jamais indépendante",
"elle doit de nombreux services « en échange » du logis et de la nourriture qu'elle reçoit",
"elle doit laver les pieds de son mari" (phrase prise totalement hors contexte : à l'époque alors que les moyens de transports, les routes, et les chaussures n'étaient pas ce qu'ils sont de nos jours, une personne revenait d'un trajet avec les pieds "en feu", la première chose dont il avait besoin était de se les rafraichir, cf. Genèse XVIII, 4. Le mari qui en général était dans le couple celui des deux qui devait "affronter" les routes, attendait donc à son retour que sa femme lui procure cette eau tant espérée. Aujourd'hui, nous ne connaissons plus de cette coutume que son aspect dévalorisant, et trouvons donc naturellement cette hala'ha spécialement choquante),
etc.
Une fois notre confiance en la Torah bien ébranlée par toutes ces "horreurs" (pourtant bien fausses !), le MO brandit sa modernité en bon sauveur : "le droit international", "les femmes affranchies" (bnot chorin).
Ah, là on se sent mieux !
Ensuite, une fois qu'il ne subsiste plus de résistance du côté de la Torah, puisque ridiculisée, elle en vient à perdre son droit d'affirmation, il ne reste plus au Modern Orthodox qu'à modeler la hala'ha, en toute tranquillité, tel qu'il l'entend.
Et en fait, tel qu'il se l'était fixé avant même de se lancer dans son "analyse hala'hique", dont le seul but, mais non- affirmé, était de parvenir à ressembler le plus possible aux non-juifs, tout en voulant continuer à pouvoir penser que sa démarche correspond bien à la hala'ha, qui nécessitait juste ici un petit réajustement…
M.O., je ne parle pas de vous qui ne faites que répéter ce que d'autres expriment. Mais je parle bien de ces "grands penseurs" de la Modern orthodoxy, qui se moquent trop souvent du monde, en profitant de l'ignorance ou de la faiblesse intellectuelle du peuple, ou encore de notre attrait naturel au matériel, et essayent de nous faire avaler n'importe quoi.
Alors lorsque j'entends par exemple que ces mêmes penseurs proposent que les femmes se mettent à étudier le Talmud "comme les hommes", pour éviter "des conséquences dramatiques sur l'avenir des filles juives", je doute.
Je doute car je sais bien que ce qui les dérange le plus c'est de constater que la cellule familiale orthodoxe diffère "trop" de son homologue goy (pour peu que celle-ci existe encore). Dans ces conditions le penseur MO se sent coupé du "vaste monde", ce qu'il ne supporte pas.
Je crains bien que ce ne soit que dans ce sens que son sentiment d'égalité s'éveille, et que son inquiétude pour l'avenir de nos filles se déclenche.
3) Mais me direz-vous, mettons un instant de côté la Torah, et considérons ce que disent les profanes, en soi. N'ont-ils pas raison de réclamer l'égalité des sexes ? Devons-nous fermer les yeux sur ce qui aujourd'hui devient une réalité ? Les femmes ne sont-elles pas aussi des êtres humains ?
A cela je vous répondrai deux choses, une de portée générale, et l'autre plus ponctuelle pour ce cas précis.
a) Premièrement c'est vrai, la Torah prend en considération l'avis du profane. Il suffit de lire le début de la Paracha de Yitro (Exode chapitre XVIII) pour constater que les conseils promulgués par un nouvel arrivant, non juif, ont été pris très au sérieux et appliqués par Moïse, qui reconfigurât ainsi toute la structure institutionnelle juridique existante.
Parfois la prise de conscience de nos erreurs passe donc par un réveil qui vient justement de l'extérieur. C'est pourquoi on ne ferme certainement pas les yeux sur ce qui se passe dans le monde, peut-être y avons-nous quelque chose à apprendre.
Mais cela ne peut pourtant concerner que nos décisions et conduites au niveau humain. Tout ce qui provient directement de la parole divine, n'a aucune raison d'être remis en cause par "le regard du profane". D.ieu n'est pas suspect à nos yeux, nous croyants, d'avoir "mal vu" les choses.
Or le fait que la femme soit soumise à moins de commandements que l'homme est l'effet de la volonté divine, au même titre que le juif simple se trouve avoir moins d'obligations que le cohen. Si le statut du cohen est du coup "meilleur" que celui du Israël, ou celui de l'homme que celui de la femme, c'est à Celui qui a décrété ces différences qu'il faut nous en remettre.
Il n'y a donc ici rien à revoir de notre côté à nous, tant – bien sûr – que cette différence n'est pas exploitée par les hommes pour le mal – nous en avions déjà parlé plus haut et je vous renvoie une fois de plus à ce lien :
http://www.techouvot.com/polygamie_et_misogynie-vt13256.html
b) Deuxièmement, en examinant le féminisme de prêt vous constaterez qu'il comporte deux niveaux de revendication. Le premier est la lutte contre l'injustice dont les femmes ont été ou sont sujettes, du fait de leur position sociale inférieure. Le second est de viser à l'effacement de cette différence sociale.
Le but manifeste de cette seconde revendication est la préservation des acquis de la première revendication, et aussi d'empêcher à l'avenir le renouvellement de ces injustices. But donc apparemment louable en soi.
Pourtant le féminisme tombe ici dans un total non-sens.
La femme est essentiellement différente de l'homme (ou si vous préférez l'homme est essentiellement différent de la femme). A cela tous les féministes du monde ne pourront jamais rien.
Regardez, aux jeux Olympiques, il y a des compétitions pour hommes et pour femmes séparées. Les sportifs seraient-ils sexistes ?
Non, il (et elles) sont tout simplement réalistes. Dans une compétition mixte les femmes n'auraient pratiquement aucune chance.
Cela ne signifie pas que les femmes sont "nulles". Toutes ces championnes sont littéralement extraordinaires. Je n'irais d'ailleurs, moi homme, jamais me mesurer à l'une d'entre elles à un 400 mètres à la nage. Je n'ai aucune chance.
Mais tout de même, de manière générale, les hommes sont nettement plus forts que les femmes.
Cette différence ne concerne peut être que la musculation ? Qu'en est-il d'un point de vue intellectuel ?
Sachez que sur un total de 189 prix Nobels délivrés à ce jour en physique, seuls deux l'ont été à des femmes (soit un peu plus d'un pour cent). Sur un total de 160 prix en chimie seules quatre femmes sont lauréates. Alors que, je vous le rappelle, les femmes composent tout de même à peu près cinquante pour cent de la population…
Faites une liste des philosophes au cours de l'histoire (pas des professeurs de philosophie, mais bien des philosophes, ceux dont la pensée a marqué la philosophie) combien de femmes y figurent ? Je pense ne pas exagérer en avançant que le pourcentage se rapproche probablement de près du pourcentage de femmes "grandes guerrières" que l'on trouve dans l'histoire des guerres.
Ici non plus cela ne signifie pas que les femmes soit "nulles", Marie Curie est une des rares personnes à avoir décroché deux fois le prix Nobel, Hanna Arendt était une grande philosophe. Mais de manière générale on constate quand même que les hommes sont nettement plus forts que les femmes, même dans ces domaines purement intellectuels.
Tout cela pour dire quoi ? Pour dire qu'il ne sert à rien de faire semblant que tout le monde est égal.
On demande une égalité à l'emploi. Pourtant tout employeur sait bien que le rendement masculin est de manière générale supérieur au rendement féminin (sauf dans certains emplois où c'est tout l'inverse). Est-il de ce fait sexiste ? Non, il est lui aussi réaliste.
On trouve bien sûr des femmes qui travaillent mieux que certains hommes. Mais encore une fois d'un point de vue moyen, les hommes l'emportent haut la main.
Le féminisme lorsqu'il s'acharne à vouloir effacer cette différence évidente devient une sottise sans nom.
Ses adeptes sont en fait aveuglés par deux problèmes. Le premier parce qu'ils savent que si l'on n'efface pas cette différence, alors malheureusement les injustices envers les femmes perdureront, donc ils ne démordent pas.
Et le second parce que constatant qu'il existe des femmes qui réussissent quand même (les championnes, les Nobels etc.), ils n'arrivent pas à comprendre pourquoi au niveau général la femme reste inférieure. Ce paradoxe (si la femme "vaut moins" elle ne devrait jamais réussir, si elle réussit parfois alors pourquoi inégalement à l'homme) leur trouble l'esprit.
Le premier problème en est un, mais il ne nous dispense pas de rester réaliste. Le second n'en est pas un, mais je ne compte pas aborder le sujet ici. (Que ceux que cela tracasse aillent se faire soigner chez quelqu'un d'autre :-))
Quoi qu'il en soit revenons-en à nos moutons.
Nous acceptons absolument la première revendication féministe. Les femmes ne doivent pas subir d'injustice en raison de leur statut social. Mais nous refusons, pour nous-mêmes les juifs orthodoxes, la seconde revendication. Vous savez bien que chez nous les femmes ne sont pas moins bien loties que les hommes, malgré le fait que chaque matin ces derniers remercient leur créateur de ne pas les avoir fait femme. Pourquoi dès lors irions-nous donc copier chez les autres ce qui ne tient même pas debout ? Juste par envie de leur ressembler. Pour ne pas nous sentir différents et exclus du "grand monde".
Ceci n'est, à mon gout, en rien une raison de changer nos us et coutumes.
4) Je dois malheureusement m'arrêter là pour cette fois. Je conclurai juste que dans la M.O. vous semblez apprécier le fait que l'on y est prêt à affronter les réalités. On ne ferme pas les yeux.
Mais je ne sais pas à quel point vous êtes conscient du fait que la plupart des promoteurs et des adeptes de cette pensée sont des gens dont le principal souci n'est pas le respect de la volonté divine, mais plutôt leur propre volonté de rester intensément connectés au monde non-juif.
Cela peut-t-il être qualifié de recherche de la vérité ?