SUITE DU PRÉCÉDENT MESSAGE:
Je viens de recevoir par mail une Tshouva de
ROY envoyée par des amis lecteurs aux USA. C'est un siman du
Ye'havé Daat (V §54) de
ROY qui revient probablement à ce qui doit être écrit dans le
Halikhot Olam que vous mentionnez.
Je viens de le lire, et ça confirme que vous avez donné une bonne traduction de la conclusion. Vous avez bien compris les mots, mais pas le sens, car en effet, comme je l'écrivais, il interdit
même bediavad le restaurant parisien dans lequel il n'y a pas de juif en cuisine.
Tout son limoud Zkhout (qui, soit dit au passage me paraît très très léger, j'y reviendrai plus bas) n'est qu'à condition qu'il y ait un juif en cuisine qui allume lui-même les feux et les rallume s'ils viennent à s'éteindre dans la journée.
Sans quoi, c'est absolument interdit de manger pour un sfarade (selon
ROY) et même dans ce cas, ce n'est pas souhaitable, ce n'est qu'un « limoud zkhout » et il termine par « vehama'hmir al atsmo tavo alav brakha ».
J'écrivais que son limoud Zkhout me semble « très très léger » car tout en reconnaissant que c'est strictement interdit selon le
Shoul'han Aroukh [malgré toutes les svarot permissives proposées chez des rishonim, Rav Yossef Karo les refuse et interdit de manière stricte], ROY qui n'a de cesse de prôner l'obligation de suivre «
Maran Hashoul'han aroukh » systématiquement, que ce soit une 'houmra ou une koula, se permet ici de trouver un limoud zkhout en considérant un sfek sfeika CONTRE
maran !
Il explique lui-même qu'on ne fait pas de sfek sfeika contre Maran, cite aussi le
Ben Ish 'Haï qui écrit qu'on ne fera pas de sfek sfeika contre Maran, mais il cite un autre texte du
Ben Ish 'Haï dans lequel il est écrit que le
'Hida faisait un sfek sfeika contre Maran.
Ceci ne me semble pas vraiment porter à conséquence si habituellement
ROY refuse
(à l'instar du Ben Ish 'Haï) de suivre un sfek sfeika negued Maran, pourquoi refuser de considérer un tel sfek sfeika ailleurs et l'accepter ici ? Si ce n'est… Si ce n'est parce qu'il s'agirait ici uniquement d'un « limoud zkhout très très léger ».
[entre parenthèses, j'ajoute encore que certains arguments cités par
ROY ne s'appliquent guère aisément à notre situation, il souligne bien que le cuisinier non-juif dont il parle est arabe (et sous-entend par-là qu'il serait musulman) et cite un
Torot Emet (Y"D §112) qui propose de distinguer le non-juif musulman des autres dans la mesure où il n'est pas considéré oved avoda zara (idolâtre).
Cet argument ne saurait s'appliquer facilement en France car selon plusieurs poskim (dont
ROY, il me semble), les chrétiens ne sont pas considérés comme « non-ovdei avoda zara ».
Toujours dans la parenthèse: Votre
Péat Hashoul'han semble bien être le Peat
Hassadé (tome 5, p.388, siman 1) car
ROY le cite, mais comme je l'écrivais plus haut, on ne peut pas en tirer grand-chose et
ROY aurait pu se passer de le citer ici.
Et pour le
Rav Pealim o’’h §6, il manquait une précision, c'est que c'est dans le
Tome IV et non dans le 1er tome, voici le texte:
http://www.hebrewbooks.org/pdfpager.aspx?req=1402&st=&pgnum=173
Néanmoins, je dois avouer qu'ici aussi, la lecture dudit siman indique beaucoup plus l'interdit que l'inverse. Il écrit qu'on ne doit pas reprocher à ceux qui ont la coutume de suivre le
Rama de manger un plat ainsi cuisiné, mais qu'à Bagdad, on suit
Maran et c'est interdit même bediavad…
(Et
ROY cite dans ce même siman plusieurs sources indiquant qu'un sfarade qui se permet de suivre la loi selon le
Rama lorsqu'elle est contraire à
Maran, devra passer par Tshouva et Kapara…) ]
Bref, j'en arrive à la conclusion suivante:
Manger dans un restaurant, lorsque le cuisinier est non-juif mais qu'un juif allume tous les feux, pour un sfarade, n'est pas souhaitable du tout, mais
ROY dans sa grande bonté a fait des efforts contre-nature
(car negued Maran) pour trouver un semblant de limoud zkhout fort peu convaincant.
Mais dans un restaurant parisien (voire français ?) où il n'y a (généralement) pas de juif en cuisine pour allumer et vérifier les feux (et les rallumer en cas de besoin), selon
ROY, il n'y a absolument aucun limoud zkhout, c'est totalement interdit (pour un sfarade).
Toutefois, je répète le début de mon précédent message: Je ne veux pas contredire votre rav, s'il vous dit que c'est permis, il doit savoir de quoi il parle.
C'est lui qu'il faut suivre et non moi, il en sait probablement bien plus que moi sur la question (surtout que je suis ashkenaze…), je m'incline totalement au niveau halakha lemaassé, je ne fais que présenter une analyse personnelle de la position des poskim sfaradim et il me semble que ces derniers interdiraient aux sfaradim de manger dans la majorité des restaurants français.
Mais il y a encore des tas d'aspects qui pourraient contrebalancer tout ce que j'ai écrit ici. Certains auxquels je ne pense peut-être pas (et votre rav y penserait) et d'autres auxquels je pense même s'il est probable que votre rav n'y pense pas.