Bonjour Jerrib1,
Merci pour la remarque sur le nouveau Psak de Rav Mordekhai Eliahou. Auriez-vous plus de détails ? Quand a-t-il dit cela, devant qui ? Je serais très intéressé d'obtenir confirmation.
Pour répondre à votre question, meme si je crois que d'autres commentateurs sur ce site ont plus de connaissances que moi, à ma connaissance le Heter Mekhira est basé sur 3 facteurs :
1) L'année de Chemittah serait de nos jours un commandement rabbinique seulement (derabannan).
2) Il existe des doutes quant à savoir sur quelle(s) annee(s) exactement tombe la chemittah.
3) La vente de terres d'Israel à des non-juifs rendrait les terrains vendus exempts de toutes les lois de chemittah.
Chacun de ces points peut faire l'objet de longs débats halakhiques, et le troisième surtout est particulierement controversé dans la litterature.
Rav Kook, dans son fameux livre Chabbat Haaretz, publié à Jerusalem en 1910, estimait que l'on pouvait s'appuyer sur le principe "Safed DeRabannan LeKoulah" (un doute sur une prescription rabbinique est jugé de la manière la moins stricte) pour permettre la vente - d'ou le Heter Mekhira.
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Je veux juste rajouter une observation intéressante que fait le Rav Prof. Daniel Sperber.
L'une des critiques les plus acerbes dirigées a l'encontre de Rav Kook est que vendre la terre à des non-juifs violerait le verset de la Torah "Lo Techanem" (Devarim 7, 2), interprété par la Guemara (Avoda Zarah 5a) comme une interdiction de donner à des idolatres un terrain en Israel. En évitant un commandement rabbinique, on violerait ainsi un commandement de la Torah !!!
La réponse de Rav Kook a été de dire que dans une periode très difficile (Cha'at HaDrak), il est permis de s'appuyer sur l'opinion du Bach, laquelle diffère de celle du Choul'han Aroukh (Hoshen Mishpat 249). Le Bach, considérant que les Ishmaelites (les arabes) ne sont pas des idolatres, la prohibition de Lo Techanem ne s'applique pas a eux, et il est permis de leur vendre des terres en Israel sans violer de commandement biblique (le choul'han aroukh interdit la vente à des ishmaelites mais la permet à un ger tochav).
Cet argument s'appuyant sur le Bach a été repris jusque récemment, notamment par Maran Rav Ovadiah Yossef (chlit'a).
Le probleme est apparu lorsque le Makhon Yeroushalayim a publié, en 1994, une excellente nouvelle edition du Tour. Le Makhon Yeroushalayim est notamment fameux pour son travail philologique, qui vise à reconstituer les textes dans leur version originale. Bien souvent, les censeurs chrétiens ont changé quelques mots ici ou là, changeant le sens du texte.
Selon la version originale du Bach, apparemment, toute cession de la terre d'Israel à un gentil ("goy", un terme plus large dans son acception que "idolatre") est interdite.
Et Rav Sperber de se demander si Rav Kook ne se serait pas appuyé, dans son Heter Mekhira, sur une version corrompue du texte du Bach, et si cela aurait changé ses conclusions quant à la validité du Heter Mekhirah.
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Quoi qu'il en soit, ainsi que je l'ai écrit il ya quelques jours, le debat transcende de beaucoup les considerations purement halakhiques de ce qui est interdit ou permis. L'idéologie tient un grande place dans les différentes prises de position, malheureusement.