Techouvot.com

La réponse de qualité à vos questions

Prononciation de la lettre "VAV" / "WAW"

Voir le sujet suivant Voir le sujet précédent
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6882
Citation:
Voici quelques preuves des Richonim prononcant Waw, surement faisant parties des preuves du Rav Mazouz. Qu'en pensez vous ?
https://daf-yomi.com/DYItemDetails.aspx?itemId=21812


Bon, je vois que c’est très long.
Je ne peux pas lire tout ça.
C’est pourquoi je vous demandais de retranscrire ce qui vous semble pertinent.
Comme vous ne l’avez pas fait et que je ne veux pas vous donner l’impression que je ne m’intéresse pas à votre question, et comme j’ai entendu que Rabbi Méir Mazouz est gravement malade [qu’Hashem lui envoie la Refoua Shleima (on lui a ajouté un prénom : רפאל מאיר ניסים בן כמסאנה], je vous réponds car je vois que ça débute par des preuves, donc je vais juste lire ce passage et vous dire ce que j’en pense.

Ils apportent cinq « preuves » qu’il faut prononcer Waw et non Vav.

J’ai lu rapidement les cinq preuves et je n’en suis pas convaincu du tout, je vous explique brièvement pourquoi en soumettant mes réflexions à votre sagacité et vous laissant arbitrer et choisir par vous-même :

La première preuve qu’ils apportent pour démontrer que le Vav se prononce Waw et est différent du Veit, vient du Ibn Ezra (Shemot 25,29) qui cite le Aroukh qui écrit qu’un « Kané » (tige, canne) (ou au pluriel des cannes) se dit en arabe קשוות.
Le Ibn Ezra écrit que celui qui a renseigné Rabbi Nathan de Rome (l’auteur du Aroukh) ne savait pas parler convenablement l’arabe car ça ne s’écrit pas avec un ש (Sin) ni avec un ב, mais avec un צ (çadé) et un ו (vav).
Donc au lieu de קשוות c’est קצב.

Mais ils ne se rendent pas compte que leur preuve n’est pas bonne ;
En arabe le son du « veit » (ב) n’existe pas.
Le mot qui signifie « Kané » (canne) en arabe n’est pas Kassav, mais plutôt Kassab.

Les auteurs de la preuve ont compris que le Ibn Ezra disait que le Aroukh a mis les lettres שו à la place de צב, et ils s’imaginent donc que si le Vav se lit Vav, il n’y a pas de raison que le Ibn Ezra le corrige en Veit (puisque ça donne le même son), c’est donc que le Vav et le Veit ne se prononçaient pas pareil, et c’est donc une preuve que le Vav se lisait Waw.

Mais en réalité, même si on supposait que le Vav se lisait Vav (ce qui n’était certes probablement pas le cas du Ibn Ezra, mais je m’intéresse à la valeur de la preuve), le Ibn Ezra avait une raison de reprendre le Aroukh, car la lettre que le Ibn Ezra indique n’est pas un Veit mais un Beit.
D’une part car le son Veit n’existe pas en arabe et d’autre part car le mot en arabe est bien avec un B. (Or, il est évident qu’un Vav ne peut pas faire office de B.)


Leur seconde preuve vient du fameux Ibn Ezra sur Kohélet (5,1) qui critique R. Elazar Hakalir qui fait rimer Lévi (לוי) avec Navi (נביא). On voit donc qu’il y a une différence entre le Vav et le Veit.

C’est une (assez) bonne preuve, je l’avais déjà notée, mais pas en tant que preuve que le Vav se prononce Waw, car on pourrait, on contraire, renverser cette preuve en remarquant que Rabbi Elazar Hakalir, qui vivait avant le Ibn Ezra et selon toute vraisemblance à l’époque des Gueonim (certains Rishonim pensaient même que c’était un Tana !), devait prononcer le Vav comme le Veit, puisqu’il les fait rimer !

Nous ne pouvons donc qu’en tirer la preuve que le Ibn Ezra établissait une distinction entre le Vav et le Veit, mais pas qu’il ait eu raison de le faire.

Leur troisième preuve, à partir du Rambam sur la Mishna Péa (§1,2) qui indique deux lectures dans la Mishna en question, certains lisent ענוה et d’autres ענבה. Dans les deux cas, le sens serait plus ou moins identique (une idée de « production de la terre »).
Puisque le Rambam parle de deux lectures, c’est donc qu’il y a une différence de prononciation entre les deux.

Cette preuve aussi est très discutable, quand on parle de deux lectures, elles vont de pair avec deux Guirsaot. Deux « lectures » peut signifier deux « compréhensions ».
Et au contraire, d’après eux, il y a lieu de s’étonner : le Rambam aurait mieux fait d’écrire qu’il y a deux VERSIONS (guirsaot), et chacun lira donc selon sa version du texte. Le fait de dire qu’il y a deux lectures pousserait plutôt à comprendre qu’il n’y avait pas, au départ, deux versions qui s’opposaient (et desquelles découleraient les deux lectures), mais qu’étant donné que les deux mots (ענוה et ענבה) se prononcent (plus ou moins) pareil, il y a eu deux lectures (compréhensions) différentes, ענוה ou ענבה.

Leur quatrième preuve est du Radak (Mikhlol daf 73) qui écrit qu’il faut faire l’effort de distinguer entre le Vav et le Veit car nombreux sont ceux qui ne les distinguent pas :
וכן צריך אדם להזהר ולהבדיל בין וא"ו לבין ב' רפה... לפי שראיתי רבים נכשלים ואינם מקפידים בקריאתם...

De nouveau, ils ne réfléchissent pas trop en écrivant.
D’une part le Radak témoigne qu’à son époque les gens ne faisaient pas vraiment de différence entre ces deux lettres, et d’autre part, s’il écrit qu’il faut faire attention de faire une différence entre le Vav et le Veit, c’est donc la preuve que le Vav ne se prononce pas Waw.
Le son du Waw (ouaw) est très nettement différent du son V.
Si les gens s’étaient trompés au point de changer le Waw en Vav (le oua ou va), le Radak ne devrait pas leur dire de faire attention à les distinguer comme s’il s’agissait d’une légère subtilité à remarquer, il devrait leur dire : « vous prononcez n’importe comment, vous ne savez pas lire, ce n’est pas un V c’est un Waw ! ».

Imaginez si des gens se trompaient et prononçaient le Reish comme un Dalet, le Radak ne leur dirait pas « l’homme doit faire attention de distinguer entre le son du Reish et celui du Dalet ».

Si le Radak le dit pour le Vav et le Veit, c’est AU CONTRAIRE la preuve que le son de ces deux lettres est très proche mais qu’il y a tout de même une subtilité qui les distingue.
Et c’est bien obligé, car il ne peut pas y avoir deux sigles ni deux lettres pour produire exactement le même son.
Il y a des sons proches et parfois, avec les influences de langues étrangères, on peut avoir du mal à préserver une petite subtilité entre deux lettres [le premier cas concerné a été la différence entre ש (sin) et צ et ס (samekh)].

Ainsi, comment ne pas penser au fait que certains Sfaradim vivant parmi les Arabes ont rapidement prononcé Waw, car de toute façon ils avaient perdu le son V qui n’existe pas en arabe.
Aujourd’hui, en habitant en France ou ailleurs où le son V existe (comme en hébreu moderne), les Sfaradim ont retrouvé la capacité de prononcer le V, mais il n’y a pas si longtemps, ils remplaçaient les Veit par des Beit.
Donc les deux sortes de V (qui étaient assurément différentes au départ, comme le dit le Radak) se sont un peu perdues dans les pays arabes, le Veit est devenu Beit et le Vav est devenu Waw.

La cinquième preuve, elle non plus, n’est pas convaincante.
Sans m’attarder sur la preuve elle-même, je me contenterais de souligner que d’après leur compréhension du Beit Yossef (o’’h §61) sur לבבך, ils sont en train de dire (sans s’en rendre compte, de nouveau, c’est fort étrange) que le Raavad ne distinguait pas entre le Vav et le Veit.
C’est donc de nouveau une contre-preuve, car même en supposant pouvoir prouver du Beit Yossef (qui distinguait les deux) qu’il prononçait Waw, le Raavad vivait près de quatre siècles avant lui et prononçait Vav.


Pour terminer, voyez ce que j’ai écrit dans mes notes sur le Safa Leneemanim (éd. Varsovie 2021, p.300, note 198). J’y apporte le Ramban qui explique qu’il n’y a pas grande différence de prononciation entre le Vav et le Veit, et le prouve du Yeroushalmi qui écrit אביר pour אויר , et autres preuves.

Il aurait aussi pu souligner que le Yeroushalmi appelle Rabbi Aba « Rabbi Va ».
Il faut préciser que le Yeroushalmi a l’habitude d’écourter les noms et allège souvent un nom de son Alef initial, comme לעזר pour אלעזר. Donc ici aussi, le nom אבא se voit écourter en בא.
Sauf qu’apparemment, il ne faut pas lire (même dans le Bavli) Rabbi Aba mais Rabbi Ava, et c’est ce qui permet au Yeroushalmi de l’appeler Rabbi Va en l’écrivant ווא.
Voir par exemple Yeroushalmi Shviit (IX,1).

Et nous trouvons de nombreuses fois dans le Yeroushalmi Rabbi ‘Hiya bar Aba (bar Ava ?) qui est appelé ר' חייא בר ווא (idem pour Shimon Bar Aba (Ava) qui est appelé שמעון בר ווא).

Dans cette note du Sefer, je rapporte un de mes échanges avec le regretté Rav Rozenberg ז"ל .

PS: par manque de temps, je ne me relis pas (ça devient une habitude...), veuillez excuser les fautes ou l'éventuel manque de clarté par endroit.
Je termine en encourageant tous les lecteurs à prier pour la guérison et le rétablissement de Rabbi Méir Mazouz שליט"א qui est actuellement dans un état critique, comme mentionné plus haut.
Montrer les messages depuis:
Voir le sujet suivant Voir le sujet précédent
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum