On m’a signalé un message de
Reb Manès posté il y a quelques années (16 avril 2012) pour me demander ce que j’en pensais, voici l’intégralité du post (que vous devriez retrouver plus haut):
Citation:
Historiquement la kashrout du Beth Din de Paris était unitaire. Elle a été montée avec les Rabbanim du Consistoire mais aussi avec Rav Munk, Rav Stern, etc.
La situation actuelle en France est due au fait que les communautés dites orthodoxes ont fait preuve de séparatisme, monté leurs propres certifications et on ainsi ouvert la brèche là où il aurait fallu travailler de l'intérieur.
Raison pour laquelle le issour she'hitat 'houtz que le Beth Din de Paris avait essayé d'imposer lorsque les premiers produits Yarden sont arrivés en France n'a pas pu être respecté.
A comparer avec Anvers où le issour she'hitat 'houtz est appliqué de manière stricte.
Il est dommage que les Rabbanim qui considéraient la surveillance du Consistoire comme trop légère n'aient pas travaillé de l'intérieur. Cela aurait donné d'autres résultats.
Une partie de la communauté Loubavitch l'a bien compris avec des boucheries respectant les hidourim qui leur sont propres mais avec un panonceau du Beth Din de Paris. C'était la hora'a du Rabbi de Loubavitch ztk"l de travailler de l'intérieur. Tout comme celle du saint 'Hafetz 'Hayim qui avait déconseillé aux orthodoxes anglais de se désolidariser du London Beth Din (à l'époque où Kedassia et autres n'existaient pas encore).
Au delà de l'aspect indéniablement financier il y a un aspect éminemment politique. Parce que pour être un "vrai froum" il faut forcément exclure ceux qui sont "moins froum".
Et quand on connaît les sommités qu'il y a eu à la tête du Beth Din de Paris comme le Rav Naouri zt"l ou le Rav Rebibo zt"l on se demande ce qu'ils avaient de moins que ceux qui s'en sont écartés.
Ce qui ramène potentiellement à un débat sur la stratégie : faire une petite hashga'ha pour une élite ou faire une grande hashga'ha pour la masse des juifs.
Quand à la comparaison avec le OU elle est très difficile car le OU est à beaucoup d'égards une franchise qui impose un cahier des charges. Et je vous invite à comparer leur brochure de Pessa'h à celle du Beth Din de Paris, vous ne trouverez pas les 'houmrot là où vous les attendiez...
Et pour les amateurs d'histoire il n'est pas inutile de rappeler qu'un homme a donné sa vie (au sens propre du terme) pour rendre la kashrout fiable aux USA : Rabbi Yaaqov Yossef, élève de Rav Israël Salanter. Il a été persécuté de telle manière par les mashgi'him et sho'hatim verreux contre qui il combattait que "kafats alav zikna" et il est mort après quelques années de combat.
C'est le jour de sa levaya que l'une des principales associations de rabbanim américains a été fondée.
FIN DE CITATION.
Voici ce que je peux dire:
Je cite :
Citation:
Historiquement la kashrout du Beth Din de Paris était unitaire. Elle a été montée avec les Rabbanim du Consistoire mais aussi avec Rav Munk, Rav Stern, etc.
La situation actuelle en France est due au fait que les communautés dites orthodoxes ont fait preuve de séparatisme, monté leurs propres certifications et on ainsi ouvert la brèche là où il aurait fallu travailler de l'intérieur.
Oui, en effet il est probable que ça ait un lien avec la situation désastreuse en France, voyez ce qu’écrivait Rami plus haut au sujet de l’Afrique du Sud.
Toutefois, la fin (faim ?) ne justifie pas toujours les moyens et il faut reconnaître que le rabbin séparatiste (=
Rav Rottenberg) est certainement tombé sur une Kashrout –certes unifiée- mais assez catastrophique.
Je ne sais pas s’il était prêt à tenter de travailler de l’intérieur, ni s’il aurait réellement pu (si on l’aurait laissé), mais j’ai l’impression que le Consistoire n’était pas forcément un organisme composé exclusivement de personnes intentionnées uniquement Leshem Shamayim.
Citation:
A comparer avec Anvers où le issour she'hitat 'houtz est appliqué de manière stricte.
Ce dont vous parlez concerne la viande, mais il y a des excès sur tout le reste aussi.
Citation:
Au delà de l'aspect indéniablement financier il y a un aspect éminemment politique. Parce que pour être un "vrai froum" il faut forcément exclure ceux qui sont "moins froum".
Et quand on connaît les sommités qu'il y a eu à la tête du Beth Din de Paris comme le Rav Naouri zt"l ou le Rav Rebibo zt"l on se demande ce qu'ils avaient de moins que ceux qui s'en sont écartés.
Le questionnement est légitime, car ces deux rabbins (
Rav Naouri et Rav Rebibo) étaient assurément des tsadikim.
Les gens l’ignorent, mais
rav Rebibo était un talmid ‘hakham de grande envergure, sa discrétion fait que peu de gens le savent.
Cependant, vous demandez quelle différence y avait-il entre
Rav Rebibo zts’’l et Rav Rottenberg zts’’l et pourquoi la Kashrout de l’un serait meilleure que celle de l’autre, je vais vous le dire !
Ça va peut-être vous choquer, mais
Rav Rebibo lui-même mangeait la Sh’hita Rottenberg et PAS celle du Beth Din de Paris (=Sa propre Hashga’ha)!
Je tiens cette information d’un Rav qui a étudié avec Rav Rebibo qui lui avait demandé s’il mangeait la viande « beth din » et il a répondu que non, qu’il mangeait la viande Rottenberg.
Voilà donc un élément qui répond –il me semble- à votre questionnement ; quelle différence entre les deux rabbins et leur Hashga’ha respective : simplement que l’un mangeait de sa propre Hashga’ha et l’autre non.
Plus encore, il mangeait seulement la hashga’ha de l’autre rabbin.
Il ne faut pas se leurrer, il y a de nombreux restaurants « Beth-Din » où la surveillance est un peu à l’abandon (je tiens l’information de Shomrim de restaurants Beth Din !) et concernant la Sh’hita, je ne sais pas ce qu’il en est aujourd’hui, mais je tiens de sho’hatim du Beth-Din eux-mêmes (discussion datée de 1991) qui ne mangeaient pas de leur propre sh’hita ! (car les conditions de travail ne leur laissaient pas du tout le temps de faire les bdikot).
C’est quand même décourageant quand le Sho’het ET le Rabbin ne mangent pas eux-mêmes, non ?
Citation:
Ce qui ramène potentiellement à un débat sur la stratégie : faire une petite hashga'ha pour une élite ou faire une grande hashga'ha pour la masse des juifs.
Je comprends, mais je pense que l’on peut encore faire une hashga’ha « respectable » du type OU pour la masse.
Le OU ne recherche pas les ‘houmrot, mais tient à une kashrout solide qui ne recherche pas davka les koulot non plus.
On devrait pouvoir faire plus ou moins pareil en France.
Ne serait-ce que la Liste du BDP, c’est déjà extraordinaire comme travail, malheureusement ça ne couvre que très peu de produits (que l'on trouverait sur le marché).
Et s’il est vrai que ce n’est pas une centrale de ‘houmrot, il faut savoir que cette Liste en comporte malgré tout beaucoup (plus que le OU).
Même celle de Pessa’h n’est pas du tout –comme certains le disent- pleine de koulot. (Elle comporte même des ‘houmrot que je trouve franchement excessives.)
Citation:
il n'est pas inutile de rappeler qu'un homme a donné sa vie (au sens propre du terme) pour rendre la kashrout fiable aux USA : Rabbi Yaaqov Yossef, élève de Rav Israël Salanter. Il a été persécuté de telle manière par les mashgi'him et sho'hatim verreux contre qui il combattait que "kafats alav zikna" et il est mort après quelques années de combat.
Voilà peut-être une raison supplémentaire pour laquelle le
Rav Rottenberg n’a pas voulu se battre « de l’intérieur » et a préféré faire sa kashrout « à part ».
Bref, je ne pense pas qu’il soit si simple de critiquer le
rav Rottenberg pour s’être séparé du Consistoire, je ne peux pas juger avec précision de la situation de la Kashrout lorsqu’il est arrivé à Paris en 1964, mais vu l’état de cette kashrout encore des années après, j’imagine que ce n’était pas rose du tout.
Il aurait peut-être été préférable de travailler de l’intérieur comme l’ont fait les Loubavitsh
(mais seulement après, il me semble. Et s’il y avait des boucheries Beth-Din/Loubavitsh en 1964, je pense qu’il ne se serait pas battu pour faire SA hashga’ha), il y a peut-être des choses sur lesquelles il avait tort, mais je ne crois pas que l’on puisse résumer cela en deux lignes en disant « il fallait travailler de l’intérieur ».
Il est probable qu’ils ne lui auraient pas laissé les coudées franches.
Et de mémoire, en matière de kashrout, c’est surtout la bataille du
rav Rottenberg contre le Consistoire pour produire du "Lait Shamour" qui avait défrayé la chronique.
Depuis, le Consistoire et Rav Rottenberg sont devenus deux ennemis.
Et là, clairement, il n’y avait pas d’option de « travailler de l’intérieur ».
Et les Loubavitsh ne l’ont pas fait non plus.
Ces derniers sont très pointilleux sur ce point (le lait Shamour) et avant rav Rottenberg, on n’en trouvait pas commercialisé en France.
Tout ça pour dire que je ne sais pas où en serait la Kashrout si
Rav Rottenberg n’avait pas donné un grand coup de pied dans la fourmilière.
Même le choix de dayanim très compétents au Consistoire y est peut-être lié.
Je ne pense pas qu’il y ait toujours eu au Consistoire des Dayanim aussi Yerei shamayim et professionnels en Kashrout que
Rav Gugenheim, Rav Kohen, Rav Rebibo… Remontez 50 ou 60 ans en arrière, avant l’arrivée de
Rav Rottenberg, je ne crois pas que le Consistoire se dotait de Dayanim si « calés » et « précis » en Kashrout.
Merci de me corriger si je me trompe. Je ne voudrais pas manquer de respect à un Talmid 'hakham par ignorance.
Je ne dis pas que l’action de
Rav Rottenberg en est la seule et unique cause, il y a un retour à la religion en France et un regain d’intérêt pour la kashrout alors que dans les années 50 ça n’intéressait pas grand monde.
Le Consistoire aussi évolue avec l’ère du temps.
Et de manière générale, le public français s’intéressant plus à la kashrout qu’avant, le Consistoire suit.
QUOI QU'IL EN SOIT, ça n'est pas vraiment lié à notre sujet car aux USA aussi il y a des tas de hashga'hot différentes et cela n'empêche pas le OU (et autres) de proposer des tas de produits à des prix quasiment égaux des produits équivalents sans surveillance.
Je profite de l'occasion pour relancer les lecteurs sur mon premier post sur ce fil (en page 1)...