Bonjour Vincentd,
Tout d'abord merci de m'avoir lu, et de vous être intéressé au sujet.
Vous me demandez ce que je pense de l'article que vous avez indiqué, je profite des vacances pour vous donner trois réponses... Les deux premières pour légèrement plaisanter (bien qu'elles soient, en-soi, tout à fait sérieuses), et la troisième pour réellement vous répondre. Je vous recommande de tout de même lire les trois en ordre, vous n'y perdrez rien.
1ère réponse/
Et vous, que diriez-vous de ceci :
https://www.science-et-vie.com/science-et-culture/pourquoi-on-croit-en-dieu-les-mathematiques-ont-enfin-la-reponse-57595
😊
(Pour ceux qui n'auraient pas accès à l'article, il nous rapporte que grâce à un programme informatique puissant et "infaillible" un logicien est arrivé à démontrer, sans le moindre doute, que l'existence de D.ieu, en tant qu'être contenant toutes les perfections, est logiquement absolument nécessaire.
L'article original se trouve ici :
https://arxiv.org/pdf/2001.04701.pdf
Disons que ça à l'air très costaud.
Encore plus fort que ce que, plus haut, "Am Israel Hai" n'osait même pas se permettre de penser : L'existence de D.ieu est aujourd'hui bien démontrable logico mathématiquement !
Quant au libre arbitre des athées, n'ayons aucune inquiétude. Adam était pleinement conscient de l'existence de D.ieu, ça ne l'a pas empêché de manger du fruit de l'arbre. Les exemples de ce genre ne manquent pas.)
2ème réponse/
Pensez vous réellement que nous devons nous en remettre, pour établir notre croyance, à ce que pensent et disent les journaux de vulgarisation scientifique ?
Constatez-le par vous-même, le même journal fera paraitre une fois un article dans un sens et une autre fois dans l'autre, c'est plus que courant. Pouvons-nous leur conférer une quelconque crédibilité éthique ?
Et de surplus, vous imaginez-vous un instant arrivant là-haut après 120 ans, et présentant un article de votre magazine préféré comme alibi pour ne pas avoir (assez bien) respecté Chabbat ou étudié la Torah. Quelle fureur vous allez faire 😊, et vous risquez d'entrainer ☹.
Je pense en fait qu'en tant qu'êtres humains il nous incombe d'approfondir le plus méticuleusement possible les sujets dont nous traitons ici. Au bout du compte ce sont notre présent et notre avenir qui en dépendent.
Les articles comme ceux cités (par vous et moi) sont parfait pour nous tenir au courant, pour nous mettre la puce à l'oreille. Mais il ne faut certainement pas s'y arrêter, et il n'y a franchement aucun gout à les brandir en tant que preuve de quoi que ce soit. Il y a tellement d'intérêts journalistiques et autres qui tournent autour de ces sujets, qu'un article de cette trempe n'a d'autre valeur que celle d'éveiller notre curiosité, et de nous encourager à vérifier les choses à leur source, autant que faire se peut.
C'était peut-être là votre seule intention ; dans ce cas passons à la suite.
3ème réponse/
Vous voyez dans l'article concernant les lézards une forme d'objection à ce que j'ai écrit plus haut, essayons d'analyser les choses clairement.
Commençons par les faits (que l'on peut trouver ici :
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2290806/ ) :
En 1971 cinq couples de lézards "Podarcis sicula" sont déposés sur une petite île où ils n'étaient pas présents jusque-là.
33 ans plus tard on retourne sur cette île pour y découvrir, au bout de trois années d'étude, que leurs descendants ont subi des changements très significatifs.
A savoir : leur corps est plus long, leurs pattes plus courtes.
Leur tête est plus large et plus longue, et leur force de morsure plus puissante.
Leur régime alimentaire est passé de "principalement insectivore" à disons "copieusement herbivore".
Et le plus beau, de nouveaux muscles sont apparus pour créer des valves "cécales", qui vont aider à la digestion des herbes. Comment cela ? Eh bien de concert avec un changement inattendu de plus : des vers nématodes se sont répandus dans les intestins de nos lézards. Ces vers microscopiques profitent du passage plus lent de la nourriture dans les boyaux qu'imposent les nouveaux muscles, pour décomposer la cellulose végétale que les lézards auraient du mal à digérer seuls.
Ces valves ont été trouvées même chez les nouveaux nés, il ne s'agit donc pas simplement de muscles qui se forment au cours de la vie des lézards, mais qui se transmettent bien par hérédité.
Deux points manifestes sont à souligner : la rapidité de l'ensemble de ces changements (en l'espace d'environ 30 générations) et l'apparition d'un nouvel organe.
Y a-t-il ici une preuve à la théorie de l'évolution, ou bien une contradiction à ce que j'ai écris plus haut ? Je pense que non. Voyons pourquoi.
D'abord il faut faire clairement la distinction entre deux idées, ce que l'on appelle "adaptation" d'une part, et la théorie de l'évolution d'autre part.
L'adaptation est un phénomène connu depuis la nuit des temps. Il consiste en ce que sous les pressions environnementales, la nature des choses évolue sous forme de changements ciblés, qui vont les aider à s'accommoder aux nouvelles conditions.
Les philosophes présocratiques connaissaient et traitaient déjà de ce phénomène. Il n'y a d'ailleurs là-dessus absolument aucun désaccord de notre côté, le Talmud en parle aussi (dans Avot Dérabbi Natan, Nossa'h II, 29, et dans Chabbat 31a) à propos de Hillel qui expliqua par son biais la présence de certaines différences physionomiques entres les peuples.
En fait, l'adaptation était plutôt présentée par le passé comme une preuve de l'existence de D.ieu ! On décèle en effet en l'observant, la présence d'une volonté intelligente dans la nature, sinon d'où parvient-elle à s'accommoder si bien aux choses ?
C'est entre autres pour répondre à cette question que Darwin composa sa fameuse théorie. Il suppose que ces changements ne sont en réalité qu'aléatoires, et non guidés par un dessein téléologique. Qu'ils ne sont pas le résultat d'une faculté du vivant à s'adapter, mais le pur fruit du hasard, qui partant à l'aveuglette, serait réorienté par la sélection naturelle. Soulignons que bien que cette explication n'ait à ce jour toujours pas été prouvée, pour le coup l'adaptation va tout de même être affiliée par beaucoup d'esprits à la théorie de l'évolution, d'où la confusion qui mène-t-à penser que toute preuve de l'adaptation est, comme un corollaire, une preuve pour la théorie de l'évolution. Ce qui est absolument faux.
Mais dans notre cas c'est encore pire. Si on réfléchit un peu, l'histoire de ces lézards doit au contraire être vue comme une preuve antiévolutionniste ! Si réellement il y avait lieu de penser que les changements qui se produisent ne le font que par hasard, il serait totalement impossible d'avoir un résultat si fulgurant en trente générations, en ne partant que de CINQ couples de lézards !
Comment voulez vous que "par hasard" la force de morsure augmente, "par hasard" les pattes rétrécissent, et "par hasard" une valve se crée, lorsque justement, oh douce coïncidence, les ressources alimentaires végétales abondent ?
Soyons honnêtes, on assiste ici tout simplement à un phénomène d'adaptation tout à fait habituel, où puisqu'il est plus facile de se nourrir en herbes, le corps s'adapte de lui-même à cette nouvelle situation. Cette adaptation est voulue par le corps (ou par D.ieu ou par qui vous voulez) mais n'est certainement pas le fruit du hasard.
Je vais vous embêter une fois de plus avec mes calculs, mais pour qu'en partant de seulement cinq couples de lézards on se trouve avec de pareils changements en une trentaine de générations "par pur hasard", connaissant les capacités reproductives des lézards, on peut estimer qu'il y a un taux de probabilité inférieur à celui que l'on a de gagner au Loto toutes les semaines pendant quelques 20 années d'affilée… Comment voulez-vous pouvoir y croire ?
Force est de constater que l'adaptation est bien un phénomène voulu, et non pas un hasard.
En fait l'article de Science&Vie que vous citez ne cherche absolument pas à "prouver" la théorie de l'évolution grâce à cette découverte. L'intérêt se situe tout autre part : sur deux points.
Premièrement, Darwin avance par rapport à ce que nous avons dit plus haut d'un cran de plus, et suppose que dans le même ordre d'idée on pourrait poser que ce ne sont pas seulement des microévolutions qui vont s'opérer à coup de changements aléatoires, mais aussi des macroévolutions, portant à passer carrément d'une espèce à l'autre. Cette idée purement théorique, ne reposant sur aucun fait observé, n'a à ce jour toujours pas trouvé d'appui. Et cette lacune sert beaucoup aux opposants de la théorie de l'évolution pour l'attaquer.
C'est ici que la découverte que nous apporte ces lézards prend son importance : on peut voir en l'apparition des nouvelles valves un phénomène sinon de macroévolution au sens pur du terme, au moins précurseur de macroévolution. En effet, si on constate qu'un membre peut apparaitre (et un autre donc pourrait aussi disparaitre) on devrait logiquement, avec le temps, pouvoir aboutir à une métamorphose quasi-totale de l'espèce. (Je sais que c'est discutable, mais c'est tout de même un bon soutient pour l'idée de macroévolution.)
Deuxième intérêt, il existe une controverse entre les partisans de différentes formes de théorie de l'évolution, quant à savoir si celle-ci ne se produit qu'à coup de micro-variations, ou bien y a-t-il de temps à autres ce que l'on appelle des "sauts évolutifs". L'expérience des lézards prouve par sa rapidité l'existence évidente de sauts évolutifs. Et pourrait par là même participer à repousser une autre objection répandue à la théorie de l'évolution, celle des fameux "chainons manquants" parmi les fossiles.
Mais ces deux "preuves" n'en sont qu'une fois que l'on a accepté la théorie de l'évolution comme un fait clairement établi. On se réjouit alors de constater des sauts évolutifs aussi manifestes, et de flairer avec émoi une douce odeur de macroévolution.
Pourtant en ouvrant un tout petit peu les yeux, on remarque comme je vous l'ai dit que cette découverte prouve surtout et avant tout que l'adaptation n'a rien à voir avec la théorie de l'évolution. Il s'agit donc en fin de compte d'un gros pavé jeté dans la mare de la théorie de l'évolution.
Seule une personne persuadée de l'inconséquence de l'existence de D.ieu, et éprise de la nécessité impérative de S'en débarrasser intellectuellement, se trouvant alors incapable de remettre en cause "l'évidence de la justesse et du bien fondé de la théorie de l'évolution", n'arrive qu'à remarquer les "belles avancées" que nous procure l'expérience menée sur la petite île, sans percevoir le revers de la pièce : constater des sauts évolutifs de cette taille signifie devoir renoncer de facto au paramètre aléatoire de l'évolution, qui est pourtant une pièce maîtresse de la théorie de l'évolution.
Ce que j'avais développé plus haut n'est donc en tout cas absolument pas touché par cette découverte. La théorie de l'évolution reste, comme dit, totalement inconciliable avec l'âge de la terre et celui de l'univers. Par contre l'idée d'une évolution poussée par l'adaptation "intentionnelle et intelligente" des espèces reste tout à fait concevable, comme l'illustre assez bien l'exemple de ces lézards.
Voilà, bonne journée.