@ pomme
Bonjour et désolé pour ma longue absence.
Merci pour votre dernier message, globalement j'adhère à votre classification, je me permettrai simplement quelques remarques et rajouts.
1)Je suis tout à fait d'accord avec vous en ce qui concerne les situations nouvelles. Néanmoins, comme vous le rappelez, il est facile d'assimiler une nouvelle situation avec un cas lui ressemblant partiellement. L'enjeu pour le possek est de réussir à ne pas commettre cette erreur tout en respectant la lettre mais aussi l'esprit de la loi. Il est par exemple très facile d'assimiler le christianisme aux « akoum » du talmud, les deux ont en commun une certaine forme d'idolatrie. Cependant, il suffit de relire un peu la Bible pour se rendre compte des différences énormes qui séparent les païens barbares de l'antiquité des chrétiens monothéistes !
2)Par rapport aux cas de « reconfiguration de la hala'ha » l'évolution consiste à mettre en avant un nouvel argument halakhique apparu à cause de changements historique ou social. Vous prenez le cas du divorce après 10 ans de mariage et vous notez qu'aujourd'hui un tel divorce s'opposerait à une autre mitsva mideorayta, celle d'aimer son prochain.
Personnellement, j'ai tendance à penser que l'aspect « humain » de la halakha doit être mis en avant au moins autant, si ce n'est plus, que l'aspect technique. Des principes comme « kvod habryot », « vehaavta et reakha », « tirkha detsibour »... sont souvent oubliés au profit de houmrot bien superficielles.
J'ai un jour assisté à un siyoum hashass d'un avrekh haredi de Bné-brak. Sa femme s'était donné un mal fou à préparer un repas royal (et quand on est avrekh, la viande n'est pas donné...) mais une bonne partie des invités se sont crus intelligents en s'abstenant de manger la viande « parce qu'ils ne mangent jamais de la viande en dehors de chez eux ». Je vous laisse imaginer la déception de la maitresse de maison... voilà un bon exemple de houmra qui est en fait une énorme koula sur d'autres mitsvot citées plus haut !
3)Pour les cas d'erreurs, c'est sur qu'il s'agit d'un terrain miné. Seul un possek aux larges épaules peut s'y aventurer et espérer changer quelque chose. Cependant, je pense que l'enjeu est de taille. Les erreurs perpétuées depuis des siècles ont des conséquences néfastes sur le judaïsme. Nombreuses sont les erreurs apparentes aux yeux du profanes entrainent une bonne dose de hiloul hashem....
Au passage, à propos de la taille du kazayit, je vous renvoi à une lettre très intéressante du Rav Sherira Gaon (Sefer Ha-Eshkol vol. II, Hilchos Challah 13 p. 52). Dans cette lettre, il explique que les sages ont choisi de donner les mesures en taille d'oeuf et d'olive car il s'agit justement d'éléments disponibles dans le monde entier... Il semble que même la logique la plus basique ne soit pas accessible à tous !
4)Pour ce qui est du statut de la femme, je pense que cela rentre dans deux catégories. Celle des « situations nouvelles » et celle de la « reconfiguration de la halakha ». Je m'explique.
a) Certaines halakhot demandent une configuration urgente. Je pense notamment à l'interdit d'étudier la torah, qui peut avoir des conséquences dramatiques sur l'avenir des filles juives. Remarquons que cette halakha a déjà été reconfiguré par le Chafetz chayim, les limites de cette reconfiguration font certes débat mais le besoin ne fait aucun doute. Notons également que de nombreuses obligations de la femme envers son époux, mentionnées par la guemara et les poskim, ont depuis longtemps étaient abandonnées. La femme est par exemple obligée de laver les pieds de son mari, de le craindre...
b) Je pense qu'il y a également apparition d'une situation totalement nouvelle. Dans le droit hébraïque, la femme n'est jamais indépendante. Elle est sous la coupe de son père jusqu'au mariage (ou de ses frères) puis sous celle de son mari. Cet état de fait a de nombreuses conséquences pratiques. Son père ou son mari peuvent annuler ses voeux (puisqu'elle n'a pas d'indépendance), elle leur doit de nombreux services « en échange » du logis et de la nourriture qu'elle reçoit et, par manque de liberté, elle est exemptée de nombreux commandements. Je m'avance même en rajoutant, au risque de passer pour un dangereux réformé, qu'il semble que si la femme ne participe pas au minyan, c'est parce que celui-ci est composé de 10 adultes « libres » (bné chorin), ce qui n'est pas le cas de la femme...
Le Rav Yoel Bin Nun, un rabbin israélien assez connu (MO), estime qu'il faudrait créer une nouvelle catégorie de halakique qu'il nomme les « bnot chorin ». En effet, les femmes ne sont plus, aujourd'hui, sous la coupe du père ou du mari. Le droit international estime qu'une femme n'est pas moins indépendante qu'un homme et quel mari oserait exigé de sa femme qu'elle lui lave les pieds ? D'ailleurs quel Bet Din refuserait le divorce a une femme forcée de laver les pieds de son époux ?
Il s'agit là d'une piste de réflexion un peu épineuse mais intéressante tout de même.
Chabbat Chalom