Réponse du rabbin Elie MUNK (La voix de la Thora, vol. III, p. 177) :
On a fait valoir que le commandement comporte certaines graduations « en qualité et en degré d’amour », étant donné que l’amour que l’homme ressent même à l’égard de ceux qui lui sont les plus proches est variable « en ce qui concerne la force et la faiblesse. L’équation entre l’amour du prochain et l’amour de soi ne serait en effet qu’une chimère si elle était quantitative ; mais elle est purement qualitative, c’est-à-dire que ces deux amours doivent être, non de même intensité, mais de même nature » (L.W.).
Vu sous cet angle, on conçoit que le terme le-réakha a été analysé par de nombreux Maîtres d’une manière approfondie. S’étend-il au criminel comme au juste, au païen comme au juif ? Maïmonide opte pour la seconde alternative. L’amour du prochain se rapporte « à ton frère d’Israël » (Déoth VI, 3) et à « ton frère fidèle à la Thora et aux mitsvoth » (Hilkhoth Avel ibid.) Il se rapporte également au non-juif qui a embrassé la foi juive (Cf. comm. v. 33). Mais d’autres autorités, dont Jacob Emden (Aboth I, 12) et M. Cordovero (Tomer Debora II), professent que l’amour d’autrui s’étend à l’ensemble des hommes, y compris aux pécheurs et aux païens. Les diverses opinions sont résumées dans Encyclopédie talmudique, Ahavath Israël (Cf. également Encyclopédie du Pentateuque de M.M. Cacher, tome XVI, p. 261, sur la définition du terme ré‘a, différemment employé).
« Que l’homme s’habitue à ouvrir son cœur à l’amour d’autrui et à aimer tous les hommes, y compris les pécheurs et les impies, comme s’ils étaient des frères et même davantage. On souhaitera leur repentir pour qu’ils deviennent des justes. On ne pensera qu’à leurs bons côtés, en ignorant leurs défauts et leurs vices. On se dira : Si ce pauvre était riche, combien aurais-je été heureux de vivre en sa compagnie. Si cet homme délabré était bien vêtu, il ne serait point différent de moi. Pourquoi le mépriserais-je ? Il est plus digne que moi aux yeux de l’Eternel, car ses souffrances et ses misères l’ont absous de tous ses péchés. Pourquoi alors haïrais-je celui qui est aimé de Dieu » (Tomer Debora, ibid.).