De nos jours, pour les rabbins contemporains, c’est un peu la jungle.
On couvre certains de titres honorifiques avec des adjectifs dithyrambiques à l’envi et des superlatifs à qui mieux mieux, alors que d’autres sont définis de manière plus sobre, mais cela n’indique pas toujours grand-chose quant à la « valeur » du rabbin.
Pour les titres dans la Gmara, il y a des règles un peu moins aléatoires (mais quand même un peu) qui ont été consignées par Rav Shrira Gaon dans sa fameuse Iguéret.
Il distingue 4 niveaux, en ordre croissant cela donne ceci :
a) Rav
b) Rabbi
c) Raban
d) absence de titre (car aucun ne serait suffisant).
L’absence de titre étant le plus haut niveau, uniquement parmi les rabbins, bien entendu.
C’est le sort des Zougot, par exemple : Shamaï, Hillel, Shmaya, Avtalion, etc.
En dessous, il y a Raban (=leur maître -à tout le peuple), puis Rabbi (=mon maître), puis Rav (maître).
En fait, ces titres dépendaient souvent de facteurs temporels ou géographiques, je veux dire que ça dépend des époques et des lieux où vivaient ces rabbins.
L’absence de titre n’indique le haut niveau qu’à l’époque des Zougot et en Israël.
Il y a eu des Amoraïm (comme Shmouel) qui ne portaient pas de titre de Rav pour d’autres raisons. (Shmouel -car il n’a jamais eu la Smikha, Ben Azay et Ben Zoma itou).
Nous trouvons même des Tanaïm sans titre et qui ne sont pas de l’époque des Zougot.
La différence entre Rabbi et Rav est -généralement, liée au pays ; la Smikha en Israël entraînait le titre de Rabbi tandis que celle de ‘Houl (généralement de Bavel) donnait le titre de Rav.
Il y a eu des rabbins qui étaient « Rav » et sont partis en Israël y faire une autre Smikha et sont devenus « Rabbi » (par exemple Rav/Rabbi Zeira, selon de nombreux auteurs, c’est le même, avant et après sa Aliya).
Quant à la différence entre Rabbi (=mon maître) et Rabeinou (=notre maître), elle n’est pas présentée dans le Talmud comme une distinction.
Tout Rabbi devenait au pluriel Rabénou (c-à-d que si UN élève lui parlait en son nom, il disait Rabbi, si plusieurs élèves lui parlaient, ou un seul mais au nom de plusieurs, c’était Rabénou).
Par contre on retrouve cette différenciation de manière voulue de nos jours par rapport aux générations passées ; il est d’usage de « qualifier » un Rishon (donc un rabbin des XI-XVèmes siècles -approximativement) de RABENOU et un A’haron (rabbin du XVIème siècle à nos jours) de RABBI (sauf quand on en parle dans un contexte voulant dire « notre Rabbi »).
Rav Avraham Yeshaya Karélits -le ‘Hazon Ish, a écrit des notes critiques sur (-ou plutôt contre) le livre de Reb ‘Haim Brisker sur le Rambam.
Son but était de casser un peu le prestige de Reb ‘Haim qui devenait une seconde Bible dans les Yeshivot, au détriment du Talmud.
C’est pourquoi il a même critiqué la page de garde sur laquelle on lit « ‘Hidoushei Rabénou ‘Haim Halévy ».
Le ‘Hazon Ish a écrit dans la marge : « On ne trouve l’expression Rabénou qu’au sujet des Rishonim » (cette remarque n’apparaît pas dans les Guilyonot du ‘Hazon Ish).
Là-dessus, les briskers ont pris leur revanche en écrivant dans la marge de la page de garde du livre du ‘Hazon Ish : « On ne trouve l’expression ‘Hazon qu’au sujet des prophètes » (comme ‘Hazon au début des livres de Yeshaya et d’Ovadia).
En réalité, ce qu’a écrit le ‘Hazon Ish est faux, on trouve des A’haronim qui -pour une raison ou une autre- sont souvent appelés Rabénou.
Par exemple Rabénou Menashé Ben Israel (1604-1657) ou encore Rabénou Shaoul MeAmsterdam (1717-1790) ou Rabénou Menashé Méilia (1767-1831) …
Cette motivation du ‘Hazon Ish (vouloir casser le prestige etc.) est clairement perceptible dans le style très particulier qu’il adopte dans ses remarques sur Reb ‘Haim, mais c’est par transmission que je tiens cette information, mes maîtres étaient ses élèves (élèves du ‘Hazon Ish).
C’est pourquoi -dans les Yeshivot, on n’hésite pas à répondre à une objection du ‘Hazon Ish dans ces « Guilyonot », alors qu’habituellement, une question restée en point d’interrogation chez le ‘Hazon Ish n’est pas répondue avec insouciance et légèreté (=si le ‘Hazon Ish n’a pas trouvé de réponse, c’est qu’il est peu probable que ma réponse soit la bonne si elle m’est venue simplement).
Et ceci, car on se dit que le ‘Hazon Ish avait certainement pensé lui aussi à la réponse, mais qu’il voulait avant tout « remettre en question » les dires de Reb ‘Haim.