Citation:
Ma question peut sembler idiote mais je la pose quand même :
Est-il permis de lire le moréh névukhim ?
Ma réponse peut sembler idiote mais je la poste quand même :
Oui.
Bien que certains mettent en garde sur la possibilité de s’égarer avec ce Guide, ils conseillent donc de donner la priorité aux autres Sfarim, comme le Kouzari et d’autres, mais on ne peut pas parler d’interdit de lire le Guide des égarés sans s’égarer.
(Le Yaabets dans Mitpa’hat Sfarim (p.122) se contentera d’écrire qu’il ne faut pas gaspiller trop de temps à lire le Moré Nevoukhim…)
Tout Limoud peut être une source de déviation de la Torah, cela dépendra surtout de l’état d’esprit du Lomed avant de se lancer dans son étude.
Celui qui est Anav, sincère et Yerei Shamayim ne sera pas amené à dévier par son étude.
Au contraire, il pourra parfois ressentir qu’il n’est pas encore au niveau d’étudier le Moré Nevoukhim et donc le laisser pour plus tard.
Ou bien, il pourra l’étudier et ne pas être perturbé par certaines déclarations pourtant étranges à première vue lorsqu’on manque de recul (car le
Rambam lui-même écrit dans son
introduction qu’il a écrit ce livre pour son élève et ceux qui lui ressemblent, il admet que certains ne vont pas le comprendre).
Je sais que le
‘Hayei Moharan (II, p.48-49-50) (voyez aussi
Si’hot Haran §40) met en garde contre l’étude de ce Sefer, et qu’il serait absolument interdit de le lire, de le regarder, même du coin de l’œil, que le
Rambam se serait fourvoyé en écrivant ce Sefer, qu’il contient des idées de Kfira (etc.).
Mais cette mise en garde, de nos jours, n’est plus nécessaire ; celui qui a les qualités indiquées plus haut sera à l’abri.
Il faut de toute manière préciser que
R. Na’hman de Breslev n’accuse pas seulement le
Moré Nevoukhim de contenir de la Kfira, mais aussi le
Mishné Torah (Yad Ha’hazaka) dans Hilkhot Déot, dans Hilkhot Yessodei Hatorah et au début de Hilkhot Avoda Zara, ainsi que son
Milot Hahigayon.
Il met dans le même sac certains des commentateurs de la Torah imprimés dans le Mikraot Gdolot, et mentionne nommément le
Ibn Ezra, le
Ralbag, le
Akeidat Its’hak, le
‘Hovot Halevavot pour son Shaar Hayi’houd, le
Sefer Haïkarim du Rav Albo…
Toujours d’après
R. Na’hman, celui qui a lu du
Moré Nevoukhim perd automatiquement son Tselem Elokim et ça se voit à son visage.
Il faut souligner qu’il l’a lu lui-même, ainsi que de nombreux Tsadikim qui l’ont lu et cité dans leurs écrits, comme le
Ramban, le
Ritva,
Rabénou Be’hayei, le Reèm, le Rama, le Beit Yossef (o’’h §113), et j’en passe… Du coup, à qui reste-t-il du Tselem Elokim ?
Et si l’on qualifie de Kfira tous ces Rishonim et commentateurs de la Torah cités, qui sont les Tsadikim qui étaient de l’avis de
Rabbi Na’hman sur cela ? Qui sont les Tsadikim qui ont repoussé et condamné tous ces Sfarim ?
R. Na’hman raillait et se moquait du
Rambam qui écrit des Taamei Hamitsvot ridicules qu’il qualifie de Shtout (stupidité).
(‘Hayei Moharan op cit).
[Voir aussi ce qu’écrit le
Munkaczer Rebbe dans
Divrei Torah (V, §70), selon lui il y a des ajouts (de malotrus) dans le
Moré Nevoukhim car les Taamei Hamitsvot qu’il présente sont absurdes…
Le
Yaabets dans
Ets Avot (II, 14, daf 20b), et Migadl Oz (éd. Fisher, Aliyat Hatéva, p.360), et Mitpa’hat Sfarim (p.90) ira plus loin et écrira que le
Rambam n’est pas l’auteur du
Moré Nevoukhim !
Ce qui ne l’empêche pas d’écrire qu’il n’en est pas sûr
(Mitpa’hat Sfarim p.10) ou même d’écrire que le
Rambam est bien l’auteur du
Moré Nevoukhim (Shéilat Yaabets I, §41) !]
Il faut donc comprendre que si l’on veut valider les propos de
Rabbi Na’hman Breslever sans les contextualiser, on traite tous les Tsadikim de Kofrim h’’v.
Force nous est d’admettre qu’il a réagi avec virulence contre ces Sfarim en fonction des adeptes qu’il avait, et de l’époque, comme on le lit
(p.49) que quasiment tous ceux qui ont touché au Moré Nevoukhim «
badorot halalou » sont devenus des Apikorsim.
Badorot halalou signifiant bien que c’est une question d’époque.
Nous trouvons aussi des auteurs qui écrivent que le
Rambam s’est égaré avec son étude de philosophie, le plus connu étant le
Gaon de Vilna (Biour Hagra Y’’D §179, sk.13) (voir aussi
Even Shleima §XI, 4), mais il y en a d’autres, comme le
Shout Harivash (§45), le Yaabets (Mitpa’hat Sfarim p.122 et autres), le Sefer Habrit (Maamar Derekh Emouna §32) etc.
Ou que le
Moré Nevoukhim était bien pour son époque mais pas pour nous, voir
Maharal dans
Derekh Ha’haïm (p.324), Ramban dans
Iguéret Hitnatslout (daf 86a), Shéilat Yaabets (I, §41)…
En conclusion :
1) Votre question n’était pas idiote, loin s’en faut
2) Il ne faut pas s’imposer la lecture du Moré Nevoukhim, elle est bénéfique uniquement si on ressent qu’on est adapté à cette lecture, chaque chose en son temps, ce livre n’apportera pas forcément du positif aux personnes mal intentionnées, ou mal renseignées sur la Torah et le Talmud, ou ayant un peu trop de Gaava…
3) Mais les interdits catégoriques de Rabbi Na’hman de Breslev ne sont plus d’actualité, si ce n’est pour les personnes qui se sentent en phase avec la réalité de son époque, il y a deux siècles (et non en phase avec les siècles précédents et suivants l'époque de Rabbi Na'hman).