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Ne pas profiter de ce monde: idée chrétienne ?

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Angel_mickael
Messages: 39
Dans la Gmara Brakhot 61b
Apres une conversation d abayee ét rava ou L un dit A L autre
"Nous somme des benonims"
(conversation reprise dans le début du Tanya )
La Gmara dit
"le monde a été crée pour des gens comme R' 'hanania Ben dossa ou a'hav"
A priori soit des tsakidim gmourim soit des rechaïm gmourim.
R' 'hanania ben dossa etait connu pour ne pas tirer profit de ce monde.
Tandis que a'hav aurait fait un château pour chacun de ses 130(?) Enfants.

Peut être ma compréhension est-elle mauvaise.
Mais je voudrais bien savoir comment vous interprétez le choix de la gmara de citer ces 2 personnes-là.
Car ce qui découlerait de la 1ère interprétation c'est que d'après le judaïsme, un tsadik ne devrais pas profiter de ce monde-ci.
De là à dire au rabbin:
"toi tu dois te contenter de pain et d eau", il n'y a qu'un pas.

Je suis sûr de me tromper , mais je ne sais pas où.
Merci d avance.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
La Torah n’interdit pas de profiter de ce monde, tant que c’est fait de manière saine et sainte.
Ce qu’il faudra tout de même éviter c’est de s’attacher à la gashmiout…

Par contre ce qui est vraiment une idée chrétienne, c’est de considérer que « le rabbin » devrait se contenter de pain et d’eau .
(vous écrivez : « De la a dire au rabbin: " toi tu dois te contenter de pain et d eau" , il N y a qu un pas. » )
même si on se trompe et on pense que le judaïsme l’impose, pourquoi « le rabbin » doit s’y conformer et pas moi, le « simple juif » ?

ça c’est une erreur à dénoncer SURTOUT en France.

Je n’ai pas pu vérifier dans la totalité des autres pays, mais disons qu’aux Etats-Unis (et dans une moindre mesure, en Israël et en Angleterre) ce fléau sévit moins.

C’est tout particulièrement en France où j’ai pu constater (Ô combien de fois et à quel point !) un malaise à l’idée de savoir un rabbin riche.

Le Am Haarets français se sent rassuré et serein si son rabbin est pauvre, il est dérangé si son rabbin s’en sort assez bien financièrement et il se sent très mal si son rabbin est plus riche que lui.

C’est une grave erreur de Hashkafa, malheureusement fréquente chez les Amei Haarets en France.

Elle me semble ancrée profondément à un point que je ne sais pas s’il est possible de la corriger avant la prochaine génération.
Je veux dire qu’il me semble impossible de la corriger par un simple sermon, il faut passer par l’étude.

Ce que je peux déjà soumettre aux personnes concernées, c’est la proposition suivante : si vous avez plus de facilité à imaginer un rabbin étant pauvre, si vous pensez qu’il serait possible que quelque chose vous dérangerait à l’idée de savoir un rabbin riche, analysez ce sentiment posez-vous la question : pourquoi suis-je dérangé de savoir un rabbin riche, alors que je ne le suis pas lorsque c’est un fidèle de la synagogue ?

Souvent c’est parce que le Am Haarets imagine que toute personne en ayant les moyens plonge forcément dans la Gashmiout et se détache de toute rou’hniout, c’est cela qui dérange de savoir le rabbin riche.

Je ne dis pas que c’est toujours faux (il doit certainement y avoir des rabbins totalement liés à la gashmiout), ce que je dis c’est qu’il est possible d’être riche et de ne pas s’éloigner pour autant de D.ieu.

C’est vrai que c’est un pari quasi-impossible pour le Am Haarets, mais pour un Talmid ‘Hakham, c’est largement possible, Rabbi Yehouda Hanassi et tant d’autres le prouveraient.

Aux Etats-Unis, même les Amei Haarets comprennent qu’un rabbin doit vivre, je ne sais pas ce qui fait cette différence entre eux et les français, pourquoi les français seraient plus empreints de culture chrétienne ?

Ou alors c’est le rapport à l’argent qui est malsain en France et c’est vrai que les français sont souvent « dérangés » de l’existence de riches (alors qu’aux US, ils sont aux antipodes et n'ont d'yeux que pour la fortune matérielle).
Et ça fait longtemps que les français sont atteints par ce « ressenti » qu’ils ne savent pas vraiment expliquer, voyez par exemple ce qu’ a écrit Philippe Seguin, Louis-Napoléon le Grand (Grasset 1990) cité par Béatrice Philippe, Les juifs à Paris à la Belle Epoque (Albin Michel 1992, p.61) : « l’une des idées chères à Louis-Napoléon l’avait emporté : l’argent n’est plus considéré comme une chose honteuse… ».

Voilà, je viens peut-être de mettre le doigt sur l’origine de la maladie des Amei Haarets français !
Il est possible (et probable) que d’autres éléments concourent à la diffusion de cette hashkafa, car elle existait déjà un peu dans d’autres pays avant le XXème siècle.

J’ajouterais -avec gravité- que c’est certainement un des ingrédients responsables de la « médiocrité religieuse » en France (si étonnante et tant remarquée par les étrangers et par certains français ayant voyagé à l’étranger) .


Dernière édition par Rav Binyamin Wattenberg le Ven 24 Avril 2020, 8:14; édité 1 fois
aralé
Messages: 147
Kvod Harav Wattenberg


Dans votre réponse à la question "ne pas profiter de ce monde: idée chrétienne ?", vous faites état de "la « médiocrité religieuse » en France (si étonnante et tant remarquée par les étrangers et par certains français ayant voyagé à l’étranger) ."

Pouvez-vous développer ?

Merci d'avance.
Angel_mickael
Messages: 39
Merci pour la réponse.
Mais à vrai dire , je reste un peu sur ma faim;-)
Je suis moi aussi convaincu que la torah n'interdit Pas de profiter du monde
Mais va plutôt donner un « cadre » , une manière de « canaliser » nos pulsion (d'ailleurs un Rav sur ce site Techouvot avait donné une explication dans ce sens au sujet de « barati yetser ara, barati torah tavlin »)

Mais à vrai dire, là n'est pas ma question, que la volonté de comprendre, ce que voulaient dire la Gmara « le monde aurait été crée pour des gens comme R Hanina ben Dossa ou comme A'hav »

L'explication que l'on m'avait proposé était « soit pour un racha gamour (type A'hav qui « se faisait plaisir ») ou un tsadik gamour (type R hanina ben dossa qui refusait de profiter de ce monde)
Machma qu'un Tsadik est censé « ne pas profiter de ce monde »
Or, et vous semblez d'accord, ceci ne semble pas être une valeur juive, mais plutôt chrétienne. J'ignore comment comprendre autrement les paroles de la gmara.

Concernant le regard des juifs français sur la richesse ou non des rabbins, je dois avouer ne pas m'en rendre compte.
Personnellement, je souhaite à tous les Rabbins d'âtre riche pour pouvoir étudier convenablement la Tora sans être restreint par des préoccupations matérielles.

La question "le malaise vis à vis d'un rabbin riche" se poserait peut-être pour des rabbins « charlatans/ gourou » comme il doit en exister dans chaque religion. Ou par une personne moins fortunée qui donne de la tsedaka, et qui se demande s'il n'a pas plus besoin de cet argent que celui à qui il le donne.
Sinon , je ne vois pas ce qui pourrait déranger quiconque.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
Il y a deux messages, je commence par le second:

A Angel_mickael que je cite :

Citation:
L'explication que l'on m'avait proposé était « soit pour un racha gamour (type A'hav qui « se faisait plaisir ») ou un tsadik gamour (type R hanina ben dossa qui refusait de profiter de ce monde)


L’idée qu’on vous a donnée, je pense, est que le Rasha Gamour et le Tsadik Gamour peuvent bénéficier d’un Olam Hazé agréable et « parfait », chacun pour une raison différente ; le Tsadik Gamour car il n’a aucune faute à son actif (bien que ce soit un état plutôt théorique, voir aussi Tosfot Shabbat 55b), et le Rasha Gamour afin de lui « payer » dans ce monde les quelques mitsvot qu’il aurait pu accomplir sans vraiment le vouloir et lui réserver une place de luxe au Guehinom. [vous remarquerez la subtilité sous-entendue entre les deux « gamour »]

Tandis que le Tsadik ou le Rasha « non-gamour » connaîtra quelques déboires dans ce monde-ci pour expier ses quelques fautes et connaitre un Olam Haba optimal.

Je précise toutefois qu’A’hav n’est pas celui qui « se faisait plaisir » et RHBD n’est pas celui qui « refusait de profiter de ce monde », mais celui qui n’en profitait pas.

Il a même (à la demande de son épouse) imploré D.ieu pour avoir une meilleure Parnassa et a été exaucé, mais ayant vu en rêve que cette aisance qu’il demandait ici-bas lui ferait défaut dans le monde futur, il préféra -toujours avec l’accord de sa femme- revenir à sa pauvreté initiale.

[cette fatalité ne concerne pas tout le monde et il ne faut pas croire que celui qui n’est pas pauvre ne peut pas être un Tsadik, les nombreux ‘Hakhamim riches du Talmud le prouvent et déjà Avraham avant eux.]

Il ne s’agit donc pas d’une personne refusant de profiter de ce monde comme le refusait le prophète Shmouel, mais d’une personne qui n’avait pas les moyens de profiter de ce monde.

Mais avant de nous enfoncer dans ces réflexions, je vous invite à m’indiquer où se trouve une telle Gmara.

Je ne crois pas que cela se trouve dans le Shas, mais dans le Yalkout Shimoni sur Tehilim (remez 725). ça ne serait donc pas une Gmara.

Vous me direz que concernant votre question, ça revient au même et vous avez raison, sauf qu’en ayant la source du texte, vous pourrez en lire la suite, que je vous cite :
לא נברא כל העולם אלא בשביל אחאב בן עמרי ובשביל רבי חנינא בן דוסא, לאחאב העולם הזה, לרבי חנינא בן דוסא העוה"ב

Et là vous constatez que lorsqu’on dit que le monde n’a été créé que pour ces deux personnages, on le leur répartit en attribuant le Olam Hazé à A’hav et le Olam HABA à R. ‘Hanina Ben Dossa.

Ce qui vient bousculer un peu l’explication donnée plus haut… Et votre question est répondue.


Mais certains passages pourraient laisser entendre l’inverse :
Dans Brakhot (17b) et Taanit (24b) nous lisons :
כל העולם כולו נזונין בשביל חנינא בני וחנינא בני די לו בקב חרובין מערב שבת לערב שבת
Cependant, il n’y est pas dit que le monde a été créé pour RHBD, il est seulement dit que le monde entier est nourri par son mérite (alors que lui se contente d’un Kav de caroubes hebdomadaire).
On n’est pas en train de dire que le but de la création de ce monde était de satisfaire RHBD.

Par contre un autre texte dans Brakhot (6b) et Shabbat (30b) nous dit que le monde entier a été créé pour celui qui a de la Yirat Shamayim.
Et ces textes semblent bien parler du Olam Hazé.

Mais là encore, leur intention n’est pas de dire que le but de la création de ce monde était de satisfaire les envies/besoins/Taavot des Yerei Shamayim, seulement que le but de la création de ce monde était de permettre leur développement, nuance.

Quoi qu’il en soit, la déduction que vous faisiez du Maamar en question n’a pas lieu d’être [et pour en revenir à ce qui vous préoccupe, lorsqu’on dit que le monde a été créé pour ces deux personnes, l’intention est de parler des deux parties du monde, Hazé et Haba.
Quant à R. H. Ben Dossa, il ne souhaitait pas être pauvre et ne pas pouvoir profiter du monde, c’est sa condition qui l’exigeait].



Citation:
Concernant le regard des juifs français sur la richesse ou non des rabbins, je dois avouer ne pas m'en rendre compte.
Personnellement, je souhaite à tous les Rabbins d'âtre riche pour pouvoir étudier convenablement la Tora sans être restreint par des préoccupations matérielles.
La question "le malaise vis à vis d'un rabbin riche" se poserait peut-être pour des rabbins « charlatans/ gourou » comme il doit en exister dans chaque religion. Ou par une personne moins fortunée qui donne de la tsedaka, et qui se demande s'il n'a pas plus besoin de cet argent que celui à qui il le donne.
Sinon , je ne vois pas ce qui pourrait déranger quiconque.


Voyez ma réponse à Aralé.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
Voilà à présent mon second message:

A Aralé :
Je cite :
Citation:
Dans votre réponse à la question "ne pas profiter de ce monde: idée chrétienne ?", vous faites état de "la « médiocrité religieuse » en France (si étonnante et tant remarquée par les étrangers et par certains français ayant voyagé à l’étranger) ."
Pouvez-vous développer ?


Je tente de développer un peu :

La communauté française est la 3ème au monde par son importance en nombre.
A part Israël et les Etats-Unis, les autres pays ont moins de juifs que la France.
Pourtant, en comparant le « niveau de vie juive », l’avancement spirituel et religieux des juifs d’Europe et d’ailleurs, la France est loin d’être la plus performante (-et ce, malgré de récentes avancées -qu’il faut reconnaître).

Il est vrai qu’il y a beaucoup plus de juifs qui mangent kasher, vont au Mikve, font Shabbat, mettent les Tfilines, étudient la Gmara, que ce qu’il y en avait il y a 20 ou 30 ans.
Mais le « niveau spirituel » reste assez bas, parfois au ras des pâquerettes.

Les Hashkafot/ Emounot Vedeot sont parfois déplorables, beaucoup de juifs français adhèrent à une sorte de sorcellerie religieuse et vivent une Torah beaucoup plus mystique qu’Halakhique.

Les institutions n’ont pas de quoi faire notre fierté non plus, nous sommes loin derrière les yeshivot américaines, même les anglais nous battent.

Tout récemment, Rav Man me confiait qu’il était étonné du faible niveau des Yeshivot/Kollelim en France en les comparant aux mêmes institutions à Mexico !
Même le judaïsme du Mexique serait plus avancé que le nôtre ?!
(Ce Rav Man a enseigné dans des yeshivot en France, en Israël et au Mexique)

Au niveau de la Kashrout aussi il y a de quoi se cacher.
L’Angleterre , ou même le Canada nous humilie.

Idem pour ce qui est de la nourriture « Kasher » (c-à-d pas les organismes de surveillance, mais les produits Kasher accessibles sur le marché), comment une si petite communauté comme celle d’Anvers propose plus de produits importés d’Israël et des USA et à un prix nettement INFERIEUR que celui des mêmes produits en France ? Par quel miracle, si ce n’est une meilleure organisation ?

La communauté française n’est pas assez organisée au niveau « Frumkeit », il est difficile d’être Frum en France -du moins en Île-de-France.

Il y a certes quelques atouts non méprisables, comme la possibilité « plus accessible » d’étudier à mi-temps pour les professions libérales ou pour d’autres aussi.
En France c’est relativement « facile », en tout cas plus qu’en Israël ou aux USA. Mais cet atout n’a rien à voir avec l’organisation de la communauté juive, c’est grâce au système français, c’est tout.

Pour ce qui est des innombrables restaurants Kasher -particularité brandie avec fierté par les parisiens, il est vrai que rares sont les communautés en proposant autant, mais encore une fois, vu par de véritables « Frum », cet atout n’en représente pas un, d’une part car la Kashrout n’y est pas toujours recommandable (surtout pour les Sfaradim, mais pas que. Je n’en dis pas plus, on en a déjà parlé il me semble sur Techouvot) et d’autre part car le restaurant n’occupe pas -aux yeux du juif frum- l’importance qu’il a dans l’esprit français (non-juif, ou juif non pratiquant, ou juif traditionaliste, ou juif pratiquant que nous distinguons ici de « juif frum »).

Encore un point à déplorer : les véritables Talmidei ‘Halhamim font défaut en France, c’est vrai qu’il y a plein de rabbanim, je ne dis pas le contraire, mais il manque cruellement d’érudits en Torah.
Mais là aussi, j’ai peur d’en dire trop.
Présentons les choses autrement : combien de rav Schlesinger avons-nous en France ? (des rav Schlesinger ou des rav Schlesinger en herbe, qui sont en passe de le devenir lorsqu’ils auront son âge. C-à-d des Talmidei ‘Hakhamim du calibre de rav Schlesinger même lorsqu’il était plus jeune.)
La France produit de bons Lamdanim, mais qui vont habiter en Israël, pourquoi ? Ce n’est pas par sionisme profond, les élèves des yeshivot classiques ne sont pas ce qu’on appelle des sionistes (sans être antisionistes à la mode des Satmers) et pourtant, ils ne restent/reviennent pas en France.
Alors que chez les anglais et les américains, il est beaucoup plus fréquent de voir leur jeunesse revenir au pays après quelques années d’étude en Yeshiva/kollel en Israël, ce qui leur donne des Talmidei ‘Hakhamim locaux, qui comprennent la mentalité du pays, pas comme les rabbanim israéliens que l’on peut importer.

Quand on compare le niveau d’instruction juive, on a honte de nouveau.
Il suffit de comparer avec les anglais ou même les belges…
Quels sont les Sfarim qui se vendent en France ?
Ou encore, quels sont les Sfarim qui s’écrivent en France ? (Et si on regarde Israël ou les USA, je n’en parle même pas.)
Quels sont les « Sfarim » qui intéressent les français ?

C’est un fait, lorsqu’un français religieux arrive dans un autre pays, même parmi les religieux, que ce soit dans une yeshiva ou dans une Shul, on le remarque rapidement, bien plus rapidement qu’un étranger d’une autre nationalité.
Un belge, un suisse, un canadien, un anglais ou même un juif du Mexique ou d’Afrique du Sud, lorsqu’il arrive aux USA, il se fond plus ou moins dans le décor, « ça passe », alors qu’un français est tout de suite différent.
Certains disent que c’est parce qu’il est Sfarade ou qu’il ne parle pas Yiddish. C’est possible. (cependant, le mexicain aussi est sfarade)
[Il faut souligner, qu'à l'inverse, le ba'hour yeshiva français s'adapte mieux à Israël (et à sa langue) que l'américain. Mais cela contribue justement à la fuite des cerveaux...]

En France, le judaïsme est théoriquement organisé par le consistoire, ce qu’on ne retrouve pas dans les autres pays d’Europe, ni aux USA (qui n’a pas non plus de grand-rabbin).
Pourtant le résultat est bien décevant, on s’attendrait à dépasser tous les pays, au moins ceux inférieurs en nombre de juifs et il n’en est rien.

Alors on a des consistoires, ok, mais en quoi nous servent-ils ?
Je ne viens pas critiquer le Consistoire, il réalise certainement de belles choses, mais ça reste largement insuffisant.
Le niveau des Talmudei-Torah n’intéresse pas grand-monde, les rabbins produits par l’école rabbinique non plus.

Attention, je ne viens pas critiquer ces rabbins dévoués, je dis juste que le séminaire rabbinique ne pourrait même pas oser prétendre se comparer à une yeshiva classique et moyenne.
Bien entendu, les rabbins doivent y être formés pour pouvoir affronter la réalité du terrain des communautés françaises, pour cela des rudiments de philosophie, d’histoire et de culture générale sont jugés indispensables, il est aussi impératif de travailler la rhétorique, un rabbin qui ne sait pas s’exprimer n’a pas trop d’intérêt dans le cadre d’une communauté et en tout cas un impact très limité.
Mais finalement, l’élève diplômé du SIF ne peut pas se mesurer à un ba’hour yeshiva en connaissance /compréhension talmudique, ni même en approfondissement de halakha (excepté pour certaines lois et coutumes que les rabbins apprennent par nécessité comme celles du deuil, qui ne sont pas étudiées en yeshiva).
On est loin du souhait du grand-rabbin Bernheim de faire de l'école rabbinique un « pôle de rayonnement du judaïsme orthodoxe en France ».

Encore une fois, il ne s’agit pas d’une critique, la faiblesse du résultat est certainement due à un manque de moyens etc., mais c’est une constatation : les Rabbanim les plus compétents, les Talmidei ‘hakhamim aujourd’hui en France, ne sont pas vraiment des produits du séminaire rabbinique.

Bien sûr, il y a Rav Gugenheim, mais combien y en a-t-il des comme lui ?
Et surtout, il faut souligner qu’il n’est pas non plus un produit du SIF, mais bien des Yeshivot israéliennes classiques !
(C’est aussi le cas de Rav Bernheim et d’autres rabbins français ayant étudié dans les yeshivot israéliennes.)

A nouveau, j’implore le lecteur et lui demande de ne pas voir en ces lignes une « critique », il ne s’agit que d’un constat (que partagent même les plus hautes instances concernées), un constat bienveillant et dans un esprit constructif.

Le consistoire et le SIF ne sont pas les seuls à présenter de si mauvais résultats, comme je l’écrivais plus haut, c’est quasiment toutes les communautés françaises qui sont concernées par cette « anomalie » en comparaison avec d’autres pays pourtant composés de communautés inférieures en nombre.

Bien sûr, il y a des atouts typiquement français, on entend fréquemment -même de rabbanim très israéliens comme Rav David Cohen de Rosh Yeshiva de ‘Hevron, que les Ba’hourim français sont souvent plus profonds que les autres.
On dit aussi que le judaïsme français dépasse celui des autres pays de manière générale pour tout ce qui a trait à la philosophie et partant, en profondeur de compréhension de la pensée juive.
La France produit plus de « penseurs » que les autres pays.

Mais cela ne suffit pas et cet atout ne doit pas nous empêcher de nous améliorer dans les autres domaines aussi, surtout qu’en matière de Torah, tous ces domaines sont encore plus liés les uns aux autres que pour les autres sujets.
Un philosophe (séculier) ignorant l’histoire sera nécessairement moins compétent que s’il disposait d’une large connaissance historique, mais l’ignorance du Talmud fera encore plus défaut à un « philosophe en Torah ».

[c’est vrai qu’en France on a des extrêmes assez insolites, entre les "philosophards" excessifs d’un côté et les super-mystiques de l’autre, on ne sait pas où mettre la tête.]

Globalement, je dirais surtout que le judaïsme français manque de maturité et peut-être aussi de punch.
Il ne prend pas son envol, il stagne.

C’est certainement aussi lié à ce dont j’ai parlé à de maintes occasions (et peut-être aussi écrit sur Techouvot ?) : la mauvaise compréhension des Agadot, qui -surtout conjuguée avec la mentalité française- entraîne malheureusement une séparation dans l’esprit du juif croyant entre la synagogue et le monde réel.

En fait, d'un certain point de vue, le juif français (s’il n’est pas stupide,) ne vit pas vraiment son judaïsme, il le subit, le supporte.
Voilà aussi pourquoi le judaïsme parisien ne prend pas son envol.

Dans les autres pays, un Baal Tshouva -au bout de quelques années, se fond totalement parmi les « frum », mais en France, même s’il a fait Tshouva depuis dix ans et parfois vingt ans, il n’arrive toujours pas à se « stabiliser » réellement dans la vie juive, je veux dire dans un judaïsme évolué et « majeur ».
Bien entendu, il y a des exceptions -sans quoi je ne prendrais pas la peine d’écrire ces lignes, tant je suis convaincu qu’elles ne seront pas comprises (convenablement) par les concernés.
C’est donc à l’intention de ces « exceptions » que j’écris ceci, eux qui pourront ressentir/percevoir/comprendre le problème.

J’espère n’avoir choqué personne « négativement » (et j’espère en avoir « choqué positivement », d’un choc constructif), l’intention de ce post n’est que de répondre à la demande d’Aralé et au message d’ Angel_mickael , mais absolument pas de créer une polémique, ni ‘has veshalom de critiquer les rabbanim/institutions/fidèles français.

PS: La longueur de ces deux messages et le peu de temps dont je dispose maintenant, s'additionnent pour me décourager d'une relecture -qui pourtant serait certainement salutaire (pour les fautes comme pour adoucir peut-être quelques phrases afin qu'aucun lecteur ne se trompe quant à mon intention), je m'en excuse par avance.
PseudoRalbag
Messages: 10
Bonjour rav,
j'ai trois questions sur le manque de frumkeit en France:

1) En France l'idologie depuis la Révolution et encore plus depuis la loi de 1905 veut que même si on est religieux, c'est quelque chose qui doit rester à la maison. Tout conflit religieux/professionnel doit se régler par la mise de côté du fait religieux.
Ce qui entraine pour beaucoup de juifs une dissociation entre le juif (papa ou maman) à la maison, et le juif sans kippa/pratique le reste de la semaine.
Et c'est une vraie galère pour beaucoup de juifs qui voudraient progresser ou tout du moins le pourraient ... s'il n'y avait pas ce frein. Alors les enfants qui ont vécu dans cette ambiance, quand ils mûrissent ils voient bien la dichotomie et ils choisissent de faire leur alya ou de s'accommoder ou de lâcher prise.
La seule issue c'est le travail en profession liberale ou alors de trouver un patron arrangeant ce qui est de moins en moins facile vu le marché de l'emploi et la flexibilité de celui-ci aujourd'hui.
Cela ne concerne pas seulement les juifs, mais également les musulmans et sans doute d'autres minorités que je ne connais pas. Si on regarde les musulmans, il est plus facile d'être musulman ou sikh "froum" à Londres ou au Canada. Je me rappelle qu'en Angleterre, une stagiaire portait le voile, ça aurait été tabou de lui demander de l'enlever. J'ai même vu des policiers sikhs en turbans (sic).
Est-il possible d'inverser cette idéologie ?

2) Aucun gadol n'a voulu s'installer en France.
Après la seconde guerre mondiale, beaucoup de gdolim sont montés en Israël ou ont été aux USA. Combien sont venus en France ? Alors ok, à cette époque il n'y avait plus beaucoup de juifs en métropoles, les juifs étaient dans les colonies. Mais dans les années 60-70 combien de gdolim ont mené une politique envers les juifs de France, pour développer une frumkeit en France.
Personnellement je n'en sais rien. Mais je me le demande. Je vois que le mouvement 'habad a essayé et a réussi à toucher beaucoup de juifs de France et qui restent en France.
Mais de nombreuses institutions française de renom de la yiddishkeit sont en train de disparaître ou alors de péricliter. Et l'immense majorité de leurs élèves part en Israël étudier dans les yeshivot israeliennes, se marient avec une fille et restent et jamais ne repartent. Pourquoi ?

3) Quid de Strasbourg qui semble être la ville avec le niveau de pratique le plus élevé en moyenne, le plus learnen-populaire, et où le fait juif est reconnu.

Merci et Shana tova !
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6700
1) Ces mentalités ne se déracinent pas en un jour, mais je pense qu'il est déjà possible d'éduquer, sans déraciner. On peut garder la spécificité française qui sépare le fait religieux de la vie sociale, tout en gardant à l'intérieur de soi un feu de Kdousha et une aspiration 100% spirituelle même en étant au travail.

N'a-t-on pas aujourd'hui, en France, des juifs orthodoxes qui travaillent parmi les non-juifs, en étant parfaitement respectueux de cet esprit français qui demande à chacun de garder sa religion chez lui?
Pourtant ils sont aussi investis dans la Torah, c-à-d dans le Limoud.

2) La réponse est, je pense, ce que j'écrivais plus haut dans ma réponse à Aralé .
Ceci entraîne cela.

Quant aux grands rabbanim qui n'ont pas voulu s'installer en France, certains ont pourtant essayé, s'ils sont partis finalement au bout de plusieurs années, c'est à cause des français (je veux dire les juifs français).

C'est aussi la raison pour laquelle la France n'attire pas d'autres grands rabbanim; la médiocrité du judaïsme français n'est pas attrayante.

J'ai l'habitude de dire qu'on n'a que les rabbanim que l'on mérite. La France ne semble pas mériter grand-chose.

Et dès qu'il y a un espoir, un potentiel futur Talmid 'Hakham, soit il est rattrapé par la médiocrité française par nécessité (de Parnassa, de politique ou autre), soit il quitte la France pour des cieux plus accueillants (Toraïquement parlant).


3) Oui, Strasbourg est assurément la ville la moins atteinte par ce fléau français. ça se ressent dans la mentalité, mais ça trouve son origine en la valorisation du Limoud.
Il y a, à Strasbourg, une importance donnée au Limoud, on ne regarde pas de la même manière celui qui n'étudie pas. A Paris (ou autres villes), un juif qui n'ouvre jamais la Gmara ne se sent pas ridicule.
A Strasbourg, parfois si.

Cela donne aussi le ton dans toute la communauté, les superstitions prennent moins de place dans leurs esprits, les rabbins "pseudo-kabbalistes/faiseurs de miracle" n'ont pas droit de cité et automatiquement, on valorise plus le Limoud...
Et si le Limoud est valorisé, on s'intéresse plus aux Talmidei 'Hakhamim qu'aux "pseudo-kabbalistes/faiseurs de miracle".
C'est donc un terrain plus propice pour attirer les Talmidei 'Hakhamim et nous savons que depuis une dizaine d'années, des Avrekhim français reviennent d'Israël pour s'installer à Strasbourg.
Peut-être que la solution passera par-là?
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