Klal gadol : il ne faut pas prendre le sidour pour un rav, encore moins pour un possek.
Le sidour n’est qu’un livre dont la sagesse ne saurait dépasser celle de son auteur (éditeur).
Il se trouve que les auteurs de sidourim n’ont pas inscrit cette bénédiction suite à l’étude de la page
58b de massé’het Bra’hot, mais seulement parce qu’ils ont copié les textes d’un précédent sidour qui lui aussi avait été rédigé de la même manière et ce, depuis des générations.
Il y avait bien à l’origine un auteur instruit, mais comme nous l’avons dit, les époques changent et en son temps –dans son pays, les noirs ne couraient pas les rues.
Il y aurait tout aussi bien pu y avoir la bénédiction meshané abriot dans un sidour yéménite du XVIIIème siècle avec indication «
se dit à la vue d’un homme très blanc ».
Ça c’est pour le problème de bra’ha levatala.
Ce n’est pas que l’auteur ne s’en soucie guère, c’est juste qu’il a copié la bra’ha d’un ancien sidour et ne sait pas que ce n’est plus applicable de nos jours à Paris.
Pour le second problème, que cela suggère que la Thora serait raciste, il y a là un réel problème ;
Récemment, quelqu’un m’a demandé ce que je pensais d’un « rabbin » (qu’il n’a pas nommé, je ne garantis pas l’appellation) qui serait clairement raciste. Il se trouve que sa xénophobie ne s’exercerait pas exclusivement à l’encontre des noirs mais aussi –et surtout- des blancs, enfin je veux dire des français non juifs. Il ressentirait et exprimerait un profond dégoût des « français ».
En dehors du non-sens lié au fait que nous prions pour la France et son peuple à la synagogue, mon interlocuteur comprenait bien que cette position ne saurait être en phase avec la Thora, mais se sentant dépassé par les connaissances de son « rabbin » raciste, il ne pouvait le contredire et sollicitait mon opinion.
En substance, je lui ai dit que ce pseudo-rabbin était clairement et explicitement condamné par la Thora elle-même, par un verset explicite du
Pentateuque :
(Deutéronome XXIII, 8) Lo Tetaev Edomi (n’aie pas en horreur l’édomite).
(Edom représentant toujours Essav et les peuples européens)
C’est tout de même fort de pouvoir s’égarer à ce point dans la Thora !
J’en déduis donc que les choses ne sont pas assez claires dans la tête des juifs français concernant la position de la Thora sur le racisme.
Ce dernier est clairement condamné dans nos textes sacrés, surtout dans le
Talmud.
Je ne peux pas m’engager concernant la position des juifs réformés, libéraux ou massortis (et autres mouvements « modernes ») qui n’acceptent pas (pleinement) l’autorité du
Talmud, mais pour les juifs traditionalistes & orthodoxes, il n’y a pas de doute, le racisme est défendu et repoussé par la religion elle-même (et pas seulement par le bon sens).
Le
Talmud dans
Sanhedrin (37a) dira que D. créa l’homme seul (un seul couple) afin que toute l’humanité ait le même ancêtre afin d’éviter qu’un jour l’un puisse dire à l’autre « mon ancêtre est d’une race plus pure que le tien ».
Chacun peut devenir candidat à la conversion, peu importe sa couleur de peau, il n’y a pas de discrimination à ce niveau dans la Thora.
Il y a encore beaucoup à dire sur le sujet…
Concernant le dernier point de la "remarque", prévenir ou non l’éditeur, vous demandez si c’est « utile », « souhaitable » ou « indispensable ».
Je crois que c’est plutôt « charitable » mais je doute du résultat.
Il est clair que si ça ne coûte rien d’essayer, il le faut.
J’en viens à la "question", je vous cite :
Citation:
concernant la beauté. Je me demande en quoi c'est important, pourquoi le mentionner...
Au passage, je souligne une idée qui semble méconnue (ou méprisée) dans le monde ultra-orthodoxe israélien:
Contrairement à ce qu'ils pensent, la beauté a son importance!
Il faut savoir être sensible et apprécier la beauté.
Il ne faut pas malmener de beaux objets en pensant ainsi matérialiser notre indifférence pour le monde matériel.
Cela ne veut pas dire qu'il faille accorder au matériel l'importance du spirituel, bien sûr, mais il faut tout de même savoir en prendre soin.
Je sais que je serai condamné comme matérialiste et Kofer pour professer une telle ashkafa, mais c'est pourtant la ashkafa des 'Hazal telle qu'ils l'expriment plus ou moins explicitement en de maints endroits!
Voyez par exemple
Rashi Dvarim (XIV, 1) sur lo titgodedou :
car vous êtes les enfants de D. et il vous sied d'être beaux...
Rashi Shemot (XXVI, 13) la thora nous enseigne qu'il faut savoir être sensible au beau ('has al ayafé)
La source de ce
Rashi se trouve dans la
braïta des mem tet midot (otsar amidrashim p.295) et le
Yalkout Shimoni shemot (§442).
Voir encore
Rabeinou Be'hayei (Ba'hya) sur Shemot (XXVI, 7).
Voir aussi la
gmara Psa'him (64b) où l'on se soucie d'esthétique (éla dea'hi shapir tfei)
Et il y a encore beaucoup de textes soulignant la beauté physique de certains personnages bibliques et talmudiques.
Je sais que le phénoménal génie de
monsieur Chouchani s'opposait lui aussi à conférer une quelconque importance à la beauté (cf. sa
"biographie" par Salomon Malka page 42 et une autre, je ne me souviens plus laquelle), mais je doute que ce mouvement parmi les religieux trouve son origine chez ce personnage extraordinairement farfelu.
Votre question:
Citation:
Mais en réalité, la beauté n'est-elle pas uniquement subjective? Ou bien la Torah nous donne-t-elle une valeur absolue de la beauté
Je ne dirais pas que la beauté est un critère totalement subjectif, cependant, les limites de l’objectivité de ce critère le sont (subjectives).
Je veux dire qu’il y a bien une part d’objectivité dans l’affaire ; Grosso modo tout le monde s’accordera à trouver moche quelque chose de très laid et à trouver beau quelque chose de magnifique.
Mais il reste bien entendu une bonne part absolument subjective qui varie d’une époque à l’autre d’un endroit à l’autre et d’un individu à l’autre.
Les Sages ne peuvent donc parler que de ce qui est –à une époque et dans un endroit- unanimement considéré comme beau ou laid.
Selon
Rashi et le Ibn Ezra, à l’époque des Sages, la laideur du noir était établie. Selon d’autres c’est faux.
Mais même d’après
Rashi et le Ibn Ezra il n’y a pas là de recommandation.
A chacun d’apprécier ce qu’il apprécie.
C’est comme si
Rashi écrivait sur un aliment qu’il n’est pas bon –par exemple : car trop sucré (et qu’on ne fait pas de bra’ha si on doit en manger pour des raisons médicales…).
Si aujourd'hui -les goûts pour le sucre ayant évolué- on trouve ce plat délicieux, on en a le droit ! (et on devra faire la bra’ha).
L’appréciation d’un rabbin sur un thème qui relève des goûts n’engage personne en dehors de lui !
Même si on suppose qu’à son époque/endroit tout le monde considérait cet aliment comme exécrable, si de nos jours ce n’est pas le cas, nous n’avons pas à nous soucier de ce qu’ils pensaient.
J’en reviens à votre question : la Thora ne nous donne pas des critères précis de beauté. Il y a ce que « tout le monde » trouve beau ou moche et il y a tout le reste ou chacun se positionne à sa manière.
L’appréciation négative de la couleur noire que nous rencontrons chez quelques rishonim est propre à une époque et il ne s’agît pas d’un critère universel valable pour chaque génération.
La preuve : il y a des blancs qui préfèrent les noirs !
Là-dessus, la beauté est un critère subjectif. Ces rishonim parlent par rapport à leur époque/endroit seulement.
Le fait de ne jamais rencontrer de noirs (c’était leur cas) favorise forcément cette appréciation négative, car tout ce qui parait étrange et différent de la TOTALITE de nos contemporains est systématiquement jugé comme laid.
Imaginez quelqu’un avec le nez sur le front, est-il beau ? Bien sûr que non, mais pourquoi ? car c’est du jamais vu. Si nous avions tous l’appendice nasal fixé si haut, nous trouverions moche et « anormal » celui qui l’aurait là où nous l’avons aujourd’hui.
La bra’ha dont on parle dit barou’h MESHANE abriot, l’idée est le shinouy, l’anomalie.
Est-ce que le fait d’être noir est « anormal » ? Tout dépend de la « norme ». à leur époque, c’était anormal tout comme être très blanc.
De nos jours, non.
Donc à leur époque la bra’ha meshané abriot était évidente (et objective) à la vue d’un noir.
Et encore une fois, même les rishonim qui trouvent que le noir est moche, n'en venaient pas pour autant à une quelconque discrimination. Ils n’allaient pas les mépriser ou les maltraiter à cause de leur couleur, cet amalgame est digne des idiots qui ne considèrent que l'aspect extérieur d'une personne.
Une dernière chose, je m'excuse de l'aspect décousu que revêt très certainement ce message, j'ai dû m'interrompre à d'innombrables reprises lors de sa rédaction -et même dans cette petite phrase!