Dans le Psaume 69, David rappelle les humiliations et les déshonneurs qui ont marqué son enfance :
Verset 9 : « Je suis devenu un étranger à mes frères, et un inconnu aux fils de ma mère. »
Verset 13 : « Ceux qui sont assis dans la porte déblatèrent contre moi, les buveurs de liqueurs fortes me chansonnent. »
Verset 22 : « Ils ont mis du poison dans ma nourriture, et pour calmer ma soif, ils m’abreuvent de vinaigre. »
Pour comprendre comment David, ce souverain vertueux et aimé de Hachem, a pu décrire son enfance sous des traits aussi douloureux, il faut rappeler que Jessé (Yichaï), son père, était l’un des personnages les plus distingués et les plus dignes de sa génération. La Guemara (Chabbath 55b) dit de lui qu’il a fait partie des quatre personnages aux vertus indiscutables « qui ne sont morts qu’à cause de la morsure du serpent », en d’autres termes seulement parce que Hachem a décrété que les hommes seraient mortels à cause de la faute d’Adam et Eve, et non à la suite de quelque péché ou faute de leur part.
David était le cadet de sa famille, né après sept frères tout aussi illustres et distingués.
Il a été cependant tenu à l’écart des siens, ainsi qu’il le décrit dans le Psaume en question. La seule personne à l’avoir soutenu a été sa mère, Nitséveth bath ‘Adiel.
Son père, Jessé, après plusieurs années de vie conjugale exemplaire, a soudain été pris d’un doute : Sa grand-mère Ruth était une convertie issue de Moab. Or, la Tora interdit la conversion des Moabites (Devarim 23, 4). Il est vrai que cette interdiction ne concerne que les hommes issus de ce peuple, et non les femmes, mais une controverse s’était élevée alors sur la validité du mariage de Boaz et de Ruth, et par conséquent sur la judéité de leurs descendants.
Obsédé par l’idée qu’il pouvait avoir été issu d’une union illégitime, Jessé se sépara de sa femme.
Puis, s’étant convaincu qu’il lui fallait absolument donner naissance à une descendance dont la légitimité serait indiscutable, il s’unit à une esclave cananéenne après lui avoir tenu le raisonnement suivant :
« Je t’affranchis conditionnellement.
De deux choses l’une : Si mon état de Juif est est indiscutable, tu seras affranchie valablement. Tu deviendras alors juive à tous points de vue, et seras apte à m’épouser.
Si en revanche, je ne suis pas juif, mais moabite, tu ne seras pas affranchie. Tu resteras alors une esclave cananéenne, et tu auras le droit d’épouser un Moabite. »
Mais cette femme était très attachée à Nitséveth bath ‘Adiel, et elle lui proposa de renouveler ce qu’avaient fait Rachel et Léa au moment de leur mariage avec Jacob, et de se remplacer l’une l’autre dans le lit conjugal.
La même nuit, Nitséveth devint enceinte.
Quelques mois plus tard, sa grossesse étant devenue apparente, sa famille la soupçonna de s’être rendue coupable d’adultère.
Elle fut tenue à l’écart de sa famille, mais Jessé demanda à ses fils de ne lui faire aucun mal : « Ne la tuez pas ! Cependant, l’enfant qu’elle porte devra être honni de nous et voué à notre mépris. Chacun saura ainsi qu’il n’aura pas le statut d’un enfant légitime, et donc qu’il ne pourra pas épouser une fille d’Israël. »
C’est ainsi que David fut tenu pour un paria. Lorsqu’un vol avait lieu à Bethléem, c’est lui que l’on accusait aussitôt de l’avoir commis, d’où les mots : « Ce que je n’avais pas volé, je devais le rendre » (Psaumes 69, 5).
Ce n’est que plus tard, lorsque le prophète Samuel se rendit à Bethléem pour désigner celui qui succéderait au roi Saül, que la vérité sur la légitimité du statut de David éclata au grand jour (I Samuel 16, 6 et suivants).
(D’après le Yalqout ha-Meiri et le Séfèr ha-todaa).