A
Jchriqui :
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Cette question du format actuel de l'enseignement du Talmud me travaille beaucoup et revient souvent sur la table à de nombreuses occasions.
Pourriez-vous détailler en quelques points la méthode que vous aimeriez mettre en place ? Quelles sont les améliorations impératives à apporter au système ? Pourquoi ce projet demande plus de moyens qu'une Yeshiva classique ?
Peut-on imaginer innover au point de vue financier, en s'inspirant peut-être du monde de l'entreprise, en faisant produire les étudiants ou les enseignants du contenu payants, en imaginant former les bahourims à une activité professionnelle permettant d'être freelance lorsqu'ils deviendront avrekhims ?
La réponse est trop longue. Je réponds donc très brièvement.
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Pourriez-vous détailler en quelques points la méthode que vous aimeriez mettre en place ?
Disons que le but serait qu’un Ba’hour Yeshiva sorte de la yeshiva avec plusieurs massekhtot en main, une compréhension saine, et une connaissance plus élargie des Yessodot en Hashkafa et en Halakha.
Mais bon, ça, tout le monde peut le dire, ça reste vague.
Entrer ici dans les détails serait trop laborieux.
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Quelles sont les améliorations impératives à apporter au système ?
De nos jours, un élève de yeshiva, sous prétexte d’étude approfondie (Iyoun), n’apprend que quelques 10 dapim par année (au mieux).
Le reste se fait en « bekiout » qui n’est pas toujours aussi sérieuse.
Tout observateur honnête reconnait qu’il y a souvent du temps perdu dans l’excès de Iyoun, qui aurait pu se faire bien plus rapidement. (et qu'il y a souvent un manque de clarté dans l'étude en Bekiout...)
Mais encore une fois, c’est compliqué de parler de ça sur un site, une grande partie des lecteurs va mal comprendre, ça ne sert à rien.
Il faut bien connaitre le monde des yeshivot et les différentes méthodes, pour pouvoir se situer et discuter en indiquant des repères partagés, sinon on arrive à un dialogue de sourds, chacun comprenant les arguments de l’autre selon son propre prisme et ça dévoie la discussion.
Et puis il faut aussi que les élèves aient de meilleures connaissances des Klalei Hashas, et autres Miktsoot périphériques indispensables.
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Pourquoi ce projet demande plus de moyens qu'une yeshiva classique ?
Parce qu’il faut investir sur des rabanim plus percutants.
Il y a certes parfois de grands Gueonim qui sont Maguidei Shiourim dans des Yeshivot, seulement souvent, ils ne savent pas enseigner, ou ne se soucient pas convenablement des progrès des étudiants, ils présentent leurs ‘hidoushim même s’ils ne sont pas adaptés aux élèves.
Et avoir de bons rabanim revient cher pour deux raisons : d’abord parce qu’ils sont rares. Et ensuite parce que si l’enseignant de qualité doit en parallèle trouver d’autres sources de revenu pour assurer sa parnassa
(car il ne faut pas l’ignorer, dans le budget actuel d’une yeshiva, les sommes réservées aux enseignants sont insuffisantes et, de plus, la paie arrive rarement à l’heure), il sera beaucoup moins productif au niveau de ses élèves.
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Peut-on imaginer innover au point de vue financier (en s'inspirant peut-être du monde de l'entreprise, en faisant produire les étudiants ou les enseignants du contenu payant, en imaginant former les bahourims à une activité professionnelle permettant d'être freelance lorsqu'ils deviendront avrekhims ?
Si les Ba’hourim doivent mettre leur esprit ailleurs que dans le limoud, ça plombe 99% des chances de réussite.
Un Ba’hour Yeshiva doit s’occuper de son limoud et c’est tout, de rien d’autre.
S’il apprend un métier en parallèle ça paralyse la possibilité de « ne faire qu’un avec sa Gmara ».
Si on peut s’en passer, c’est mieux, afin de favoriser une immersion totale tant qu’il est ba’hour.
Une fois marié c’est différent, de toute manière il n’est plus en immersion totale, donc apprendre un métier en parallèle, quoique pouvant aussi constituer un frein à son Limoud, est déjà envisageable.
Lorsqu’il est indispensable qu’il apprenne un métier AVANT de se marier, il sera souhaitable de laisser cet apprentissage pour la dernière période de yeshiva, voire pendant la période de fiançailles, mais si on enseigne un métier aux élèves dès le début de leur carrière en yeshiva, on risque d’éliminer les chances d’immersion totale pour la majeure partie d’entre eux.
L’idéal serait donc de ne commencer la formation qu’après le mariage, c-à-d en étant déjà au kollel.
Quant à celui qui veut une formation plus solide et ne peut pas se contenter d’un apprentissage « en fin de parcours yeshivique », s’il veut débuter plus jeune, c’est son droit, mais pas dans le cadre de la yeshiva.
Il pourra étudier au Beit Hamidrash, mais ce n’est pas à la yeshva d’organiser ça Lekhate’hila pour tous.
A la Yeshivat Reb ‘Haim Berlin de feu
Rav Aharon Schechter (niftar le 7 Eloul dernier à 95 ans) à Flatbush, une partie non-négligeable des élèves (30% au début des années 90 du moins) fait des études, 3 soirs par semaines, au Touro college de Flatbush, juste à côté de la yeshiva. C’est organisé pour eux, sans mixité, dans un environnement frum et focalisé sur l’heure du Seder shlishi.
Bien entendu, les meilleurs éléments en Limoud ne faisaient pas partie de ce contingent.
C’est très bien pour ceux qui y vont, sans cela ils n’iraient pas en Yeshiva, mais il est peu probable de « percer » en Limoud sans s’y plonger totalement.