Citation:
Si j'ai bien compris, votre réponse laisse sous entendre que Dieu accepterait des prières qui ne sont pas pour le bien.
Pourquoi Dieu fait-il cela ?
Il n’est pas dit qu’Il le fasse systématiquement, mais que cela puisse arriver.
Rav Rozovsky m’a dit qu’on dit au nom du
‘Hatam Sofer, sur le Passouk
(Tehilim 145,19) רצון יראיו יעשה ואת שועתם ישמע ויושיעם
(passouk étrange et redondant ou a minima inversé, dans l’ordre logique on commence par écouter la requête avant de faire la volonté de la personne…), que D.ieu écoute la prière de ceux qui le craignent et exauce leurs vœux les plus chers, parfois même lorsque ce n’est pas bon pour eux, רצון יראיו יעשה, afin qu’ils se rendent compte par eux-mêmes que ce n’est pas ce qui leur convient, puis את שועתם ישמע ויושיעם ; lorsqu’ils vont supplier D.ieu, cette fois-ci de les sortir de cette situation, là encore Il les en sauvera.
[J’ai lu cette explication au nom du
Baal Shem Tov, cité dans
Keter Shem Tov (§147) (et aussi dans
Toldot Yaakov Yossef (vers le début de Shoftim - Medjybij 1817, daf 42a) :
הצדיק המתפלל על איזה דבר גם שיודע ה' שאין זה לטובתו מ"מ ה' עושה מבוקשו וז"ש רצון יריאיו יעשה ואח"כ כשרואה שאין זה לטובה חוזר וקורא אל ה' ואז ברחמיו ית' שועתם ישמע ויושיעם
Ainsi que dans le
Baal Shem Tov Al Hatorah (Amoud Hatfila/Noa’h §160).
Cependant, dans le
Baal Shem Tov Al Hatorah (Mikets §7) c’est une autre explication qu’on trouve au nom du
Besht sur cette même question et la réponse est différente.
Il y est dit qu’en principe, le Tsadik n’a pas de « ratson » personnel, il ne veut que la volonté de D.ieu, mais comme D.ieu aspire aux prières des justes, Il lui crée un Ratson (רצון יראיו יעשה), afin que le Tsadik prie et demande à D.ieu ce qu’il veut, pour qu’enfin D.ieu puisse l’exaucer (ואת שועתם ישמע ויושיעם).
Cette explication se retrouve aussi dans d’autres Sifrei ‘Hassidout.]
L’idée serait que D.ieu souhaite que le Tsadik expérimente la chose par lui-même et se rende compte tout seul que ce n’était pas bon pour lui.
On peut donner à cette attitude plusieurs raisons :
1-quand on aime quelqu’un, on exauce sa requête même si l’on pense que ce n’est pas bien pour lui (tant qu’il sera possible de faire marche arrière, évidemment).
2-afin de parfaire le Tsadik, qu’il progresse dans sa perception du monde.
3-pour ne pas que le Tsadik se sente délaissé et non écouté par D.ieu.
C’est l’explication n°2 qui me semble la plus vraie.
Je pense que c’est ce qui explique qu’Hashem ait exaucé en un premier temps la prière de R. ‘Hanina ben Dossa dans
Taanit (25a), lorsque sa femme lui demanda de prier pour avoir une meilleure parnassa, il s’exécuta, D.ieu l’exauça, puis ils comprirent que ce n’était pas bon pour eux, il pria à nouveau pour que D.ieu les remette dans leur situation initiale.
D.ieu aurait pu lui faire comprendre directement ce qu’il a compris après avoir bénéficié d’une parnassa abondante, mais faire en sorte que le Tsadik le comprenne de lui-même par sa propre expérience, est plus enrichissant
(c’est le cas de le dire!) et plus structurant pour la construction spirituelle du Tsadik.
Bien entendu, si exaucer le Tsadik entrainera une situation irréversible, D.ieu ne l’exaucera pas si c’est mauvais pour lui.
Par contre, si c’est mauvais « pour le monde » mais bon « pour le Tsadik lui-même », il n’est pas exclu que D.ieu exauce un Tsadik têtu qui insiste dans sa prière.
On retrouve déjà quelque chose de similaire à propos de Moshé Rabénou qui pria 515 Tfilot pour entrer en Erets Israel et D.ieu lui somma de s’arrêter de prier
(Dvarim 3,26) car il ne fallait pas qu’il entre en Israël.
Comme si une prière de plus qui s’ajouterait forcerait la main de D.ieu…
Nous voyons qu’il est possible que D.ieu exauce le Tsadik alors que ce n’est pas bien pour lui, nous voyons aussi qu’il y a une certaine « force » dans la prière.
Il y a aussi une Gmara dans
Taanit (25a) où D.ieu demande à R. Elazar ben Pedat s’il souhaite qu’Il détruise le monde pour le reprendre à zéro et le faire naitre sous un meilleur mazal… On croit comprendre que D.ieu aurait été prêt à exaucer un tel souhait !
(Heureusement pour le monde, R. Elazar ben Pedat a finalement décidé qu’étant donné qu’il avait déjà passé la majeure partie de sa vie ainsi, il pouvait continuer dans la pauvreté).
J’ai écrit « Tsadik » pour simplifier, mais la règle semble être, comme l’écrit le
Ramban (Taanit 15a) « כל המרבה בתפלות נענה ».
PS: je ne me relis pas, sorry pour les fautes.