A
Rafa2007 :
Citation:
Bonjour Kvod haRav, bien que ça ne soit pas strictement en contradiction avec ce que vous avez dit, comment expliquer la guemara qui dit que la beauté est un frein à l'intelligence (et ceux ayant les deux aurait été plus intelligents moches) ? C'est qu'il y a un aspect négatif ? Plus que ça : vous disiez que la beauté rehausse ce qui est déjà "bon" (personne avec des bonnes midot par exemple) or là c'est l'inverse qui est dit (qui semble être dit) ?
Non, la beauté reste une valeur positive, sauf qu’elle peut avoir un effet pervers.
Celui qui se laisserait aller à « s’occuper de sa beauté » perdrait son temps dans des futilités.
C’est à ce propos qu’on dit que sans la beauté il aurait été plus sage
(Nedarim 50b et Taanit 7a-b), car celui qui est moche risque moins de concentrer sa pensée sur l’entretien de son aspect physique (et cf.
Rashi qui explique que celui qui se croit beau n’aura pas assez d’humilité pour pouvoir retenir beaucoup de Torah).
Il ne s’agit pas « d’intelligence », il est possible d’être beau et intelligent, la beauté peut par contre porter préjudice à la « sagesse », si la personne accorde trop d’importance à l’aspect physique.
On ne peut pas se concentrer à la fois sur le physique et sur le spirituel sans que l’un n’empiète sur l’autre (par contre il est possible d’être beau sans se concentrer sur le physique).
De là, certains religieux ont déduit qu’il fallait cultiver le laisser-aller sur l’apparence physique, mais ça n’est pas convenable non plus.
Le
Shla (Shaar Haotiot lettre Dalet -dans l’éd. classique d’Amsterdam tome 1 daf 63b) souligne que la propreté physique favorise la propreté spirituelle, alors que celui qui se néglige aura tendance à commettre des actes bestiaux, voilà pourquoi -dit-il, il faut veiller à être propre, ne pas paraître sale aux yeux d’autrui, et « se coiffer les cheveux et la barbe ».
[Je sais que c’est parfaitement à contre-courant dans certains milieux qui pourtant tiennent le Shla Hakadosh en très haute estime, voici donc ses mots en hébreu pour ne pas déformer son message :
גם מדרץ ארץ הוא לראות שיהיה גופו נקי תמיד, הן אברים הגלוים, הן אברים הנסתרים, הן מכל לכלוך, הן מכל זוהמא... וזולת זה הטעם, הוא בטבע נקיות הגוף מביא לידי התעוררות נקיות הנשמה, וכשאינו נקי נמשל כבהמה ועושה מעשה הבהמה. ... ויהיה כל גופו נקי, ויתקן שערו וזקנו כדי שלא יהיה מכוער אצל חבירו]
Et pourtant de nombreux religieux, et même de grands Tsadikim, ont dénigré le beau et n’y étaient plus sensibles, c’est à mon sens une erreur, même si je ne fais pas le poids face à ces Tsadikim, je dis seulement ce qui ressort du Shas et des Midrashim selon ma lecture, sans exclure que des choses puissent m’échapper, et je crois que ces Tsadikim sont ceux visés par les dires du
Rav Kook que j’ai cités plus haut.
Parmi ces Tsadikim, j’en mentionne un :
Rav Chajkin (voir le livre
« Rav Chajkin, la Rabbanit », p.118).
Chez les Rishonim nous ne ressentons pas ce mépris du beau qui est fréquent chez les récents A’haronim.
Au contraire,
Rabbi Yossef Ibn Kaspi conseillait à son fils d’épouser une femme de bonne famille, belle physiquement et par ses actions, mais de ne pas s’intéresser à l’argent. "אשה מבנות היחס, נאה בגופה ובמעשיה, ולא תתן עיניך בממון"
(Divrei Moussar, §10, p.58).
Même chez les Rishonim qui ne l’écrivent pas toujours explicitement car ils n’en ont pas eu l’occasion ou n’en ont pas ressenti le besoin, on peut retrouver cette idée en lisant un peu entre les lignes.
J’indiquerais le
Raavan (Rabbi Eliezer Bar Nathan) dans sa chronique sur la première croisade en 1096 qui souligne avec douleur la beauté des victimes
(Gzeirot Ashkenaz Vetsorfat -Jér. 1946, p.77 et 79), ce qu’un Rav de Méa Shearim ne ferait certainement pas de nos jours.
Sans quoi, si la beauté était un défaut (ou sans valeur aucune), pourquoi ‘Hazal soulignent sur de nombreux Tsadikim qu’ils étaient beaux ? Comme Ra’hel ou Sarah, ou encore Adam ou Yaakov ? (cf. ceux que j’ai cités plus haut)…
C’est cette « nouvelle » Hashkafa qui a amené «
Talmid Hakham en devenir » à écrire plus haut :
Citation:
j'ai l'impression -j'observe- qu'il existerait une certaine forme de "sacrifice ultime" qui consisterait à prendre une femme qui n'est pas jolie (objectivement) justement pour se rapprocher encore et encore du Divin … tout en s'éloignant de tout attrait pour le plaisir ou pour la beauté. Un peu comme si le couple et la relation conjugale étaient une case à cocher (une chose de plus qu'il faut faire).
Mais choisir une femme moche dans l’optique de se rapprocher du divin est assez insolite si l’on considère que les ‘Hakhamim
(Kidoushin 41a) sont allés jusqu’à interdire de s’engager dans un mariage sans avoir vu la promise «
de peur qu’elle ne lui plaise pas » et qu’il ait du mal à l’aimer.
Donc -a fortiori s’il l’a vue et qu’il confirme qu’elle ne lui plait pas !
Comment peut-on proclamer avec assurance « je suis au-dessus de ça et par conséquent au-dessus de la crainte des ‘Hazal » ? Et si c’est vrai pour aujourd’hui
(qu’il est au-dessus de ça et arrive à l’aimer en dépit de son physique repoussant), qui lui dit qu’il y arrivera dans 10 ou 20 ans ? Qui lui dit qu’il arrivera 20 ans après à se maintenir dans un niveau de Kdousha tel qu’il ne regardera pas ailleurs ?
Mais bon, j’ai déjà écrit plus haut ce que j’en pense, il y a là deux visions du monde qui s’entrechoquent et se contredisent, faut-il ou non nier l’humain ?
Faut-il aspirer à « sortir » de son corps ou plutôt à l’élever vers le spirituel ?
Les Mitsvot sont-elles là pour nous transformer en martiens, en machines à faire des mitsvot, ou plutôt pour nous parfaire et nous rendre plus spirituels (tout en restant humains)?
Car je lie cette Hashkafa avec celle qui refuse de voir un Taam dans les Mitsvot, qui seraient toutes de pures Gzeirot Hakatouv et ‘Houkim sans aucune parcelle de compréhension accessible à l’homme.
Ça fait aussi partie des nouvelles Hashkafot qui ont bourgeonné il y a 2 ou 3 siècles et qui se sont exprimées durant le dernier siècle envers et contre tous nos ancêtres et toutes nos sources.
Le fond de cette « ma’hloket » est déjà souligné dans le
Tana Debei Eliahou (§14 -daf 49a), savoir si c’est la Torah ou l’Homme qui est le plus important, voir
Alei Shour (II, p.19). (C’est un vaste sujet, je ne sais pas si je suis très clair avec ces quelques lignes...)