Il existe certaines traductions de l’hébreu en français qui constituent de véritables contre-sens, et il en est qui sont même une insulte à la Tora.
Prenons par exemple l’expression Haqadoch baroukh Hou, que l’on rend le plus souvent par « le Saint béni soit-Il ».
Pourquoi “soit-Il”, alors qu’il serait beaucoup plus exact de parler du « Saint béni “est”-Il » ?
L’emploi du subjonctif (« soit-Il ») au lieu de l’indicatif (« est-Il ») suggère en effet comme un doute, une incertitude.
On en arrive ainsi, par l’emploi d’une forme grammaticale dubitative, à exprimer une incertitude quant à la sainteté de Hachem, ou plus précisément à souhaiter qu’Il “soit” saint, alors que le Juif sait, de toute évidence, que Hachem “est” saint, et non qu’Il est susceptible de le devenir.
Il en est de même pour les berakhoth. Lorsque nous disons : Baroukh ata Hachem, cela ne signifie pas, contrairement à ce que laissent supposer la plupart des traductions : « béni “sois”-Tu », mais : « béni “es”-Tu ».
Hachem n’a pas besoin que nous Le bénissions, car c’est Lui qui est la source de toutes les bénédictions. Lorsque nous récitons une berakha, nous n’exprimons pas le désir de conférer une bénédiction à Hachem, car Il n’en a nul besoin. Nous ne faisons alors que constater qu’Il est à l’origine de toutes les bénédictions, et notamment de celle qu’Il nous octroie en nous permettant, par exemple, de consommer telle nourriture.
Un autre contre-sens que l’on commet fréquemment, et dont il faut malheureusement reconnaître qu’il est difficilement évitable, concerne le nom même que nous conférons en français à Hachem.
Il faut savoir que le mot « Dieu » est issu du latin deus, lequel n’est rien d’autre qu’une déformation du grec Zeus. On se trouve ici en présence d’un détournement, à des fins sacrées, de la ‘avoda zara la plus caractérisée qui soit, et il ne me paraît pas évident que les artifices orthographiques du genre de « D. », « D’eu » ou « D-eu » puissent suffire à donner le change et à faire échapper le rédacteur au soupçon d’idolâtrie.
Certains traducteurs rendent le mot Hachem par « l’Eternel ». Cette paraphrase, même si elle ne rend compte que de l’un de Ses nombreux attributs en négligeant les autres, comme Son unité, Son incorporéité, Son omniprésence, etc. présente l’avantage d’être parfaitement cohérente avec la pensée juive, sans laisser planer le moindre soupçon de syncrétisme avec d’autres cultes.
En effet, à propos du verset : « Eloqim dit à Moïse : Je serai qui serai ! Il dit : Ainsi diras-tu aux enfants d’Israël : « Je serai » m’a envoyé vers vous ! » (Chemoth 3, 14), le Midrach Chemoth rabba chap. 3, cité par Ramban ad Chemoth 3, 2, énonce ce qui suit :
« Rabbi Yits‘haq a enseigné : Voici ce qu’a dit Hachem à Moïse : “Dis aux enfants d’Israël : Je suis qui ai été, et Je suis qui suis maintenant, et Je suis qui Je serai qui serai dans le futur.” Voilà pourquoi le mot éhyé (« Je serai ») figure à trois reprises dans le verset. »
On peut donc dire que la traduction de Hachem par « l’Eternel » s’inscrit dans une authentique vision juive de la divinité.