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Compte des années dans la Torah

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Morty
Messages: 3
Bonjour Rav,

Peut-il y avoir dans la Tora un saut dans l'Histoire ?

Au regard des calendriers (décompte des jours depuis la création du monde) plus anciens de certaines communautés, je me demande comment la Tora envisage une telle réalité ?

Par votre réponse, j'espère comprendre comment un talmid haham aborderait au moins ces thèmes ./?

Merci pour vos réponses.
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6640
Citation:
Peut-il y avoir dans la Tora un saut dans l'Histoire ?

Citation:
Au regard des calendriers... plus anciens de certaines communautés, je me demande comment la Tora envisage une telle réalité ?


Je ne comprends pas bien votre question.
De quels calendriers anciens parlez-vous et qu'y avez-vous vu qui vous dérange?

Et de quelle "réalité" vous parlez?

Bref, pourriez-vous être plus explicite quant à votre question, merci.
Morty
Messages: 3
Bonjour,

Je me demandais s'il était unanime que nous sommes en 5779 et s'il était possible que l'année 0 ne corresponde pas à la Briat Haolam ?

Ainsi, il serait plus simple de concilier l'idée que des communautés (les yezidis, par exemple, sont en 6769 de leur calendrier) aient des repères temporelles antérieurs avec notre propre décompte.

J'espère avoir été plus clair


Merci
Rav Binyamin Wattenberg
Messages: 6640
Oui, c’est en effet bien plus clair ainsi [quand vous parliez de calendriers de certaines communautés, vous utilisiez le terme calendrier dans le sens de chronologie, pas dans celui d’emploi du temps/planning. Et lorsque vous écriviez « certaines communautés », vous ne parliez pas de communautés juives. En fait, on pouvait croire en vous lisant que vous aviez retrouvé des anciens calendriers de la communauté de la rue Pavée, ou de celle d’Aix-les-Bains (/etc.) qui vous faisaient douter ou croire un certain décalage entre les années…].

Le décompte que nous avons dans notre calendrier est presque unanime et aucune communauté (juive traditionaliste) n’y déroge ni ne s'en écarte, nous sommes en 5779 avec un décalage d’à peu près 3760 ans par rapport au calendrier grégorien.

Il y a certes quelques chercheurs et parfois des rabbins qui proposent un nouveau calcul, mais aucune communauté (juive traditionaliste) ne les suit en cela.

De toute manière, cela n’aurait que très peu d’incidence du point de vue Halakhique.
L’exactitude de la date dans certains documents (notamment celui de divorce) est nécessaire avant tout afin de fixer l’événement dans le temps et si une personne isolée est persuadée qu’il y a une erreur dans le décompte des années, même elle ne devrait pas changer son système de datation qui n’est avant tout qu’un repère commun fiable.
Peu importe le « vrai », ce qui importe avant tout c’est la fixation du fait dans le temps.

Toutefois, il est intéressant de se demander si notre calendrier juif est bien fiable et s’il n’y a pas eu d’erreur dans le décompte qui a permis de le fixer.

Il y a eu un grand Rav connu pour son opinion iconoclaste et révolutionnaire dans ce domaine, c’est Rav ‘Haim Hirschensohn (1857 – 1935).

Il a écrit des dizaines de Sfarim dont un, intitulé Yamim Mikedem (Jérusalem 1908), dans lequel il analyse la chronologie des événements bibliques et en décale plus d’un.
L’année de la sortie d’Egypte n’est plus 2448 mais 2470, celle du second ‘Horban n’est pas 3828 mais 4042…

Selon lui, nous avons égaré quelques années par-ci par-là et nous ne sommes plus du tout en 5779, mais plutôt -il me semble (c’est à vérifier)- en 5993 !
Ça n’est pas encore un décalage de 990 ans comme celui des yézidis, mais par contre, c’est un décalage assez conséquent pour ceux qui tiennent à comprendre littéralement la Gmara Sanhédrin (97a) qui parle de l’an 6000… [certains ont l’habitude de ne pas se confronter aux réflexions en se disant qu’il reste plus de deux siècles, ça les fait « rêver ». Par faiblesse, ils ne souhaitent pas réfléchir et préfèrent fléchir. Le calendrier de Rav Hirschensohn ne leur laisse que peu de temps…]

Pour en revenir à votre question, le calendrier des yézidis est différent du nôtre et s’il fallait souhaiter faire coïncider notre calendrier avec le leur, on pourrait se demander pourquoi le leur plus que celui des chrétiens ?

Selon les chrétiens le monde en est à une année comprise entre 7218 et 8019 ans (en fonction des différents avis sur l’année de naissance Jésus dans leurs sources, est-il né en 5199, ou en 5228, ou plus tard vers 5900 voire 6000 ?).
Ou pourquoi ne pas s’intéresser au calendrier Goki ou hindou ?

Bref, on n’a pas de certitude « absolue » sur la date de la création, il y a de nombreux avis et différentes manières de calculer, mais pour ce qui est de notre calendrier, on considère que nous sommes en 5779 et les quelques rabbins marginaux n’y changent rien dans la mesure où cela n’a pas de réelle application halakhique, ça reste un débat théorique, du moins tant qu’on est dans l’impossibilité de prouver la fiabilité d’un des avis.

Le Rav Hirschensohn était un tsadik et un très grand Talmid ‘Hakham, il avait le don pour mettre les pieds dans le plat et présenter ses vues marginales avec fracas et ça lui a valu bien des déboires sa vie durant, surtout dans sa jeunesse en Erets Israël (en Palestine) où il est né.

Si les grands rabbins d’Israël comme le Rav Kook et le Rav Ouziel, ainsi que le Rav Hersch Pessa’h Frank, l’appréciaient et avaient une très grande estime de sa Gadlout en Torah et n’ont pas voulu lui « déclarer la guerre » pour ses Shitot particulières, le Rav Sonnenfeld s’est virulemment opposé à lui, surtout pour ce qu’il a écrit dans son journal mensuel Hamisderona au sujet de celui qui entretient une pensée de Kfira mais la garde pour lui sans la diffuser.

Selon Rav Hirschensohn, lorsque les Sages (Sanhedrin 90a et 99a) parlent de האומר אין תורה מן השמים , c’est uniquement celui qui « dit » (qui enseigne/diffuse) que la torah n’est pas divine qui sera considéré comme un Kofer au regard de la Halakha de Moridin Velo Maalin, pas celui qui le pense sans partager son opinion autour de lui, car ce dernier serait dans une situation de « Libo Onso ».

Rav Sonnenfeld s’est insurgé contre cette position, arguant que le verset qui dit Velo Tatourou A’harei Levavekhem est interprété par les Sages (Brakhot 12b) comme parlant d’une pensée de Minout (/Kfira), nous voyons bien que cette dernière est condamnée, quand bien même serait-elle restée au stade de la pensée.
(Rav Hirschensohn devait répondre que la Torah nous met en garde contre l'entretien d'une pensée de Minout, mais cela ne signifie pas encore qu'il faille condamner à mort le contrevenant qui n'aurait pas partagé ni répandu son idée.)

[De plus, Rav Hirschensohn faisait partie de la « société » Safa Broura et était par-là lié à quelques Maskilim sur lesquels de sérieux soupçons de Kfira planaient, comme Eliezer Ben Yehouda et David Yellin.
Un autre élément à charge: il était aussi membre du Bnei Brit -auquel étaient cependant rattachés d’autres Yerei Shamayim comme Rav Avraham Moshé Luncz et Israel Ber Frumkin -un écrivain orthodoxe et ‘hassid ‘Habad dont la Yirat Shamayim n’a jamais été remise en doute à ma connaissance, bien que son frère -le fameux Michael Lévi (Frumkin) Rodkinson- ait vraisemblablement abandonné la pratique religieuse.
J’ai déjà parlé de lui ici :
http://www.techouvot.com/choulkhan_aroukh_et_talmud_traduits-vt8027514.html
Voici une copie d’un court passage :

Il y a eu en anglais, une traduction du Talmud par Michael Levi Rodkinson (1845-1904), qui a été publiée après sa mort en 1918 (une partie comprenant 7 traités avait déjà été publiée de son vivant en 1890).
Rodkinson n’est pas son nom de naissance, il s’appelait Frumkin , son père était un ‘hassid ‘Habad et sa mère la fille d’un grand rav ‘Habad, mais il semble s’être écarté de la pratique religieuse.
Sa traduction est fort imparfaite, voire -selon le Mekor Baroukh (daf 402b) , truffée d’erreurs (au point que le rav Epstein souhaite que la mort de l’auteur ne lui apporte pas la Kapara !) .


Fin ce citation et de parenthèse. ]


En 1896, Rav Hirschensohn a investi toute sa fortune dans un projet immobilier à Jérusalem qui s’est avéré un fiasco absolu en raison d’un décret subit des autorités ottomanes interdisant de vendre une maison ou un terrain à un juif.
C’est ce qui l’a forcé à quitter Erets Israel quelques temps plus tard.

Après un passage d’un an ou deux à Istanbul, où il n’a pas chômé, il est finalement allé, vers 1903 ou 1904, habiter aux Etats-Unis à Hoboken (New Jersey) où il est devenu le rabbin de la ville.

Et c’est une bonne chose, car s’il était resté en Israël, il n’aurait pas pu s’exprimer librement.
Il est resté à son poste à Hoboken -il me semble- un peu plus de trente ans, jusqu’à son décès en 1935 et a écrit de nombreux Sfarim (dont certains ne sont pas encore imprimés).

R. Y. D. Eisenstein (Otsar Zikhronotay p.333) le compare [pour son côté ‘Hoker/Ilouy/novateur et Meikel] à Shir, au Maharats ‘Hayes et à R. ‘Haim Filipover (Wasserzog de son vrai nom), il écrit aussi (p.329) que selon sa sagesse et l’étendue de ses connaissances, il aurait plutôt dû être le plus grand des rabbanim de New York, mais il s’est retrouvé rabbin d’une petite ville comme Hoboken en raison de ses idées novatrices et non-classiques [et rares sont les personnes sachant distinguer le vrai Talmid ‘Hakham du rabbin égaré qui manque de Yirat Shamayim…].
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