Le Rav Wolff est actuellement le Dayan de la Communauté Juive d'Amsterdam en Hollande. Il répond également aux questions laissées sur notre site
www.techouvot.com, sur lequel plusieurs ont été laissées dernièrement sur la cacheroute du saumon fumé. Doit-on l'acheter obligatoirement avec un he'hsher ou non ? Rav Wolff, qui connait bien ce sujet, nous décrit les différentes étapes de fabrication du saumon fumé et nous précise pour chacune d'elles la surveillance nécessaire pour garantir la cacheroute du produit fini.
Rav Wolff:Pour commencer il faut poser le problème correctement. Le saumon est un poisson cacher puisqu'il a des écailles et des nageoires. Le problème de cacheroute provient alors d’un problème de possible « contamination » du poisson pendant le processus de fabrication. Ce problème existe-il ? Si oui, il nécessite une surveillance donc un he'hsher. Si non, le poisson fumé n'a pas besoin d'être surveillé pour être casher.
La première étape est l'identification du poisson. La loi juive prescrit que pour être casher un poisson doit forcement posséder des nageoires et des écailles. D'après Maïmonide, il faut donc pouvoir identifier chaque poisson avant de le consommer pour vérifier qu'il possède bien ces attributs. Or si on achète un filet de poisson ou plus encore du saumon fumé, on ne peut pas vérifier qu'à l'origine le poisson était bien un poisson casher, d'après la loi. De même, Rav Feinstein aux Etats-Unis a dit qu'un filet de pêche était comme une mer entière. On y trouve toutes sortes de poissons. Il faut donc pouvoir les identifier individuellement pour pouvoir affirmer que tel ou tel poisson est bien casher. Les labels de cacheroutes américans OU ou OK exigent d'ailleurs de pouvoir vérifier chaque poisson avant de les autoriser. En Europe, certains Posskim, décideurs, ont dit qu'une vérification « globale » du poisson est suffisante. Il faut pouvoir reconnaitre l'espèce et alors dans ce cas des morceaux sans peau, comme des filets, peuvent être consommés. Cet avis est loin de faire l'unanimité. Ce qui caractérise le saumon est sa couleur rosâtre. Des tests ont donc été faits pour essayer de colorer la chair d'autres poissons pour savoir s'il serait possible d'être trompé sur son origine. Ces tests ont montré qu'il n'est pas possible de mettre cette couleur rose chez une autre espèce. Les deux seuls poissons qui la possèdent sont le
saumon, qui est donc reconnaissable et casher, et la
saumonette qui elle
n'est pas cashère mais qui ne peut pas prêter à confusion puisque la saumonette ressemble à une anguille. Donc dans tous les cas, le saumon, et le saumon fumé, sont reconnaissables sans hésitation et leur autorisation ne nécessite pas de surveillance particulière.
Vient maintenant la deuxième étape qui est celle de préparation du saumon. On lui enlève la tête, les nageoires et bien évidement la peau. Or quand on enlève la peau à un poisson, on constate l'écoulement d’un liquide qui lui fait perdre du poids supplémentaire. La législation européenne prévoit dans ce cas de pouvoir injecter un liquide dans la chair du poisson afin qu'il retrouve son poids « complet », c'est-à-dire juste sans la tête et la peau. On avait l'habitude, à un moment, d'injecter dans le poisson un mélange d'eau et de sucre qui ne portait pas à conséquence du point de vue cacheroute. Mais actuellement on injecte plutôt des
protéines de poisson qui ne sont pas cachères. Le poisson ainsi traité ne peut plus être consommé casher. Toutefois, si une étape de « rééquilibrage de poids » est effectuée sur un poisson, qui est le plus souvent congelé par la suite, les éléments qui ont servi à ce rééquilibrage doivent être clairement notifiés sur son étiquette. C'est ainsi qu'il faut toujours en vérifier l'absence quand on achète du poisson surgelé et notamment en filet. Toutefois des recherches sur différents lieux de production ont clairement montré que le saumon utilisé pour faire du saumon fumé n'est jamais « rééquilibré ». Ce procédé est exclusivement utilisé pour les poissons congelés. Donc, dans tous les cas, le saumon fumé qui est « pur » est donc casher.
La prochaine étape est celle de la salaison du saumon. Il existe deux façons de procéder: à sec, ou à l'aide d'une saumure d'eau saturée de sel. Y a-t-il un risque de contamination lors de ce salage avec d'autres espèces qui ne seraient pas cachères ? La réponse est clairement non. La salaison de chaque type de poisson est faite dans des bacs complètement séparés et il n'y a aucun risque de contamination. Et même s'il devait y en avoir une, il faut savoir que les problèmes de saumure ne suivent des interdits que d'ordre rabbinique. Les grilles de salaison peuvent-elles poser un problème de contamination ? Là encore la réponse est non, d'autant plus que tout cela se passe à froid et qu'il est écrit dans le Shulhan Hahour qu'il n'y a pas de problème. Il y a quelques années, on avait l'habitude d'utiliser pour la salaison du saumon une baudruche qui provenait d'un animal pas casher. Le Rav Ytzhak Wasserman (alors enseignant à la Yeshiva d'Aix-les-Bains) avait alors recommandé d'enlever cette peau avant consommation. Mais aujourd'hui, l'utilisation d'une telle baudruche est formellement interdite. Donc, dans tous les cas, la salaison du poisson fumé ne nécessite pas de surveillance particulière.
Qu'en est-il de sa fumaison. Celle-ci se fait généralement à la verticale, ce qui empêche déjà la contamination d'une espèce à l'autre. Il faut aussi savoir que comme pour la salaison, il n'y a aucun risque de voir des saumon être fumés en même temps que des poulets, par exemple: la législation l'interdit formellement. Même entre différents poissons, cette contamination n'est pas possible puisque chaque espèce est fumée dans un fumoir différent et notamment à cause de temps de fumaisons bien distincts. Alors se pose peut-être le problème de la « cuisson » du saumon par un non-juif ? Là encore, aucun problème. En effet, la fumaison du saumon se fait à 24°C ce qui n'est donc pas considéré comme de la cuisson, qui elle n'intervient qu'à partir d'une température de 45°C. Il existe aujourd'hui des pavés de saumon fumé qui sont cuits à plus de 24°C. Mais interrogé à ce sujet, Rav Muiler de Toronto avait affirmé que même pour ces pavés de saumon fumé, un hersher n'est pas nécessaire. Une tradition veut que l'on brûle des anciens fûts de whisky pour fumer le saumon. Mais même dans ces cas, qui ne sont pas la généralité, l'ancien usage du bois ne porte pas à conséquence sur la cacheroute du poisson ainsi fumé. Donc, dans tous les cas, la fumaison du saumon ne nécessite pas de surveillance particulière.
Enfin il faut dire encore un mot sur les épices utilisés. Ce sont généralement des épices « natures » de la marque qui ne posent aucun problème de cacheroute.
Par conséquence, le saumon fumé n'a pas besoin d'être surveillé et il peut donc être acheté sans he'hsher.
Bon appétit.
(Propos recueillis par Valérie Cudkowicz)