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La génisse à la nuque rompue (Devarim 21, 1 à 9)

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Menashédf
Messages: 134
Chers Khakhamim,

J'aimerais beaucoup que vous m'expliquiez le rite de la génisse à la nuque briséé mentionnée en Deutéronome/Dévarim 21:1-9. Pourquoi employait-on une génisse? Pourquoi l'abattre précisément de cette façon, en lui brisant la nuque, près d'un cours d'eau? Quelle culpabilité auraient particulièrement les habitants de la ville la plus proche? Pourquoi le sang doit-ils leur être pardonné s'ils n'ont commis aucune faute? Ils n'ont rien eu à voir quant à la perpétration du crime sur leur territoire.
Merci une nouvelle fois de répondre à mes questions. Chalom Ou-béra'hoth.

Marcel Léger, Mexico
Jacques Kohn ZAL
Messages: 2766
Certains courants de pensée, comme ceux inspirés par « Les Misérables » de Victor Hugo, professent aujourd’hui que c’est la société qui porte la responsabilité des agissements des criminels, de sorte que ceux-ci seraient les victimes de leur environnement et par conséquent non responsables de leurs actes.

Le paragraphe de la Tora relatif à la « génisse à la nuque brisée » se situe aux antipodes d’une telle conception. Il considère que la société porte, certes, la responsabilité des actes criminels commis en son sein, mais c’est parce qu’elle n’a pas suffisamment protégé les victimes.

En effet :
1. Ce sont les « Anciens » et les « Juges » qui sont chargés d’instrumenter (21, 2), et non quelque commissaire de police ou officier de gendarmerie. Cela veut dire que c’est à la société tout entière, représentée par ses chefs, qu’il revient de découvrir le coupable.
2. L’obligation de « mesurer la distance » signifie que n’est pas ici en cause la société globale, dans son flou et sa généralité confuse, mais l’environnement quotidien de la victime, représenté par la ville la plus proche, à l’exclusion des autres.
3. Cette même obligation ne revient pas à quelque géomètre-expert commis à cet effet par la justice, mais aux « Anciens » et aux « Juges » eux-mêmes, sans possibilité pour eux de déléguer leurs pouvoirs.
4. « Et tous les anciens de la ville, les plus proches du cadavre, se laveront les mains au-dessus de la génisse… (21, 6). Ce geste de se laver les mains, contrairement à ce que pourrait laisser supposer la connotation que la langue française, probablement inspirée par les Evangiles, lui a donnée, ne signifie d’aucune façon une manifestation de désintérêt et d’irresponsabilité.

C’est au contraire, selon Ramban (21, 4) une affirmation de la responsabilité des « Anciens », tandis que Rabbeinou Be‘hayyè (21, 1) y voit comme un moyen « d’éloigner d’eux l’instrument de la justice stricte ».
En effet, ainsi que le rappelle Rachi (21, 7), « nous serait-il venu à l’esprit que les Anciens du tribunal fussent des meurtriers ? Que veut dire alors que “nos mains n’ont pas versé” ? Celui qui a été victime du meurtre n’est pas venu dans “nos mains”, et nous l’avons laissé repartir sans provisions. Nous ne l’avons pas “vu” et nous l’avons laissé repartir sans escorte. D’où l’enseignement de Rabi Yehochou‘a ben Léwi : Il n’est de “génisse à la nuque rompue” qu’à cause des gens inhospitaliers » (Sota 38b).

Le parallélisme est frappant, commente le rabbin Elie MUNK (La voix de la Thora, V, 196), entre les qualités exigées pour la génisse d’une part et pour la vache rousse et le bouc émissaire d’autre part. Aussi, Na‘hmanide dit-il que le procédé pour la génisse est le même que pour les deux autres susmentionnés, à savoir des sacrifices qui sont offerts en dehors du Sanctuaire, c’est-à-dire en plein air. Nous avons, à l’occasion du sacrifice du bouc émissaire, comme de celui de la vache rousse, exposé qu’ils sont offerts « à l’extérieur» pour être soumis en pâture aux démons des champs et des forêts. L’idée d’un sacrifice aux esprits impurs est peut-être aussi applicable à la présente loi. Les anciens faisaient descendre la génisse dans une vallée aride, afin qu’elle fût donnée en offrande aux esprits démoniaques qui avaient troublé l’esprit de l’assassin.
Cela représente également la conception des Cabalistes (Ba‘hya). Ils voient dans la mort de la victime une explosion soudaine de la violence. La mort naturelle est en général l’œuvre de l’ange de la mort, mais ici un être humain a provoqué la mort prématurée de la victime. Ainsi, la mort naturelle de l’animal s’appelle che‘hita, et la mort violente ‘éref, où l’on brise la nuque avec une hachette. En outre, Rachi cite le Talmud qui met dans la bouche du Saint béni soit-Il la sentence suivante : « Que vienne une génisse d’un an qui n’a pas encore porté de fruits (elle n’a pas encore jeté bas), qu’on lui brise la nuque en un lieu qui ne produit pas de fruits (une vallée aride), pour expier le meurtre de cet homme, à qui on n’a pas laissé le temps de porter des fruits (il est mort prématurément). »
Ainsi ce sacrifice, poursuit La voix de la Thora, réunit toutes les conditions pour prendre conscience de la gravité de l’acte de violence par lequel un homme a été tué prématurément. Le sacrifice est alors offert au middath ha’din, c’est-à-dire à l’esprit de violence, afin que l’effusion de sang innocent soit pardonnée.
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