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On trouve dans le Talmud des expressions qui reviennent régulièrement, notamment « Ta Chma' » et - moins souvent - « Bo Ouréh ».
(Dans la Kabbale, au lieu de « Bo Ouréh », il y a l'expression équivalente araméenne « Ta 'Hazei »).
Quelles différences y a-t-il entre ces deux expressions ?
Pourquoi des fois le Talmud emploie plutôt le terme « Ta Chma' », et d'autres fois il emploie plutôt le terme « Bo Ouréh », et qu'est-ce que cela vient signifier et nous faire comprendre ?
Beaucoup se complaisent à dire et répéter que la cabale utilise « Ta ‘Hazei », viens et vois, car il s’agit de voir, de comprendre en profondeur, alors que le Talmud utilise l’expression « Ta Shma », viens écoute, car il ne s’agit que de la compréhension humaine, terre à terre, moins mystique et moins profonde.
Je m’inscris en faux et refuse cette explication qui trahit souvent, en réalité, un mépris pour le Talmud.
Elle est déjà mise à mal par ce que vous soulignez : on trouve aussi « Bo oureé » dans le Talmud.
En fait, on trouve même « Ta ‘Hazei » dans le Talmud. Certes moins fréquemment que dans le Zohar, mais ces expressions s’y trouvent tout de même.
Je penche plutôt pour une distinction entre les sujets Agadiques et Halakhiques.
Lorsque c’est Halakhique, on utilise plus facilement « Ta Shma », car il s’agit d’une « Shmoua », d’un enseignement oral reçu.
Mais lorsque l’on parle d’un sujet Agadique, où il s’agira de rapporter une réflexion plutôt qu’une Shmoua/un enseignement reçu, c-à-d qu’on pouvait y réfléchir et le remarquer tout seul, par nous-mêmes, dans ce cas on dit plus facilement « Ta ‘Hazei » ou en hébreu « Bo Oureé ».
C’est une manière de dire « ouvre les yeux et vois » (car ce qu’il faut voir se trouve déjà devant toi), ce qui ne correspond pas à l’apport d’un enseignement dont on ne disposait pas encore, où l’on dire « Ta Shma », viens et écoute ce nouvel enseignement que tu ignorais.
On peut aussi dire que les parties Agadiques étaient souvent mises à l’écrit dans des livres réservés à cet effet, alors que les parties halakhiques devaient rester à l’oral.
Donc pour une Agada on peut dire « viens et vois », puisque c’est écrit.
Cette explication se retrouve dans le
Ben Ish ‘Haï (Drashot, début de lekh Lekha), mais la première présente l’avantage d’expliquer cette expression même pour les endroits où il ne s’agit pas d’un texte qui aurait pu être écrit, mais uniquement d’un appel à la réflexion.
En tout cas, le distinguo Halakha vs Agada se retrouve dans les deux explications.
Voilà pourquoi on trouve beaucoup plus de « Ta ‘Hazei » dans le Zohar que dans le Talmud.
et aussi beaucoup plus de « Bo oureé » dans le Midrash que dans le Talmud.
Le
Ben Ish ‘Haï (op cit), à la suite, rapporte au nom des commentateurs, une autre distinction expliquant cette différence de langage : Erets Israel est «
be’hinat reïya » alors que ‘houts laarets est «
be’hinat Shmia ».
Il explique cela en disant qu’en ‘Houts laarets, mes miracles sont « recouverts », il faut donc un ‘hakham qui puisse nous les indiquer/souligner, c’est donc l’ouïe qui est utilisée. Alors qu’en Israël, on constate les miracles avec nos yeux.
C’est bien beau, mais je ne comprends pas qui parle de « miracles » ? Lorsque ces textes utilisent « Ta Shma » ou « Ta ‘Hazei », ce n’est pas pour indiquer un miracle, mais plutôt un enseignement ou une réflexion.
De plus, là encore, il faut objecter que l’expression « Ta ‘Hazei » (ainsi que « Bo oureé) se retrouve(nt) aussi dans le Talmud !
Je préfère donc mon explication ou celle du Ben Ish ‘Haï.